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Les représailles sont des voies de fait d'un genre déterminé; elles ont un objet spécial quelconque : il est donc possible d'user de représailles, et cependant de rester en paix avec la nation contre laquelle on les emploie. Leur but est, ou d'engager celle-ci à nous donner la satisfaction que nous réclamons, ou de nous la procurer nous-mêmes. Si l'objet d'abord choisi à cette fin devient insuffisant, on passe d'un genre de représailles à un autre, on en multiplie successivement les objets individuels (a). Mais lorsqu'on décerne des représailles générales et qu'on les exécute, c'est passer de l'état de paix à celui de guerre (b).

(a) Exemple des représailles successivement exercées par le roi de Prusse contre la ville de Dantzick, en 1783. V. Dонм, Denkwürdigkeiten meiner Zeit, t, II, p. 81 et suiv., 382 et suiv.

(b) VATTEL, t. II, liv. II, p. 345.

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La guerre est un état permanent de violences indéterminées entre les hommes. Elle est, ou privée, c'est-à-dire entre des individus, telle qu'elle peut avoir lieu dans l'état naturel, ou publique. La dernière est, ou civile, entre les membres d'un même État, ou publique, en sens particulier, de nation à nation. La guerre civile ne peut être légitime dans les États simples que dans les cas où le dépositaire du pouvoir public en vient à ces violences indéterminées pour ramener à l'obéissance ou pour punir des sujets rebelles, ou bien dans les cas rares et extrêmes où, de la part des sujets, le lien de soumission peut se considérer comme dissous; entre les membres d'un Etat composé, elle n'est légitime qu'en tant qu'il est question d'une guerre d'exécution, ou lorsque la constitution vicieuse offre des cas dans lesquels elle l'autorise, ou dans lesquels le défaut de juge fait rentrer les membres dans la jouissance de leurs droits naturels.

[La définition de la guerre donnée par notre auteur, qu'il considère comme un état permanent de violences indéterminées entre les hommes, ne nous semble ni vraie ni complète. Sans doute, on ne peut considérer la guerre, avec le comte de Maistre, comme une grande loi du monde spirituel, ou avec Spinosa comme l'état normal de la nature; mais si l'on envisage l'état actuel des sociétés dans leurs rapports réciproques, on est obligé d'admettre que la guerre est le seul moyen de contraindre une personne collective et souveraine à remplir ses engagements et à respecter les usages internationaux, et que, loin d'être un état de violences indéterminées, elle doit être réglée avant, pendant et après, dans son mode d'action, par des principes admis et respectés par tous les peuples civilisés et sauvegardés par la sanction de l'opinion publique. Seulement, on doit remarquer avec SCHÜTZEMBERGER, les Lois de l'ordre social, t. I, p. 506, que si le droit de la guerre est un droit de souveraineté attribué par la force des choses à l'État, dans l'intérêt de sa défense et du maintien de la justice internationale, aucune personne privée ne peut prétendre à l'exercice de ce droit. Les nécessités qui légitiment la guerre n'existent point dans l'ordre social privé. La société périrait par l'anarchie, si les citoyens étaient réduits à la nécessité de défendre leurs droits par la force.

La guerre publique peut être juste : cela est évident; mais un grand nombre de publicistes, tout en reconnaissant que dans l'état actuel des rapports internationaux elle est, pour les États, le seul moyen qui leur reste de défendre leurs droits, la trouvent toujours injuste en soi, en ce sens que la force décide du droit, ou, pour parler plus exactement, qu'il n'y a pas d'autre droit que la force. Aussi ces mêmes publicistes croient, à l'exemple de Kant, qu'on doit travailler à substituer à l'état actuel un état juridique réglant et garantissant les droits de chaque peuple, de même qu'au sein de chaque peuple il y a une autorité publique réglant et garantissant les droits de chaque individu; et même dans l'état de guerre, il faut ne pas perdre de vue qu'il est du devoir des peuples de travailler à sortir de cet état de nature pour leurs relations internationales, comme ils en sont déjà sortis pour leurs relations particulières. V. KANT, Éléments de la métaphysique du droit, traduits de l'allemand par Jules Barni, p. 106.

Que la paix doive être un jour l'état régulier et permanent de l'homme et des peuples, c'est ce qu'il est doux d'espérer; mais, en attendant, le sentiment du droit et de la justice, l'instinct de la conservation de soi-même, le devoir de la légitime défense expliquent et justifient souvent les guerres qui remplissent les annales du passé, et l'on peut dire avec M. PORTALIS, dans un Mémoire sur la guerre considérée dans ses rapports avec les destinées du genre humain (Séances et Travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, t. XXXVIII, p. 45) : « Résultat inévitable du jeu des passions humaines dans les rapports des nations entre elles, la guerre, dans les desseins de la Providence, est un agent puissant dont elle use, tantôt comme d'un instrument de dommage, tantôt comme d'un moyen réparateur. La guerre fonde successivement et renverse, détruit et reconstruit les États. Tour à tour féconde en calamités et en améliorations, retardant, interrompant ou accélérant les progrès ou le déclin, elle imprime à la civilisation qui naît, s'éclipse et renaît pour s'éclipser encore, ce mouvement fatidique qui met alternativement en action toutes les puissances et les facultés de la nature humaine, par lequel se succèdent et se mesurent la durée des empires et la prospérité des nations.... >>

« Ce qui exige ici quelque attention de notre part, dit PinheiroFerreira, c'est la définition que M. de Martens nous donne de l'état de guerre : La guerre, dit-il, est un état permanent de violences indéterminées.

» Les définitions étant destinées à servir de bases et de principes aux raisonnements, nous ne saurions dire quel usage M. de Martens comptait faire de celle-ci.

>> Certes, pendant la guerre il se commet entre les nations une immensité de violences, et personne n'est en état de prédire quel en sera le terme. Mais est-ce là ce qui constitue la guerre ? est-ce d'un telle définition qu'on peut déduire les droits et les devoirs des nations en temps de guerre ?

>> La définition vulgaire, d'après laquelle on définit l'art de la guerre l'art de détruire les forces de l'ennemi, si elle n'est pas exacte, a du moins les caractères d'une définition; car, en l'analysant, on peut parvenir à développer, sous un certain point de vue, tant les règles de l'art de la guerre, qu'une partie des droits et des devoirs des gouvernements belligérants.

>> Nous préférons la définir l'art de paralyser les forces de l'ennemi.

>> La raison en est que, pour détruire les forces de son ennemi, il faut en perdre soi-même; et plus vous vous proposez d'en détruire, plus il faudra vous préparer à en perdre des vôtres. Et l'on ne doit pas oublier qu'on ne peut anéantir les moyens de l'ennemi sans qu'il en résulte une plus grande rareté de moyens de même nature, soit vivres, soit objets de guerre, et que celle-ci continuant, nous serons dans la nécessité de subir, aussi bien que notre ennemi, la loi du marché. Rien de cela n'arrivera si, au lieu de viser à détruire ses forces, nous ne songeons qu'à les paralyser.

>> Nous reviendrons, dans les notes suivantes, à cette définition; car ce n'est que de l'idée qu'on se fera de ce que c'est que la guerre qu'on pourra parvenir à décider comment il faut la conduire. » V. sur la définition de la guerre une note développée de M. Pradier-Fodéré, sur le § 1, liv. III, ch. 1, de VATTEL, le Droit des gens, édit. Guillaumin. CH. V.]

264.

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A qui appartient le droit de la Guerre.

Le droit de la guerre étant un des droits les plus essentiels et les plus dangereux du souverain, c'est au droit public de chaque État à déterminer entre les mains de qui l'exercice en sera remis. Le dépositaire de ce droit peut seul autoriser des sujets à commettre des hostilités (a), et ceux-là seuls qui sont munis de ses ordres ou de sa permission peuvent prétendre au traitement d'ennemis légitimes. Cependant les nations étrangères ne peuvent refuser de traiter d'ennemis légitimes ceux qui sont autorisés par

(a) Soit en déléguant droit de guerre en subordination à l'État, comme cela a lieu pour quelques compagnies des Indes; V. PAULI, De jure belli societatum mercatoriarum majorum, Halæ, 1751, in-4; soit en autorisant des individus à des genres déterminés d'hostilités, comme cela se pratique par les lettres de marque et de représailles qu'on accorde aux particuliers pour les armements en course.

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