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vaise année, le pain à un taux beaucoup moins élevé que la mercuriale, sauf à faire payer un peu plus cher dans les années de fertilité... >>

Selon M. Haussmann, dans les premiers temps de la crise des subsistances on s'était trompé en considérant la taxe de 40 centimes par kilogramme de pain, comme le prix maximum que la population pouvait supporter sans trop de souffrance. Le maintien de cette limite du 1er septembre 1853 au 15 mai 1855 aurait préjudicié à la caisse de la boulangerie. On aurait reconnu que Paris, dans la condition présente du travail et des salaires, pouvait payer le kilogramme de pain 45 et même 50 centimes aussi aisément, que précédemment 40 centimes. Une plus longue pratique de la surtaxe ferait connaître si, depuis qu'il était entré dans la période active, le système de la compensation avait rendu à la caisse tout ce qu'il pouvait produire sans inconvénient. Mais l'instrument même avait résisté à l'épreuve de la disette: pendant trois ans de pénurie aggravée par la guerre, il avait tenu le prix du pain dans des limites modérées. « Ainsi, pendant la durée prolongée du fléau, l'auguste et vigilante bonté qui a créé cet agent si puissant, pour conjurer la famine et la misère, a pu être présente à tous les yeux, pénétrer dans les foyers, et intervenir, sous la forme délicate d'un service qui n'avait rien d'humiliant, entre l'acheteur et le vendeur de l'aliment le plus nécessaire.» Et le préfet de la Seine ajoutait avec une parfaite raison, que ce système, qui fonctionnait aisément, était passé dans les mœurs, et avait résolu un problème.

C'est rester dans le sujet, c'est-à-dire dans le domaine municipal, que de relever avec l'administration de l'assistance publique les chiffres de la population indigente, inscrite sur les contrôles des bureaux de bienfaisance de la ville de Paris. Opéré en 1856, ce recensement venait d'être constaté. D'après cette statistique, le résultat triennal de cette opération comparé aux recensements antérieurs n'avait rien de précisément inquiétant. En voici le relevé :

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Il résultait de ce tableau, que c'était en 1836, après trois années des plus calamiteuses, que la proportion de la population indigente s'était sensiblement abaissée. Les travaux de tous genres et multipliés, ouverts sur tous les points, n'étaient sans doute pas étrangers à ce résultat. Il fallait en outre tenir compte de cette circonstance, que les enfants, qui dans les recensements précédents ne figuraient dans la population que jusqu'à l'âge de douze ans, y avaient compté cette fois jusqu'à l'âge de quatorze ans. En 1853, les 65,264 indigents formaient 29,142 ménages ; ils en constituaient 29,630 en 1856. « Si, portait la statistique officielle, une règle nouvelle n'eût pas été introduite, et que la proportion entre le chiffre des ménages et celui des individus fût restée la même qu'en 1853, le nombre des indigents en 1856 n'aurait été que de 66,343, c'est-à-dire de 1 indigent sur 17,36 habitants. Un fait de cette importance qui se produisait à la suite de la cherté prolongée des denrées de première nécessité, ne témoignait-il pas évidemment de la diminution de la misère, et d'un mieux-être plus général dans les classes laborieuses de la ville de Paris depuis l'établissement du gouvernement impérial? Cet heureux résultat, qui ne peut que s'améliorer encore avec des années plus favorables, nous en sommes redevables aux généreuses mesures qui ont prescrit la vente du pain à prix réduit, aux grandes et nobles pensées du souverain, qui, pour l'embellissement de la capitale et l'utilité des travailleurs, ont créé dans toutes les parties de cette vaste cité

d'immenses chantiers où des milliers de bras sont occupés, et enfin au développement de l'industrie, qui trouve pour ses entreprises toutes les garanties possibles de sécurité dans un gouvernement habile et fort, entouré des sympathies nationales.» (Moniteur, 2 avril).

Dans le chiffre des indigents de Paris, le nombre des femmes assistées était presque du double de celui des hommes, 26,277 contre 13,519. Si l'état comparé des forces physiques rendait en partie compte de cette différence, il en résultait aussi un fait désormais acquis à l'économie sociale, c'est que les ressources de travail dont dispose la partie féminine de la population sont trop insuffisantes. Les travaux mêmes dont parlait le document officiel restent nécessairement interdits aux femmes. Ne pourrait-on pas songer quelque jour à faire pour elles, et par analogie, ce qu'on faisait pour la partie virile de la population?

Statistique tirée de l'origine : sur les 29,630 chefs de ménage secourus, 7,338 seulement étaient natifs de Paris; 983 étaient nés dans les communes rurales de la Seine; 19,580 dans les autres départements et 1,729 à l'étranger. 1,852 chefs de ménages étaient âgés de 75 à 79 ans ; 753 de 80 à 90 ans et 42 de 90 à 99 ans. La nature des choses expliquait cette différence; ajoutez que tout vieillard, ayant atteint sa 76° année, avait droit d'être admis d'urgence à Bicêtre ou à la Salpêtrière.

Comme toujours, la proportion des ménages et individus secourus était différente suivant les arrondissements: Les 12, 8e et 9 contenaient à eux seuls presque autant de pauvres que les neuf autres réunis.

Loyers comparés. Ce point, comme on sait, avait fixé au plus haut degré la sollicitude de l'Empereur, qui se préoccupait sans cesse des moyens de procurer à la classe laborieuse des logements à bon marché. Comparaison faite des différences qui existaient à cet égard entre les années 1835 et 1856, la statistique officielle reconnaissait que dans la première de ces deux années, 4,163 ménages avaient pu se loger moyennant 50 fr. et au-dessous, tandis qu'un peu moins de la moitié 2,054 avaient pu se loger à ce prix en 1856. En 1835 on comptait 13,024 loyers de 51 à 100 fr.; on n'en trouvait plus que 10,285 à ce prix en

1856. Par contre, en 1835, 4,982 ménages payaient de 101 à 200 fr. En 1856 le nombre s'en était élevé à 10,282. Mais cette proportion n'accusait pas, il faut le reconnaître, un accroissement de bien-être, tout en tenant un juste compte de la sollicitude de l'administration puisqu'elle témoignait qu'un plus grand nombre de ménages avaient dú chercher à se loger à plus bas prix. Enfin, les loyers de 201 à 300 fr. qui, en 1835, n'étaient qu'au nombre de 375, s'étaient élevés à 1,067 en 1856.

Maintenant ne devait-on pas, en reconnaissant combien le gouvernement était sagement prévoyant, en ouvrant sur tous les points des chantiers, en fournissant de la besogne à la nombreuse population des travailleurs, observer aussi ce fait, que l'attraction à Paris de cette population même devait nécessairement contribuer, indépendamment des avantages recueillis par les propriétaires expropriés pour cause d'utilité publique, ou mis en possession de demeures nouvelles et plus confortables, à faire renchérir les loyers?

Nul doute que l'administration se sera préoccupée de cette autre face de la question; mais où s'en pouvait trouver la solution? La statistique officielle elle-même était frappée de la difficulté. «Telles sout, disait-elle, les principales remarques qui ressortent du dernier recensement de la population indigente de Paris. Elles sont dignes de toute l'attention de l'autorité qui étudie avec tant de soin tous les faits qui intéressent les classes nécessiteuses, et qui s'occupe avec tant de zèle et de suite de leur soulagement. » En effet, le sujet en valait la peine et présentait, malgré le bon vouloir de l'administration, tous les caractères de l'urgence.

CHAPITRE V.

ÉVÉNEMENTS DIVERS. RECAPITULATION DES PRINCIPAUX

:

FAITS DE L'ANNÉE.

Les derniers actes de la Conférence de Paris: les Principautés Danubiennes; la question de Neuchâtel, et à cette occasion rappel du voyage de l'Empereur à Osborne, puis à Stuttgard. Intervention directe de ce souverain dans d'autres occasions : la crise de la fin de l'année, l'inauguration du nouveau Louvre. Evénements de moindre importance ou d'une autre nature: le complot de Londres, l'assassinat de l'archevèque de Paris; la mort du général Cavaignac; incidents électoraux et parlementaires : MM. Goudchaux et Carnot. - Napoléon III dans les Landes inauguration de son domaine dans ce département; curieux détails de mœurs: discours de M. Corta, au nom du conseil général. Accueil fait à l'Empereur par les populations. Le prince Napoléon : ses voyages en Prusse, en Angleterre, en Savoie. Détails : le toast porté par le roi de Prusse; visite des champs de bataille de Leipzig, de Dresde, de Bautzen. Inauguration du pont de Culoz sur la frontiere de Sardaigne et du tunnel du mont Cenis. La princesse Mathilde à SaintDenis; discours du doyen. Inauguration du chemin de fer de Niort à la Rochelle et à Rochefort: discours de l'évèque et du président du Conseil d'Etat.

Dans les chapitres précédents nous avons fait connaître les événements qui se rattachaient particulièrement à la politique intérieure et extérieure; nous avons reproduit les dernières délibérations de la Conférence de Paris, son intervention complémentaire dans les actes qui devaient couronner le traité mémorable de 1856, ses résolutions à propos de l'organisation des Principautés Danubiennes ; et à cette occasion, nous avons rendu compte du voyage de l'Empereur à Osborne et de son entrevue avec la reine de la Grande-Bretagne, puisque, en effet, on avait attribué à cette brûlante question des provinces moldaves et valaques, le parti pris par Napoléon III de s'aller entendre en personne à ce sujet avec son auguste voisine d'Angleterre. Sans doute les autres problèmes de la politique furent également débattus durant cette entrevue des deux souverains, désireux de

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