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toute espèce de marques. Il pouvait, en effet, arriver qu'un négociant ou commissionnaire ou tout autre s'avisat d'acheter les produits d'un fabricant en renom et substituât sa marque à celle du vendeur. Il se ferait ainsi une réputation illégitime, puisqu'il se parerait de produits habilement et consciencieusement créés par d'autres. Ces considérations avaient touché la Commission qui avait formulé des propositions dans ce sens. Mais le conseil d'Etat n'avait point partagé cette manière de voir. Voici pourquoi le projet de loi, c'est le commissaire du gouvernement qui le rappelait, était destiné à consacrer la propriété de la marque apposée par le fabricant sur ses produits, mais ne déclarant pas la marque obligatoire pour lui, il ne pouvait pas la rendre obligatoire vis-à-vis des commissionnaires qui achètent en fabrique. Le conseil d'Etat avait pensé que l'intermédiaire qui aurait acheté un produit pouvait avoir intérêt à n'en pas faire connaitre l'origine; la loi ne devait donc pas s'opposer à ce qu'il pût supprimer la marque du fabricant, et même s'il le jugeait convenable, apposer sur les produits ce qu'on appelait une marque de commerce. Les rapports entre le fabricant et le consommateur ne pouvant pas toujours être immédiats, il n'avait pas non plus un grand intérêt à assurer la perpétuité de sa marque. Mais le voulût-il, il pourrait imposer au commissionnaire la condition expresse de laisser subsister cette marque en vendant les produits, et alors il y aurait ouverture à une action civile seulement. A ces objections qui pouvaient être fondées on en pouvait ajouter une autre, celle de la difficulté qu'il pourrait y avoir à poursuivre aisément d'intermédiaire en intermédiaire une action de ce genre.

Toutefois, la Commission regrettait la décision du conseil d'Etat.

Autre question grave: au nom de qui s'exerceraient, en matière de contrefaçon, les poursuites correctionnelles? M. Legrand ne voyait pas en cette occurrence une question d'ordre général assez importante pour que le ministère public prit l'initiative; la Commission n'avait point partagé le sentiment de l'honorable membre: elle pensait que la restriction demandée aurait de sérieux inconvénients, notamment dans l'hypothèse prévue par

l'article 19 (le cas d'introduction en France de produits français contrefaits à l'étranger); c'est pourquoi elle avait refusé de l'inscrire dans la loi, assurée qu'elle était que le ministère public ferait toujours un exercice prudent et mesuré du droit dont il serait armé.

En pareille matière, dit à son tour un membre de la Commission (M. Riché), l'intérêt privé n'est plus seul en cause; il y a, en outre, l'intérêt général de l'industrie et du commerce. Adopter l'amendement de M. Legrand, ce serait, selon l'orateur, introduire dans la loi une exception au droit commun. La Chambre adopta ce raisonnement et vota l'article 19 conçu dans les termes conformes aux principes qui régissent cette matière. Les autres articles ne soulevèrent aucun débat, et la loi proposée passa à l'unanimité des voix.

Un projet dont l'importance commerciale s'énonce par son titre même et relatif au régime des douanes avait été discuté au Corps législatif dès le 2 mars. Présenté durant la dernière session il avait pour objet de convertir en lois les décrets rendus en cette matière. On se rappelle l'émotion produite (V. 1856) par l'intention qu'on prêtait au Gouvernement de se relâcher du système des prohibitions ou même de le remplacer par un régime tout à fait contraire. C'est à cette intention présumée que la Commission par l'organe de son rapporteur, M. Randoing, avait opposé des vœux pour le maintien du régime protecteur; toutefois, elle adhérait aux dispositions de détail et consécratives d'actes accomplis, qui résultaient du projet de loi. Présentement, cette question dominante des deux systèmes fut écartée du débat ou n'y figura qu'implicitement. Un membre très-compétent d'ailleurs, M. de Kergorlay, se plaignit d'une manière générale de la complication des tarifs français, en comparaison des tarifs anglais; tandis que le commissaire du Gouvernement, M. Gréterin, trouvait ces derniers trop concis. A propos du droit de 15 fr., assis à l'entrée sur certains instruments destinés à l'agriculture, M. de Kergorlay se plaignait de la distinction établie sur les machines simples et les machines à combinaisons, à quoi l'organe de l'administration répondait que la différence était telle qu'il n'y avait pas d'assimilation possible; que les machines

payaient 15 fr., lorsqu'elles étaient complètes, tandis que lorsque les parties qui les composaient étaient présentées isolément elles étaient passibles d'un droit différentiel : cette distinction étant écrite dans la loi, il ne dépendait pas de la douane de ne pas l'appliquer.

Précédemment déjà, M. de Kergorlay avait fait des observations au sujet de la taxe considérable qu'avaient à supporter les machines propres à faire des tuyaux de drainage. Mais ces machines pouvaient servir aussi à faire toute espèce de poteries. C'est, du reste, le comité consultatif, c'est-à-dire l'autorité la plus compétente, qui avait décidé qu'une taxe supérieure devait être appliquée, par la raison que ces machines pouvaient servir à différents usages. Après un examen attentif, il avait été reconnu que le mal ne serait pas bien grave, et le droit de 15 fr. avait été maintenu pour ce genre de machines. Telles étaient les explications du Gouvernement à cet égard.

Venait la question du guano envisagée au point de vue de l'agriculture par M. de Kergorlay. Le Gouvernement avait fait étudier la question sous tous les aspects par une Commission spéciale. L'administration avait dû demander un examen plus général; il en résultait que le tarif du guano avait été souvent modifié Réduction sensible et même suppression des premières taxes pour le pavillon français, avaient été la conséquence de cette modification; la surtaxe protectrice du pavillon national avait subi une réduction de 5 à 3 fr. Ce qui avait fait dire à l'honorable défenseur des intérêts agricoles que cette surtaxe aurait pour résultat la privation pour l'agriculture du guano dont elle avait besoin ! Selon M. Gréterin, cette crainte se serait trouvée démentie par le fait; en 1856 il avait été importé 32,000 tonnes, sur lesquelles la part du pavillon français avait éprouvé une diminution sur 1855, année où l'importation totale ne s'était élevée qu'à 19,000 tonnes. La surtaxe n'avait donc pas empêché l'importation par navires étrangers, principalement par navires anglaís et américains. Il était facile d'ailleurs de le comprendre: le fret français étant plus cher que le fret étranger, la surtaxe de 36 francs par tonne représentait à peine la différence existant entre les deux. Il en résultait que, sur le marché, malgré cette surtaxe,

le guano apporté par pavillon étranger se vendait au même prix que s'il n'avait été introduit que par navires français. L'agriculture en recevait une quantité considérable; car l'accroissement avait été de 20,000 tonnes de 1854 à 1856. Assurément la question du prix était très-importante. Lorsque le fret était plus cher, à l'époque où la France recevait peu de guano, le gouvernement péruvien fixait lui-même les prix de 22 à 27 francs. Depuis que l'importation du guano avait augmenté en France et que le fret avait diminué, le gouvernement péruvien avait de son côté augmenté ses prix: le guano se payait maintenant de 32 à 33 francs. L'intérêt de la navigation française était sérieusement engagé en cette occasion. « La navigation subit en effet toutes les conséquences du régime protecteur : construction, armement, tout est plus cher chez nous. Notre navigation a à lutter contre une concurrence sans limites, car tous nos traités de commerce stipulent l'égalité entre le pavillon français et le pavillon étranger. Ce n'est pas tout, la France fait avec la Bolivie, le Pérou et le Chili, un commerce d'échange de 60 millions; l'exportation française y figure pour 50 millions. Ne serait-il pas déplorable que la navigation étrangère s'emparât de ce transport? >> Or, c'est ce qui arriverait selon le commissaire du Gouvernement qui venait de produire ces chiffres, si les navires français qui transportent les produits du pays dans ces contrées, n'étaient pas assurés d'y trouver un fret complet de retour; si, sous le prétexte de favoriser l'importation du guano, on permettait aux navires étrangers de venir en France aux mêmes conditions que les navires français, dont le pavillon serait ainsi déshérité et pourquoi? pour donner à l'agriculture une satisfaction chimérique.

On avait mentionné dans le débat, de prétendus engagements pris par le représentant du gouvernement péruvien à Paris. Il y avait eu en effet des négociations entre la France et le Pérou afin d'obtenir pour le premier de ces deux pays des garanties pour l'avenir; mais elles n'avaient point abouti et avaient dû en conséquence être abandonnées.

M. de Kergorlay avait parlé, sans la blåmer d'ailleurs, de l'abolition du droit à l'importation des bois étrangers : il n'y avait pas eu abolition, répondait le commissaire du Gouvernement; les

droits subsistaient sur les bois importés sous pavillon étranger, c'est-à-dire, il fallait le reconnaître à regret, sur les dix-neuf vingtièmes des produits forestiers importés en France.

Quant à l'exportation des bois, c'était à tort selon M. Gréterin, que l'honorable orateur s'était plaint de la prohibition dont elle aurait été frappée. En réalité l'exportation des bois de construction était complétement libre, et elle s'élevait à une valeur de 6 à 8 millions par année, chiffre peu important, si on le comparait à la valeur des bois étrangers introduits en France; à l'égard des bois à brûler dont l'importation ne s'élevait guère qu'à 700,000 francs pour l'approvisionnement de quelques localités riveraines de la frontière, leur exportation était prohibée, mais il existait une disposition dans la loi même qui permettait à l'administration d'autoriser exceptionnellement cette exportation. Rarement était-elle demandée dans la pratique, et encore pour des quantités très-peu considérables échangées entre des localités voisines des frontières. A cet égard le commissaire du Gouvernement faisait observer que la prohibition d'exporter le bois à brûler avait pour but de réserver aux forges françaises les produits des forêts indigènes. En ce qui concernait la grave question de l'exportation des écorces à tan, l'orateur défendait la loi contre les observations critiques dont elle avait été l'objet. Il rappelait que le Gouvernement avait le droit d'autoriser exceptionnellement, sur certains points de la frontière, les exportations d'écorces dans le cas où elles pourraient avoir lieu sans préjudice pour l'industrie des tanneries. Ainsi, partout où il existerait un trop plein d'écorces à tan, et, par suite, un avilissement dans les prix, l'administration était armée de la faculté de prendre les mesures spéciales réclamées par la justice et nécessaires à l'équilibre des intérêts; elle en usait avec modération et après des enquêtes.

Un membre, M. de Veauce, insista à l'occasion d'un autre fait, sur la partie des observations de M. de Kergorlay au sujet des pièces détachées des instruments à l'usage de l'agriculture. Sans doute la douane, conformément à la réduction votée l'annéc dernière, n'exigeait que 15 fr. par 100 kilog; mais, en revanche, pour les pièces détachées et notamment pour les socs de re

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