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[« L'usage des chiffres n'est pas sans inconvénients, dit Pinheiro-Ferreira, et il peut y en avoir de deux sortes. La première, c'est que lors même qu'on ne pourra point parvenir à déchiffrer la dépêche du ministre étranger, on sera fondé à croire qu'il transmet à son gouvernement des informations dont il croit nécessaire de dérober la connaissance aux autorités du pays; ce qui n'est pas le moyen le plus propre à le recommander auprès d'elles.

» L'autre sorte d'inconvénients, c'est que l'envoyé, comptant sur le secret du chiffre, se permet d'écrire ce qu'il n'aurait pas osé imprudemment confier au papier, sans la sécurité que ce moyen lui inspire. Mais cette sécurité est la plupart du temps trompeuse; car, sans compter les facilités que les gouvernements ont d'apprendre dans chaque pays ce que les ministres résidents en pays étrangers écrivent à leurs gouvernements, il est rare que tôt ou tard la clef du chiffre que l'envoyé croyait en toute sûreté n'ait été découverte et communiquée aux gouvernements intéressés à en faire l'acquisition.

>> Nous devons cependant excepter les chiffres basés sur des conventions qui, étant faciles à retenir par cœur, n'ont besoin d'aucune clef, ni ne sont sujettes aux risques d'une indiscrétion; comme, par exemple, si les deux personnes qui doivent correspondre s'accordaient à choisir pour base de leur chiffre le Télé. maque d'une certaine édition pour y prendre dans telle ligne de telle page qu'on voudra les vingt-six lettres de l'alphabet, en indiquant chaque fois, au commencement de la lettre, la page et la ligne où on l'a pris » sur les instructions données au ministre.» V. WHEATON, Éléments de dr. intern., t. I, p. 197, § 9 et VATTEL, le Droit des gens, édit. Guillaumin, liv. IV, ch. vi, § 77, ainsi que la note de M. Pradier-Fodéré. CH. V.]

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Le ministre, arrivé au lieu de sa destination, doit présenter au ministre des relations extérieures la copie de ses lettres de créance, et demander d'être admis à l'audience." Celle-ci est publique ou privée. De ce premier genre est l'audience solennelle des ambassadeurs, qui moins fréquemment aujourd'hui qu'autrefois est précédée de leur entrée solennelle (a).

Dans les monarchies, le prince envoie celui qui est destiné à l'introduction de l'ambassadeur, accompagné d'autres officiers de la cour, à l'hôtel de celui-ci, qui, accompagné de toute sa suite, autrefois même des ministres étran

(a) D'après DE RÉAL, t. V, p. 309, cette entrée solennelle n'a jamais eu lieu dans les cours de famille. Les Turcs ne l'accordent pas à tous les ambassadeurs; V. LE BRET, Magazin, t. II, n. 2; les papes ne l'accordent que pour les seules missions d'obédience; V. ROUSSET, Cérémonial diplom., t. II, p. 175. On trouve encore des exemples de ces entrées solennelles dans MOSER, Versuch, t. III, p. 251, 260 et suiv.; Beyträge, t. III, p. 304, 309 et suiv.

gers (b), monte dans le carrosse de cour attelé de six chevaux, et fait suivre ses voitures attelées de même. Conduit dant la cour intérieure du palais, salué par les gardes, et accompagné de son introducteur, il monte par l'escalier des ambassadeurs à la salle (c) destinée à sa réception, et dont on ouvre les deux battants. Là siége le monarque sous un dais, ayant à ses côtés le chancelier ou ministre d'État, et environné des princes et princesses du sang de sa cour, des ministres étrangers, etc., placés en haie. L'ambassadeur, accompagné de quelques personnes de sa suite, s'approche du souverain par trois révérences, tandis que celui-ci se lève, se découvre, et fait signe au ministre de se couvrir en se couvrant, et de s'asseoir dans le fauteuil qui lui est destiné en s'asseyant. Le ministre se couvre (d), prononce son discours d'audience, pendant lequel, en faisant mention de ses lettres de créance, il prend celles-ci des mains de son secrétaire ou gentilhomme d'ambassade pour les présenter au souverain, et les remettre au chancelier ou ministre qui est à ses côtés. Le discours étant fini, le souverain y répond, ou le plus souvent y fait répondre par son ministre. La cérémonie terminée, le ministre se retire par trois révé-

(b) De Réal, t. V, p. 309, soutient que cet usage aurait cessé depuis l'événement qui eut lieu à Londres en 1661. V. cependant, entre autres, un exemple de 1785, dans Nouv. extraordinaires, 1785, n. 31. C'est surtout aux missions pour demander une princesse en mariage ou pour l'épouser par procuration, que ces cérémonies semblent réservées aujourd'hui.

(c) Dans quelques cours, on fait une distinction entre la salle royale et la salle ducale.

(d) C'est le point essentiel du cérémonial, cependant, dans les audiences des reines, l'ambassadeur se contente de faire le signe de se couvrir. Il ne se couvre pas non plus dans les audiences du pape.

rences, regardant toujours le souverain en face. Souvent il est alors admis immédiatement à l'audience de l'épouse du souverain et des autres princes et princesses du sang qui ont leur cour particulière (e), lesquels il doit également haranguer, et qui répondent, soit en personne, soit, surtout les princesses, par un officier de leur cour.

Dans les républiques, le détail des cérémonies pour la première audience de l'ambassadeur est moins uniforme ; mais l'honneur du fauteuil, le droit de se couvrir, le discours d'audience, se trouvent assez généralement observés ().

Au reste, toute cette pénible cérémonie de l'audience solennelle (g) est peu nécessaire, même à un ambassadeur, pour entrer en fonctions (h); et plus d'une fois on s'est contenté d'une audience privée; quelquefois, ce qui paraît encore plus singulier, en renvoyant la cérémonie de l'entrée et de l'audience solennelle à un temps plus éloigné.

[On trouve dans le Guide diplomatique, du baron Ch. DE MARTENS, t. I, p. 141 et suiv., l'indication des règlements et

(e) MOSER, Beyträge, t. III, p. 402; t. IV, p. 376; Beyträge zum Gesandtschaftsrecht, p. 145; F.-C. MOSER, Von den Staatsprachen,

p. 9.

() Sur le cérémonial autrefois usité à La Haye, V. JANIÇON, État présent des Provinces-Unies, p. 1, p. 92; sur celui qui a subsisté à Venise, V. AMELOT DE LA HOUSSAYE, Hist. de Venise, t. I, p. 37; sur celui de la République française, 1795, .V. mon Erzählungen merkwürdiger Fülle, Append., p. 330, et GEBHARD, Recueil, t. II, p. 3 et suiv.; sur celui des États-Unis de l'Amérique, mon Erzählungen merkwürdiger Fälle, t. I, Append., p. 377.

(g) OEuvres posthumes du roi de Prusse, t. I, p. 61; t. V, p. 229; t. XI, p. 158.

(h) LAMBERTY, t. I, p. 29.

des usages suivis dans les différentes cours au sujet de la réception des ministres publics et des audiences solennelles ou privées qui sont accordées par les souverains aux ambassadeurs et aux ministres des diverses classes. V. encore WHEATON, Éléments de droit international, t. I, p. 198, et DALLOZ, Jurisprudence géné rale, v Agent diplomatique, n. 65 et suiv. CH. V.]

8 207.

Des Audiences des Ministres des Ordres inférieurs.

Dans la plupart des cours les ministres du second ordre peuvent également obtenir une audience publique (a); mais le plus souvent ils sont admis, dans les monarchies, à une audience privée, où le souverain n'est accompagné que d'un ou deux de ses ministres, et où le ministre étranger, après un discours souvent très-abrégé, lui remet ses lettres de créance.

Il en est de même aujourd'hui pour les ministres résidents (b). La question de savoir si les simples résidents et chargés d'affaires sont admis à l'audience pour remettre leurs lettres de créance, ou ne sont accrédités que par une lettre remise au secrétaire d'État ou ministre des affaires étrangères, doit se juger d'après le cérémonial de chaque cour. Il varie non-seulement d'État à État, mais même à telle cour dans ses relations individuelles (c). Il en est de même de la question, si dans le cours de la mission les

(a) JANIÇON, État présent des Provinces-Unies, t. I, p. 97.

(b) Au moins pour les cours qui ont signé le protocole du 21 novembre 1818, déjà cité.

(c) Sur la Russie, V. l'exemple de 1750, dans ADelung, Staatsgeschichte, t. VII, p. 130. Mais les agents ou chargés d'affaires des villes anséatiques apportent des lettres de créance en vertu desquelles ils sont admis à l'audience, en Russie comme dans d'autres cours. A Vienne, tous les résidents des États de l'Empire étaient admis à l'audience de l'empereur.

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