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pendant voir que dans cela même il y a plus d'apparence que de réalité.

» En effet, de tout temps, mais surtout depuis que les leçons des siècles ont rapproché les souverains de toutes les autres classes de citoyens, il est généralement reçu que les monarques s'entretiennent des intérêts des deux pays, et même de la politique générale, avec les agents diplomatiques de tous les ordres.

>> Mais, alors même qu'il était rare, ou que l'étiquette de cour ne permettait qu'aux ambassadeurs d'entretenir immédiatement les souverains des intérêts de leurs missions, jamais ces entretiens ne furent regardés comme actes valables de leurs négociations. C'est avec les ministres du monarque qu'il fallait conférer et conclure; et jamais ministre qui tint à cœur les intérêts de l'État, la dignité de la couronne et sa propre dignité, n'aura pu s'abaisser à apprendre de la bouche de l'ambassadeur étranger les décisions de son propre souverain. C'est au contraire par lui que l'ambassadeur aura dû savoir, ainsi que l'envoyé ou le chargé d'affaires, ce qui en définitive doit être censé accordé entre les deux gouvernements, quelque flatteuses qu'aient été les espérances que l'ambassadeur ait pu concevoir de ses entretiens avec le souverain.

» Jusqu'ici nous avons supposé que les constitutions de l'État auquel l'ambassadeur appartient, ainsi que celles du pays où il est envoyé, fui permettent de traiter valablement de souverain à souverain. Mais tel n'est pas le cas dans les pays dont le gouvernement est représentatif, monarchie ou république; car, dans les premières, le souverain n'exerce aucun acte de royauté que par l'entremise de ses ministres. Il ne peut y avoir de la part d'un monarque constitutionnel envers les autres souverains que des rapports privés.

» On peut encore moins concevoir de quels intérêts l'ambassadeur d'une république peut être chargé par le président auprès du souverain étranger, ou l'ambassadeur de celui-ci auprès du président de la république.

» Un ambassadeur est donc une entité diplomatique dénuée de toute signification dans un gouvernement constitutionnel, et surtout un ambassadeur accrédité auprès du président d'une république.

>> Nous aimons à croire que les lumières du siècle feront enfin disparaître des cadres diplomatiques ces agents qui, n'ayant aucun

but réel qui les distingue des deux autres ordres, ne sauraient que contribuer à entretenir les idées d'une fausse aristocratie, aussi incompatible avec l'économie d'une sage administration qu'avec les principes de tout gouvernement représentatif. >>

2193. Ministres du second Ordre.

CH. V.]

Tous les ministres des ordres inférieurs ne sont pas revêtus du caractère représentatif proprement dit, et ne représentent le gouvernement ou l'État qui les envoie que relativement aux affaires pour lesquelles ils sont mandataires ou porteurs de pouvoirs, ou du moins ne le représentent que vaguement au delà (a). La manière de représenter leur constituant est la même pour tous les ministres de ce genre, et dans ce sens il ne peut y avoir que deux classes de ministres. Mais, en tant qu'on a égard à la dignité qui leur est conférée et à la diversité du cérémonial introduit aujourd'hui dans la plupart des États de l'Europe (b), surtout d'après le règlement de 1815, on doit admettre encore une distinction entre les ministres du second et du troisième ordre.

Sous ce point de vue, on nomme ministre du second or

(a) VATTEL, liv. IV, 2 69; MOSER, Vorrede zum Belgrader Friedenss, p. 20. On ne saurait dire que les ministres des ordres inférieurs ne représentent absolument leur souverain que relativement aux affaires, c'està-dire comme tout mandataire particulier représente son constituant: alors il ne pourrait pas être question pour eux d'exercer la préséance sur le même pied que l'exercent ou la prétendent leurs cours; ce qui, même nonobstant le règlement de 1815, est encore applicable à d'autres États que les États royaux; de sorte qu'on voit combien cette définition est vague est imparfaite.

(b) La république de Venise n'a toujours connu que deux classes de ministres.

dre (c) les envoyés (d) (inviati, ablegati), les ministres plénipotentiaires (e) (bevollmachtigte Minister ou Gesandle) (f), les internonces du pape (g).

[<< Puisque M. de Martens reconnaissait, dit Pinheiro-Ferreira, que sa définition du caractère diplomatique, lorsqu'on l'applique aux différents ordres d'agents, était vague et imparfaite, comment se fait-il que l'idée ne lui soit pas venue de la rectifier ou de chercher à en donner une meilleure? C'est que, d'un côté, il était entré dans les fausses voies de ses prédécesseurs; et que, d'un autre côté, les principes de l'école positive le forçaient de subordonner les dictées de sa raison aux décisions des grandes puis

sances.

>> Tous les publicistes classent les diplomates d'après les honneurs qu'il a plu aux différents gouvernements de leur accorder. M. de Martens n'a donc pu s'empêcher d'adopter cette même base de classification. Mais lorsqu'il a voulu savoir ensuite d'où dérivait cette différence dans les honneurs qu'on leur accordait, son bon sens a été choqué de trouver qu'on déterminait la distinction des honneurs d'après celle des rangs, après avoir déterminé la distinction des rangs d'après celles des honneurs.

>> Sa raison lui aurait bien dicté d'abandonner cette fausse voie

(c) Le règlement de 1815 plaçait généralement dans cette catégorie les envoyés, les ministres ou autres accrédités auprès des souverains, ce qui comprenait donc aussi la plupart des résidents.

(d) Soit simplement qualifiés du titre d'envoyé ou de celui d'envoyé extraordinaire, ou même d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire.

(e) Ce n'est que vers le milieu du dix-huitième siècle que le cérémonial a rangé les ministres plénipotentiaires dans la même classe que les envoyés. V. DE RÉAL, Science du gouvernement, t. V, p. 48; MOSER, Beyträge zu dem Völkerrecht, t. III, p. 28.

(f) Exemple d'une singulière distinction faite à cet égard à Bonn, en 1787, dans Polit. Journal, 1787, p. 447.

(g) C'est sans doute par erreur que le baron DE BIELEFELD, dans ses Institutions politiques, t. II, p. 276, range les internonces du pape dans la troisième classe, et les nonces dans la seconde. V. MOSER, Beyträge zu dem Gesandtschaftsrecht, p. 8.

des publicistes ses prédécesseurs, et d'aller chercher dans la spécialité des mandats de chacun des trois ordres diplomatiques la distinction de leurs rangs; mais la décision du congrès d'Aix-laChapelle était là, qui n'avait ajouté, aux trois ordres signalés par celui de Vienne, le quatrième des ministres résidents, que parce que le cérémonial de ceux-ci est différent de ceux des trois autres ordres. De là M. de Martens a conclu qu'il ne lui était pas permis de chercher ailleurs que dans la diversité du cérémonial tout à fait arbitraire des cours la distinction de ces rangs. »]

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Sous le même point de vue, on nomme ministres du troisième ordre les ministres résidents, les résidents, les ministres chargés d'affaires (a), accrédités auprès des souverains.

Les simples chargés d'affaires nommés par interim pendant l'absence du ministre, ou à des cours auxquelles on ne peut ou on ne veut pas envoyer des ministres titrés, n'ont pas le caractère formel de ministres; aussi la plupart (b) d'entre eux, sans être légitimés par des lettres de créance présentées au souverain, ne sont accrédités que par des lettres remises au secrétaire d'État ou ministre des affaires étrangères, ou même ne le sont que verbalement par le ministre ordinaire qui les présente à son départ, et le cérémonial auquel ils peuvent prétendre, surtout de la part d'autres membres du corps diplomatique, est assez

(a) Le titre de ministre chargé d'affaires comme désignation d'un genre particulier de ministre, semble avoir été rarement donné. Il est douteux si ce que rapportent BIELEFELD, Institutions politiques, t. II, p. 281, et MOSER, Versuch, t. IV, liv. IV, chap. xxvII, peut en offrir la preuve. Cependant, en 1784, le roi de Suède conféra cette qualité à son ci-devant chargé d'affaires à Constantinople.

(b) Exceptions pour les agents diplomatiques des villes anséatiques.

incertain dans plusieurs cours: cependant ils sont agents diplomatiques, et on ne saurait leur refuser les immunités dont jouissent les ministres du troisième ordre, quoique le cérémonial ne soit pas le même, en tant qu'ils ne sont pas accrédités auprès du souverain.

195.

- De la préséance entre les ministres des trois Ordres,
et entre eux.

Le caractère représentatif élève les ambassadeurs audessus de tous les ministres des ordres inférieurs, sans égard à la préséance entre leurs cours. Les ambassadeurs entre eux accordent la préséance, ou y prétendent entre eux sur le même pied que leur cour l'accorde ou l'exige (a), et l'exercent sans distinction entre l'ambassadeur extraordinaire et ordinaire de deux diverses cours (b); de plus, le caractère représentatif absorbe tellement toutes les autres qualités, que la diversité de naissance, de dignités, ou de charges civiles ou militaires dont ils seraient revêtus, n'influe en rien, ni sur la préséance, ni sur les titres, ni même sur les honneurs qu'ils seraient en droit de prétendre (c).

(a) Par rapport à tous les employés diplomatiques des têtes couronnées, donc aussi par rapport à leurs ambassadeurs, l'article 4 du règlement de 1815 veut qu'ils prennent le rang d'après la date de la notification officielle de leur arrivée, sans cependant rien innover par là relativement aux représentants du pape.

(b) V. ce règlement, article 3. Entre deux ambassadeurs d'une même cour, l'ambassadeur extraordinaire a, dans la règle, le pas sur l'ambassadeur ordinaire; mais c'est la volonté de leur cour qui décide. La distinction qu'on faisait dans quelques cours, entre les ministres des cours de famille et autres, a également été supprimée, quant au rang, par ledit règlement.

(c) MOSER, Versuch, t. III, p. 504.

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