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CHAPITRE III.

DE CE QU'IL FAUT AU MINISTRE POUR ENTRER EN

FONCTION.

201. De la Suite et de l'Ameublement du Ministre.

Le ministre étant désigné, et ses appointements (a) fixés, il faut encore pourvoir à sa suite, à son ameublement, et surtout le munir des pièces nécessaires pour entrer en fonction.

Le cortége militaire dont la cour fit autrefois accompagner ses ambassadeurs n'a plus guère lieu aujourd'hui que dans ces missions solennelles qui suivent ordinairement la paix avec la Porte, ou bien quelquefois en temps de guerre. De même, on ne permet plus aux ambassadeurs d'avoir

(a) F.-C. VAN MOSER, Von dem Appointement oder Gehalt eines Gesandten, dans ses Kleine Schriften, t. I, p. 182, LE BRET, Magazin, t. II, p. 206. Sur la Hollande, V. KLUIT, Hist, fœd., t. II, p. 571, et mes Erzählungen merkw. Fälle, Appendice, t. II, p. 373. Ce n'est pas sous ce point de vue seul qu'il importe d'observer que jusqu'à ce jour même les missions permanentes ont été considérées presque partout comme des commissions, et non comme des charges.

dans le lieu de leur résidence leur garde militaire (b), si ce n'est quelques Suisses.

Du reste, le train du ministre est très-différent, surtout d'après le genre de mission. La suite complète d'un ambassadeur supposait jusqu'à présent plusieurs gentilshommes et pages d'ambassade, plusieurs secrétaires d'ambassade, une chancellerie, un ou plusieurs secrétaires interprètes (truchements à la Porte), un aumônier, des gens de l'office, une livrée nombreuse, etc. Dans l'ameublement d'un ambassadeur on comprend une vaisselle, plusieurs attelages de six chevaux, etc.

La suite des ministres du second ordre est ordinairement beaucoup moins nombreuse : le plus souvent sans gentilshommes attachés à la légation, rarement plus d'un secrétaire de légation; cependant tout dépend des circonstances. Celle des ministres du troisième ordre est encore plus limitée, ou peut l'être, du moins.

Les frais et les difficultés de cérémonial que font naître les missions du premier ordre sont cause que plusieurs, même des cours royales, n'envoient que peu ou point d'ambassadeurs; en général, il ne serait pas surprenant d'en voir diminuer encore le nombre (c).

[On ne comprend plus aujourd'hui dans la suite d'un ministre que: 1° les secrétaires d'ambassade ou de légation de diverses

(b) Capitulation impériale, art. 28, 82; Moser, Anmerkungen zur Wahlcapitulation Joseph 11, t. II, p. 364.

(c) En temps de paix on comptait, jusqu'à la guerre de la révolution, environ quarante missions permanentes du premier ordre, outre les nonciatures du pape. Le plus grand nombre de ces ambassadeurs étaient envoyés par l'Autriche, la France, l'Espagne et la Grande-Bretagne.

classes, suivant la hiérarchie adoptée par chaque État ; 2o les personnes attachées aux missions, comme le chancelier, les secrétaires interprètes, les attachés et élèves ou aspirants, les pages pour les missions d'apparat; 3° l'aumônier et le médecin ; 4o les officiers de la maison et les gens de livrée attachés au service du ministre. V. encore le baron Ch. DE MARTENS, le Guide diplomatique, 4 édit., t. I, p. 158, d'autres dénominations données au personnel officiel et au personnel officieux qui accompagnent chaque chef de mission et composent sa suite.

« Nous profiterons de cette occasion, dit Pinheiro-Ferreira, pour émettre, sur la composition des légations permanentes, quelques idées qui nous semblent pouvoir contribuer à les rendre plus utiles qu'elles ne le sont par suite de leur organisation. Ce que quelques écrivains, en très-petit nombre, ont proposé, ne saurait s'accorder avec les principes d'un système constitutionnel, tant pour ce qui concerne la nomination que la promotion et même les destinations des employés des missions diplomatiques. L'auteur qui paraît s'être préoccupé de cette matière avec le plus de détail, dans l'intention de donner à la diplomatie une forme d'enseignement scientifique, est M. Hellmuth Winter, savant professeur de l'université de Berlin, à en juger par le plan qu'il vient de publier de son ouvrage sur cet important sujet. Cependant cet écrivain, d'ailleurs si distingué, n'a pas évité le défaut essentiel que tous les plans antérieurs d'une école de diplomatie présentent en commun. Contents de montrer la nécessité de faire étudier aux élèves en diplomatie un cours de droit public interne et externe, tant positif que philosophique, ces écrivains se sont imaginé que, munis de ces connaissances théoriques, les élèves pourraient sur-le-champ les mettre en pratique, en passant des bancs de l'école aux légations en pays étrangers. C'est une grave erreur. Les jeunes gens destinés à servir dans les missions diplomatiques doivent avoir servi auparavant, pendant quelque temps, dans les divers départements de l'administration publique les plus propres à leur donner une idée complète de tous les différents ressorts dont elle se compose. Destinés à défendre un jour les intérêts du commerce de leur pays contre les exigences des nations étrangères, il faut qu'ils connaissent les besoins et les ressources de ce commerce. S'ils ne connaissent pas à fond l'organisation et la force de l'armée de terre et de mer chez eux,

comment pourront-ils traiter dans leurs négociations une foule de questions qui dépendent essentiellement de ces données? Étrangers à l'administration de la justice et des finances, ignorant jusqu'à quel point l'État peut compter sur ses ressources pendant la paix comme pendant la guerre, sur quelles bases pourront-ils asseoir les arguments qu'il sont appelés à employer à l'appui de leurs propositions? En un mot, le diplomate qui n'aura pas ajouté des connaissances bien positives sur la statistique de son pays, aux connaissances théoriques de la science du gouvernement, ne sera qu'un médiocre diplomate.

>> C'est donc dans les bureaux des départements administratifs qu'il faut prendre ces jeunes gens destinés à être attachés aux légations étrangères. C'est dans les rangs plus élevés de ces mêmes départements qu'il faut prendre les membres des différents degrés de la hiérarchie diplomatique. Ainsi, après avoir servi quelque temps comme attaché en pays étranger, l'élève en diplomatie rentrera aussi pour quelque temps, dans un grade plus élevé, au département d'administration intérieure, d'où il aura été tiré; en sorte que, passant alternativement du service dans le pays à celui des légations étrangères, au moyen d'une promotion graduelle et fondée sur l'acquisition progressive de connaissances acquises dans l'une aussi bien que dans l'autre de ces deux carrières, le diplomate pourra rendre à son pays des services qu'on ne saurait espérer de ceux dont toute la science se borne à une stérile routine des cours, seules écoles de la diplomatie jusqu'à présent.

>> Les commissions des agents diplomatiques sont ou transitoires ou permanentes. Les unes, aussi bien que les autres, ont pour objet de régler des rapports de commerce ou de politique entre les deux nations; mais les missions permanentes ont encore pour but de suivre les progrès de la civilisation chez le peuple où le diplomate établit sa résidence.

>> Tous ces objets exigent évidemment dans les personnes qui en sont chargées un ensemble de connaissances statistiques proportionnées au ròle qu'elles ont à jouer dans la légation. Aussi ne faut-il pas croire que pour tirer tout le parti possible d'une mission permanente il suffise toujours de la confier à un ministre habile, même secondé par un secrétaire de légation, ainsi qu'on le pratique ordinairement. Sans doute que tous les pays ne méri

tent pas également la peine d'être étudiés dans leurs progrès, ou parce qu'ils n'en font guère, ou parce qu'ils en font de si lents, qu'on ne serait pas récompensé des frais qu'on ferait en y établissant une mission assez complète pour suivre la marche progressive de toutes les différentes branches de l'administration publique. Mais le principe, qu'il faut charger les missions diplomatiques de tenir le gouvernement au courant de tout ce qui se fera d'intéressant dans le pays relativement à l'organisation sociale, une fois reconnu en général, on en conclura aisément qu'il faut les composer d'un personnel qui, sans surcharger l'État d'une trop forte dépense, présente une réunion d'individus qui, sous la direction du chef de la mission exploitent, chacun dans sa partie, tout ce que le pays pourra offrir d'intéressant sous les différents rapports de la statistique. »> CH. V.]

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Pour être reçu avec le caractère de ministre par l'État auquel il est envoyé, le ministre doit être muni d'une lettre de créance (a). Cette lettre du souverain qui l'envoie, à celui qui le reçoit, renferme le but général de la mission, le nom et le caractère du ministre, et la demande. d'ajouter foi à ce qu'il dira au nom de sa cour (b). La forme de la lettre est arbitraire, quoique le plus souvent on l'expédie en forme de lettre du conseil. Outre l'original, muni du sceau de l'État, on donne ordinairement au ministre une copie légalisée pour la présenter au secrétaire d'État en demandant audience (c).

(a) JUGLER, De litteris legatorum credentialibus, Jenæ, 1741, in-4; J. G. ESTOR, De jure poscendi litteras quas vocant credentiales à legatis, Jenæ, 1748, in-8.

(b) D. NETTELBLADT, De forma litterarum credentialium, Halæ, 1753, in-4; SNEEDORFF, Essai d'un style des cours, p. spec., chap. 1, art. 1.

(c) BIELEFELD, Institutions politiques, t. II, p. 296; BECK, Versuch einer Staatspraxis, liv. V, chap. 1, p. 240.

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