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envers leur État, auquel ils doivent fournir par contribution le moyen d'acquitter la dette publique; mais là s'arrêtent leurs obligations, et jamais l'État ou le souverain étranger ne peut, comme par l'effet d'une subrogation, exercer contre eux les droits de l'État dont ils font partie. »>

On peut encore consulter, dans le sens de l'opinion de Puffendorf et de M. de Rayneval, VATTEL, édit. précitée, le Droit des gens, liv. II, chap. xvIII, § 344 et 345; BOUCHAUD, Théorie des traités de commerce, chap, xIII, sect. IV; AZUNI, Droit maritime, t. II, chap. v, art. 2, § 7; KLÜBER, édit. Guillaumin, Droit des gens moderne, § 232. V. aussi, sur la matière des représailles, DALLOZ, Jurisprudence générale, vo Droit des gens, n. 90' et suiv.

Depuis la fin du dix-septième siècle, on trouve peu d'exemples de lettres de représailles en temps de paix. V. ORTOLAN, Règles internationales et diplomatie de la mer, t. I, p. 398; et de Cussy, Phases et causes célèbres du droit maritime des nations, t. II, p. 56, qui citent un exemple curieux de représailles exercées par Cromvell vis-à-vis de la France et qui cependant ne troublèrent pas la bonne intelligence des deux États. V. encore, pour des faits presque contemporains, ORTOLAN, p. 399, et DE CUSSY, t. II, p. 486. Les dangers des lettres de représailles avaient déjà frappé l'attention de la diplomatie. Par l'article 9 du traité de Ryswick entre la France et l'Angleterre,' et plus tard par l'article 16 du traité d'Utrecht, il fut convenu qu'à l'avenir aucune des deux puissances << ne délivrera aucune lettre de représailles contre les sujets de l'autre, s'il n'apparaît auparavant d'un délai ou d'un déni de justice manifeste; ce qui ne pourra être tenu pour constant, à moins que la requête de celui qui demandera des lettres de représailles n'ait été rapportée ou représentée au ministre ou ambassadeur qui sera dans le pays, de la part du prince contre les sujets duquel on poursuivra lesdites lettres; afin que, dans l'espace de quatre mois, il puisse s'éclaircir du contraire, ou faire en sorte que le défendeur satisfasse incessamment le demandeur. Et s'il ne se trouve sur les lieux aucun ambassadeur ou ministre du prince, on n'expédiera encore les lettres qu'après quatre mois expirés, à compter du jour que la requête aura été présentée au prince contre les sujets duquel on les demandera, ou à son conseil privé. »

La même pensée se retrouve dans les divers traités signés à la

même époque et depuis entre les autres puissances. V. notamment l'article 3 du traité de commerce signé à Versailles, le 26 septembre 1786, entre la France et la Grande-Bretagne, et rapporté par d'HAUTERIVE et DE CUSSY, Recueil des traités de commerce et de navigation, part. 1re, t. II, p. 89.

L'usage des lettres de marque ou de représailles spéciales accordées, en temps de paix, à des particuliers ayant éprouvé un dommage de la part d'un gouvernement étranger ou de la part des sujets de ce gouvernement, est presque complétement tombé en désuétude parmi les nations civilisées. VATTEL, le Droit des gens, édit. Guillaumin, liv. II, ch. xvIII, § 341 et suiv. et les notes de M. Pradier-Fodéré. WHEATON, Éléments du droit international, t. I, p. 276; ORTOLAN, Règles internationales et diplomatie de la mer, t. I, p. 400, et DE CUSSY, Causes et phases célèbres du droit maritime des nations, t. I, p. 125. Un gouvernement qui les autoriserait aujourd'hui commettrait un acte d'hostilité. Divers traités récemment conclus contiennent cependant des clauses relatives à l'emploi des représailles à la suite d'un déni de justice. V. à ce sujet DE Cussy, loc. cit.

Pinheiro-Ferreira établit entre les représailles et la rétorsion la distinction suivante : « La saisie des objets destinés à nous servir comme de nantissement, dit-il, en attendant que notre adversaire se rende à nos justes réclamations, constitue ce qu'on appelle proprement des représailles. Sous le nom de rétorsion, on entend toutes sortes de lois ou ordonnances contenant des dispositions tendant à faire au gouvernement qui nous a porté préjudice un tort équivalent à celui que nous en avons éprouvé. « Nous dirons donc à cet égard que, si l'effet de la rétorsion ne porte atteinte qu'aux forces du gouvernement, elle ne peut que nous être permise, pourvu toutefois qu'on en use de façon à hâter et non pas à éloigner une conciliation, au lieu de la guerre, qui est le résultat le plus ordinaire de pareilles voies de fait.

>> Mais si la rétorsion doit porter dommage aux intérêts du commerce, aux fortunes privées, elle serait contraire aux principes de toute guerre juste, et ne saurait être avouée par la justice universelle, ni par le droit des gens qui en est l'application aux intérêts réciproques des nations. » CH, V.]

256.

Application de cette distinction aux différents genres d'États.

En établissant de cette manière les limites entre les rétorsions et les représailles, on voit que les simples rétorsions peuvent avoir lieu même entre les États qui reconnaissent encore un juge commun, vu que des griefs de ce genre ne sont pas de nature à être décidés par un juge; mais que les représailles proprement dites ne devraient être exercées qu'entre des États qui n'ont aucun juge commun; que, par contre, elles ne devraient jamais avoir lieu entre des États qui, ou reconnaissent encore un pouvoir souverain au-dessus d'eux, tels qu'autrefois les États misouverains de l'Empire (a), ou qui, quoiqu'ils soient souverains, sont convenus de soumettre la décision de leurs différends soit à des juges compromissaires, soit à un tribunal commun : du moins elles ne devraient avoir lieu dans aucun des cas qui sont de nature à être décidés par un juge, ou expressément attribués à sa compétence (b). Ceci n'empêche pas cependant de tels États d'user de représailles envers de tierces puissances, s'appuyant sur ce que, dans leurs rapports avec elles, ils n'ont point de juge; au moins ils n'en peuvent être empêchés que médiatement, par égard pour la confédération dont ils sont membres (c).

(a) Sur les représailles de la part des anciens États de l'Empire, on peut voir WERNHER, Observat. forenses, p. III, obs. cxv; KAHLE, De justis represaliarum limitibus, & 255.

(b) Exemples des anciennes Provinces-Unies des Pays-Bas ; de la constitution des États-Unis d'Amérique; de la Confédération suisse; de la Confédération germanique.

(c) Les écrits cités dans le paragraphe précédent font voir que les no

8 257.- Des Représailles en faveur des sujets.

D'un côté, chaque État devant protéger ses sujets contre les lésions des étrangers, et, d'un autre côté, devant administrer aux étrangers une justice aussi prompte et aussi impartiale qu'à ses propres sujets, ce ne sont pas les lésions seules qui ont immédiatement et primitivement lieu de nation à nation, mais aussi celles qui ont été commises par les sujets de l'une contre les États ou les sujets de l'autre, qui peuvent autoriser à des représailles, lorsqu'il conste que la satisfaction demandée à l'État a été ou refusée ou traînée en longueur d'une manière indue (a).

[Il semble difficile de partager l'opinion de GROTIUS, De jure belli ac pacis, lib. III, cap. 11, § 5, n. 1, qui voit dans une sentence judiciaire inique rendue au préjudice d'un étranger, in re minimè dubia, le principe pour sa nation d'obtenir réparation par la voie des représailles. BYNKERSHOECK, Quæstiones juris publici, lib. I, cap. xxiv, assimile une sentence injuste à la violence ouverte et partage l'opinion de Grotius. VATTEL, Droit des gens, édit. Guillaumin, liv. II, chap. vIII, § 350, partage cette opinion; enfin WHEATON, Éléments du droit international, t. II, p. 48, n'hésite pas à affirmer que ces principes sont sanctionnés par l'autorité de nombreux traités entre les puissances de l'Europe, réglant le sujet des représailles, et déclarant qu'elles ne seront accordées qu'en cas de déni de justice. Une sentence injuste, ajoute cet auteur, doit certainement être considérée comme un

tions de rétorsion et de réprésailles ne sont pas uniformément établies par les auteurs qui en ont traité.

(a) Autrefois les représailles furent décernées à la légère; mais, surtout depuis le quinzième siècle, les puissances de l'Europe ont établi de plus en plus, par traités, la règle qu'on n'en viendrait à des représailles que lorsque le déni ou la protraction de justice aura été dûment manifestée. V. mon Essai concernant les armateurs, chap. 1, 2 4.

déni de justice, à moins que le simple privilége d'être entendu avant condamnation ne soit tout ce que renferme l'idée de justice. L'opinion de Grotius et des publicistes qui l'ont soutenue après lui n'est pas conforme aux idées qui environnent dans tous les pays civilisés l'autorité de la chose jugée. Le déni de justice est un fait apparent, incontestable; la justice ou l'injustice d'une sentence judiciaire émanée de tribunaux réguliers et ordinaires est au contraire un fait très-susceptible de controverse et d'appréciation diverse, suivant la situation ou le point de vue de chacun, et notamment de celui dont elle lèse les intérêts. V. encore ce qui est dit suprà à la suite du § 255. CH. V.]

258.

- Des objets de Représailles. Du Talion.

Comme tout sujet ou citoyen répond de sa personne et de ses biens pour les dettes et les torts de l'État dont il est membre, ce n'est pas l'État seul, ou celui de ses sujets duquel on se plaint, c'est le particulier même innocent qui peut servir d'objet de représailles. Cependant cette responsabilité a des bornes. Et s'il est permis de saisir les biens et même de détenir la personne de tels particuliers, en laissant à leur État le soin de les indemniser, il ne l'est pas de les priver de la vie, ou à perpétuité de leur liberté, à moins de supposer des cas extraordinaires que la guerre seule peut faire naître, et dans lesquels notre propre conservation pourrait indispensablement exiger une telle mesure. On ne saurait donc indistinctement justifier l'usage du talion, en tant que celui-ci consiste à réprimer une injustice par une injustice exactement du même genre.

[Les dettes dues à un ennemi avant le commencement des hostilités peuvent-elles être confisquées ? A ce sujet, WHEATON, Éléments du droit international, t. I, p. 292, fait observer que l'Angleterre suit une politique d'un caractère plus libéral, ou

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