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préexistant et tracer la limite dans laquelle ce droit pourrait s'exercer sauf à ne pas faire acte de souveraineté, faculté aux Français d'exercer leur droit de pêche concurremment avec les Anglais, et, au moyen de certaines dispositions relatives à l'emploi d'arbitres et de croiseurs, on prévenait les querelles et l'on assurait aux sujets des deux nations une égale protection. « Nous croyons, disait le Morning-Post, que sur les bancs de Terre-Neuve les pêcheurs anglais et français trouveront du travail en abondance, et que le droit de ces derniers ayant été plus d'une fois reconnu par les traités, ce serait faire preuve de peu de courtoisie que de ne pas établir ce permis de pêche (car il n'est pas question d'autre chose) sur un pied satisfaisant. »

Les habitants de Terre-Neuve soutenaient que les primes d'encouragement que décernait le gouvernement français les exposaient, eux, à une concurrence redoutable : mais qui empêchait la Grande-Bretagne d'en faire autant? Ce genre d'encouragement répugnait à son système d'économie politique. D'ailleurs, pour devenir définitive, il fallait à la convention, signée par lord Clarendon, Labouchère et le comte de Persigny, la consécration du Parlement britannique en même temps que de la législature provinciale de Terre-Neuve.

Quel que dût être le résultat, les traités dont nous venons de faire connaître le sujet et la substance, témoignaient d'une bonne entente incontestable entre les deux pays, bien que, au premier aspect, les deux conventions ne s'appliquassent qu'à des intérêts secondaires et dont le règlement n'était pas de nature à mettre en question cet équilibre européen que l'affaire d'Orient avait tenu en suspens.

Nous terminerons cet aperçu de la politique française envisagée déjà dans le discours d'ouverture de la session, en mentionnant deux visites à la cour de l'Empereur et de nature à causer quelque sensation; en première ligne et dans l'ordre des dates celle du frère de l'empereur de Russie, le prince Constantin (avril-mai), puis celle du roi de Bavière.

CHAPITRE II.

POLITIQUE INTÉRIEURE.

CORPS LÉGISLATIF.

Le Corps législatif; ses travaux : Projet de dotation en faveur du maréchal Pélissier; Note préalable du Moniteur à ce sujet. La dotation seraitelle héréditaire et par ordre de primogéniture? Rapport de M. Rigaud dans ce sens et adoption du projet. - Dotation de l'armée; rapport du maréchal Magnan à ce sujet. Question du contingent de l'armée : idées de l'Empereur à cet égard; projet d'appel de 100,000 hommes sur la classe de 1857; exposé des motifs et rapport de M. NogentSaint-Laurens. Adoption du projet. Projet de code de justice militaire; économie de ce projet et innovation qu'il consacre: discussion et adoption. - Garde impériale; organisation de ce corps : idées de l'Empereur à ce sujet et rapport du général Vaillant dans ce sens. Projet de loi ayant pour objet l'acquisition du tombeau de Napoléon 1er à SainteHélène; vote unanime.

Projet de code rural: historique des précédents en cette matière. Economie du projet actuel; rapport de M. le sénateur Casabianca. Mise en culture des landes de Gascogne; projet de loi à cet effet: discussion; MM. de Viard et Saint-Germain: adoption. - Projet de loi ayant pour objet d'autoriser les avances du crédit foncier sur obligations. Observations de M. de Veauce; adoption. Caisse générale des assurances agricoles. Projet relatif au sous-comptoir des entrepreneurs de båtiments: adoption sans discussion. Rachat du palais de l'industrie; projet de loi à cet effet. Rachat de l'Ecole des arts et manufactures : autre projet à cet égard; observations de M. Chauchard au sujet de la tendance du gouvernement à l'acquisition de certains établissements privés réponse de M. Vuillefroy. Vote de la loi. Instruction primaire crédit alloué à cette branche du service public. - Sociétés belges; projet relatif à leur introduction en France; discussion: MM. Bertrand (de l'Yonne) et Persil; vote de la loi. - Projet relatif à un service de bâtiments à vapeur, en destination pour l'Amérique. -Explication du président du conseil d'Etat à ce sujet. Projets relatifs : 1o au chemin de fer de Paris à Orléans; 2° aux chemins de fer de Paris à Lyon et de Lyon à la Méditerranée. Discussion: MM. Fremy, Lemercier.-Projet relatif à l'ouverture du boulevard de Sébastopol, etc.; discussion et adoption. - Projet relatif aux marques de fabrique; discussion entre MM. Legrand, Busson, Riché: adoption. Les Douanes: projet de loi destiné à les réglementer; MM. Randoing, Gréterin, Kergorlay, de Veauce. - Prorogation du privilége de la Banque de France; projet à cet égard: exposé des motifs et rapport de la commission (M. Dewinck); discussion: MM. Konigswarter, Vuitry, Legentil, Perret. Vote du projet. Budget des recettes et dépenses pour 1858 situation au moment de la présentation. Exposé des motifs et rapport; le

décime de guerre; les avis imprimés; le droit sur les valeurs mobilières. Budget des dépenses. Discussion: MM. Leroy-Beaulieu, Morin, Paul Dupont, Granier (de Cassagnac) et autres honorables membres : Budget des divers ministères; intéressants débats : vote du budget. Clôture de la session; Note du Moniteur au sujet des travaux de la lćgislature.

Le sénat pétitions adressées à ce grand corps de l'Etat : Note du Moniteur sur ce sujet.

Si, après avoir retracé la situation générale quant aux rapports de la France au dehors, nous envisageons l'intérieur tel que le laissait la dernière année, nous retrouvons le Corps législatif au moment où il était appelé à consacrer sa dernière session aux questions dont le discours de l'Empereur venait de l'entretenir, ainsi qu'aux autres projets que le Gouvernement allait lui soumettre. Parmi ces projets, il y en avait que l'on pouvait, à bon droit, considérer comme l'acquittement d'une dette du pays pour de grands et mémorables services rendus; nous voulons parler du projet de loi accordant une dotation de 100,000 fr. de rente au maréchal Pélissier, duc de Malakoff. L'exposé des motifs présenté le 17 février n'avait rien à dire que la France et l'Europe ne connussent déjà. Peut-être une telle gloire pouvait-elle se contenter d'être enregistrée dans l'histoire, à côté de celle des plus renommés capitaines. Mais le pays se serait-il jugé quitte envers le vainqueur de Sébastopol ? L'Empereur ne le pensa pas. Le 22 juillet 1856, un décret conférait au maréchal Pélissier le titre héréditaire de duc de Malakoff. En même temps, une Note insérée au Moniteur faisait connaître à la France l'éminente distinction accordée au commandant en chef de l'armée d'Orient; puis, elle annonçait la présentation au Corps législatif du projet de dotation de 100,000 fr. de rente, affectée au titre du duc de Malakoff. Le projet déclarait héréditaire, comme le titre de duc, la dotation elle-même. « Lorsque l'empereur Napoléon 1er donnait à ses maréchaux le nom des batailles qu'ils avaient gagnées, ou auxquelles ils avaient pris une part éclatante, il voulait à la fois transmettre à la postérité la mémoire de leurs grandes actions et personnifier, pour ainsi dire, les victoires qui ont immortalisé son règne. Telle a été aussi la pensée de l'empereur Napoléon III, quand il a donné

au commandant en chef de l'expédition de Crimée, un titre qui rappelle un grand fait militaire, accompli par l'armée française. Un nom auquel il s'est ainsi attaché une double illustration doit conserver son éclat dans l'avenir comme dans le présent. N'éprouverait-on pas un sentiment douloureux et ne serait-on pas offensé dans son patriotisme en voyant s'affaiblir cu s'effacer le prestige d'un grand nom chez ceux qui doivent rester comme les souvenirs vivants d'une gloire nationale. » Ainsi s'exprimait l'exposé des motifs. Le rapport présenté le 2 mars au Corps législatif par M. Rigaud concluait, est-il besoin de le dire, à l'adoption du projet.

« La lutte est finie, disait l'honorable rapporteur; à la suite d'un des plus beaux exploits dont puisse s'honorer la valeur française, une paix glorieuse a été signée; et ce que la France a gagné à cette guerre, c'est d'avoir montré au monde sa justice, sa puissance et sa modération, résultat plus précieux que des conquêtes pour l'honneur d'un règne et la stabilité d'un empire. D

Après ce souvenir donné à la guerre d'Orient, M. Rigaud faisait observer avec raison qu'il y avait des devoirs de reconnaissance à remplir envers ceux qui avaient concouru au succès de nos armes. Déjà dans les contrées diverses qu'ils avaient traversées à leur retour, les populations s'étaient pressées sur leur passage et les avaient salués de leurs plus vives acclamations. « Déjà, continuait le rapport, l'Empereur a choisi au milieu d'eux celui qui les avait commandés, et pour les tous récompenser en lui, il lui a donné un titre et un nom empruntés aux lieux où ils avaient combattu, et destinés à perpétuer le souvenir de leur triomphe. C'est maintenant au pays tout entier, par l'organe de ses représentants, d'apporter ses félicitations aux vainqueurs et de leur décerner une couronne. » Et c'est ce qui se ferait, au sens des conclusions de la Commission, en accordant au maréchal Pélissier, duc de Malakoff, la dotation demandée pour lui et qui lui permettrait de soutenir l'éclat de ses dignités et de sa gloire.

La Commission le prévoyait : en présence des dispositions du droit commun qui régissent les successions, la partie du projet

qui déclarait que la dotation serait héréditaire, de måle en måle, et par ordre de primogéniture, était seule de nature à tenir le Corps législatif en suspens. Mais, pour l'accueillir, portait le rapport: « Vous n'aurez qu'à vous pénétrer comme nous des sentiments que doit éprouver une grande nation, qui a des services éminents à rémunérer et qui tient à l'honneur de s'acquitter dignement de sa dette. Mais cet argument eût été insuffisant, si plausible qu'il fût d'ailleurs. Ce serait une exception, voilà tout. Admettre une dérogation au droit commun ce n'était ni abroger un principe, ni revenir aux institutions d'un autre âge. On ne verrait pas se reproduire bien souvent des occasions de semblable munificence, et il se rencontrerait peu d'hommes à qui il serait donné de commander une grande armée en face d'un ennemi formidable, de terminer par un fait d'armes glorieux et décisif une guerre lointaine, coûteuse, menaçant d'avoir une longue durée, et de rouvrir ainsi pour son pays « l'ère à peine interrompue des douces prospérités de la paix. »

Comme l'exposé des motifs, le rapport de la Commission s'appuyait pour conclure dans le sens de l'adoption de ce projet, sur cet argument, que l'hérédité de la fortune ne devait pas se séparer de celle du nom, et que, jusqu'à son retour éventuel à l'État, la dotation devait être maintenue dans son intégrité sur une seule tête.

Assurément le droit commun subissait ici une exception; mais la gloire du duc de Malakoff était si haute! Le Corps législatif ne devait donc faire aucune opposition à un projet destiné à perpétuer par toutes les voies le souvenir d'une des plus grandes pages de l'histoire.

Puisqu'il vient d'être question de l'armée personnifiée dans un de ses plus vaillants capitaines, nous rappellerons que le maréchal Magnan, président de la Commission supérieure, adressa quelque temps après (mai) à l'Empereur son rapport sur les résultats de l'application de la loi du 26 avril 1855 relative à la dotation de l'armée. Cette application avait d'abord rencontré des difficultés exceptionnelles dans l'état de guerre qui exigeait le maintien sous les drapeaux, des militaires de la classe de 1847 et l'appel de la classe de 1854 en totalité. Il fallait des mesures

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