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A -de corps & de biens & desheritement de honneur & de biens des pauvres enfans, combien que aucuns confeilloient mifericorde aucune, en monftrant que juftice fans mifericorde eftoit crudelité, led. archevefque non mie par opinion; mais feulement pour exhorter le roy, qu'il devoit préferer mifericorde à la rigueur de juftice, parla au roy en grande crainte & honneur, & lui propofa & dict ce qui enfuit.

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Mon fouverain seigneur, cette matiere eft fi haulte & fi grande, que matiere peult eftre, & par la confeffion de Jean duc d'Alençon le cas par lui commis & perpetré est fi dampné & déteftable, que cas peult eftre & fuppofé que il ne confeffe pas que il euft aucune volonté de attempter à voftre perfonne, toute voye fi fon intention & ce qu'il avoit entrepris fuft venu à effect contre vous & voftre royaume & vos fubje&tz, & innumerables inconveniens & maux en fuffent advenus comme grandement & notablement a efté monftré par plufieurs notables perfonnes, tant de voftre cour de parlement, de vostre confeil & autres, lefquelz ont en leurs confciences felon le cas bien déliberé & oppiné en allegant & eux fondans fort fur ladicte loy quifquis, & auffi fe- B lon l'usaige au royaume gardé & obfervé; c'eft affçavoir confifcation du corps; c'est affçavoir le col coppé & efcartellé, & confifcation de biens fans aucune réservation; & difoient bien les aucuns que vous y pourriez eftendre voftre mifericorde, dont de préfent n'eftoit aucune queftion ou chose mise en déliberation; mais feulement quelle juftice on debvoit faire du duc d'Alençon; & c'eft ce qui meuft aucuns prélats & maiftres des requestes de vostre hostel, conseillers de vostre cour de parlement, ecclefiaftiques de maintenir, de non opiner en la matiere, ne eftre préfens, veu que on traictoit de matiere, dont effufion de fang fe pouvoit enfuir; mais bien difions que à caufe des parries, que mes compagnons & moi vrais pers de France tenant de vous en foy & hommage-lige, pouvoient bien affifter fans dire opinion formelle, & qu'à la pronunciation de l'arreft, puifque ilz n'avoient esté à ouyr les opinions, ne à la conclufion que ils pouuoient bien y eftre; & combien que il vous pleuft ouyr plufieurs C imaginations ou opinions en cefte matiere differens à la leur; toutefois vous ordonnaftes que lefdites perfonnes ecclefiaftiques n'y feroient jusques à la pronunciation de l'arreft; & au regard de mes compagnons & moi ferions affiftans, & demourions en voftre préfence fans dire opinions; & pour ce ce que je dis de préfent, n'est point par forme d'opinion, mais par maniere d'une exhortation piteufe, & vous alléguer une petite hiftoire que j'ai veuë en Policraticon, advenue du temps de ce vaillant roy Philippe roy de Macedoine pere de Alexandre, dont aucuns ont fait question ou demande, lequel deuft eftre en fait d'armes plus vaillant ou le pere ou le filz, & disoiton que en Philippe plus de corpulence, de prudence, fens & courage avoit que en Alexandre, & que ce que le filz fit ce fut par le confeil des vieux chevaliers & chefs de guerre, qui avoient efté en la compagnie du pere, & recite lad. hiftoire que entre les autres princes & chefs de guerre, y en avoit un nommé Phifias qui avoit toujours efté en la compagnie de Philippe, & expofé fon corps & fes biens en fon fervice, & faict ce que bon & loyal ferviteur devoit faire, & pour acquitter fa loyauté avoit vendu & aliené plufieurs belles feigneuries qu'il avoit, & eftoit cheu en grand pauvreté, & s'y eftoit chargé de femme, d'enfans; & mefmement avoit trois belles filles à marier, & ne avoit dequoy vivre, ne leur trouver leur bien dont il eftoit en grand defplaifance, & ne sçavoit trouver remede, finon de foi allier des ennemis de Philippe ; ce qu'il fit & y en eust plusieurs allées & venues, & tellement que la chose vint à la cognoiffance des plus prochains, estant au tour du roy Philippe, & comme bons & loyaux ferviteurs l'en advertirent, en lui requerant que il leur donnast congié d'aller prendre Phifias pour en faire juftice & le faire mourir, de laquelle chofe le roy Philippe fut moule troublé & non fans cause; car Phifias eftoit vaillant & l'avoit bien fervi, & quand il euft fort penfé & advifé qu'il avoit à faire, refpondit à fes ferviteurs que le le cas advenoit qu'il euft un de fes membres fort aggravé de maladie, comme la main prefque pourrie, il ne la debvoit pas fitoft couper, mais debvoit avifer fe par medecins ou chirurgiens il la pourroit gairir, & pour ce, laiflez moi faire, & je pourverray à ce que m'avez dict, & après appella un de fes ferviteurs, & luy dict qu'il allast à Phifias lui dire qu'il allaft feurement parler à lui, lequel ferviteur accomplit ce que fon maiftre lui avoit dict; & vint Philias devers le roy Philippe, & lui dit & expofa ce qu'il lui avoit efté rapporté; lequel confefla que il eftoit vrai & les caufes qui le mouvoient, auxquelles le roy Philippe pourveut, tellement que Phifias fut très-content, & furent fes filles mariées & pourveut à fon fait bien grandement & honorablement, & quelque chofe que il cult faicte avecques les ennemis, il fervit le roy Philippe fon feigneur auffi loyallement qu'il avoit oncques faict. Si femble, mon fouverain feigneur, que

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A vous devriez ainfi faire. Meffire Jehan duc d'Alençon eft un de vos membres principaux, il vous a bien fervi & fes prédeceffeurs auffi, a efté prifonnier à la bataille de Verneul, ой par voftre ordonnance & commandement il eftoit allé pour foi rachepter de la main dé vos ennemis, il a mis tout fon meuble, vendu & engagé fa terre de Fougieres, & n'eft doubte qu'il a grandement mefprins, délinqué & failly; c'eft un de vos membres, ne le regettez & débouttez de tous poincts; il eft bien malade, mais vous le pouvez gairir; il congnoift la faute & fe foubmet à vostre mifericorde, & pour ce sembleroit que vous devriez faire comme ledict roy Philippe; il vous fervira mieux que il ne fit oncques; au moins ainfi & me femble, mon fouverain feigneur, en cette matiere que fi grandement l'ont ouvertes & dictes leurs opinions que j'ai entendu deux choses; l'une, fe fondent fort fur la loy quifquis que fit Julius Cefar; la feconde que de préfent n'eft queftion, felon le cas, faire juftice, laquelle fe doit faire felon ladicte loy fans faire mention de la mifericorde, laquelle vous pouvez faire, car de ce n'a efté rien mis en B déliberation; ne leur déplaife; vous n'eftes de riens fubget aux loix Romaines, vous eftes empereur en voftre royaume, lequel tenez de Dieu & de l'efpée, & non d'autre; & fuppolé que en voftre royaume on ait accouftumé de ufer du fens & entendement de la loi, entant qu'il touche confifcation de corps & de biens en fi haute & détestable cas, comme celui de préfent commis par Alençon, toute voye ce n'eft pas comme fubject à la loy; mais parce felon bonne juftice & entendement, raifon veut que ainfi foit fait, & la fit Julius Cefar fi rigoureufe & âpre, pour ce qu'il fe doubtoit de fa perfonne mefme, & fut tué & murtri au fenat melmes; & ne fera ja trouvé que oncques en ce royaume, on garda la fin de la loy, mais tout le contraire, & ne s'en fit oncques aucune déliberation & à toujours fouffert la declaration de confifcatión de corps & de biens, & Julius Cefar mefmes ne gardoit pas fa loy; qui voit bien les gefC tes, il vainquoit plus par clemence, pitié & mifericorde, que par armes. Nous avons Cathon qui eftoit vrai ferviteur de Pompée, ennemy mortel de Julius Cefar, lequel quand il ouit dire la mort de Pompée, fe frappa d'un coufteau, aima mieux mourie que d'eftre en la fubjection de Julius ; & en recité que Cafar invidebat gloria Cathonis, & Catho gloria Cafaris ; & combien qu'il euft confifqué corps & biens, toutevoye Julius Cefar délaiffa à la femme & aux enfans tous les biens meubles de Cathon; & pour ce on ne fe doibt arrefter au contenu de la loy il n'y a quelque apparence, & auffi en ufer ce feroit la vray rigueur de juftice que confifcation de corps & de biens, & ne la fçauroit-on faire plus rigoureufe, finon que on fift aucune chose que on reputteroit à une espece de tirannie; & toutevoye juftice doit eftre tousjours accompagnée de clemence & mifericorde; & pour ce quand vous fuftes facré & coronné, juraftes ce que s'enfuit, & in omnibus judiciis æquitatem & mifericordiam principis & mihi indulgeat fuam mifericordiam clemens & mifericors Deus. Accompliffez donc voftre ferment en faifant mifericorde. Mais au regard de ce que aucuns ont voulu que il n'est question, ne mis en D déliberation fe le roy doit ufer de mifericorde, faulve leur reverence, meffire Jean duc d'Alençon qui grandement a délinqué, comme dit est, a comparu comme prifonnier en vostre présence en voftre cour de parlement garnie de Pairs & de plufieurs gens de voftre fang que de voftre confeil, & confeflé fon cas cognoiflant fa faulte, vous a prié humblement à genoux que luy vouliffiez pardonner, en affermant qu'il ne le faifoit point au contemps de vous, madame fa femme en fon nom & de les petits enfans, vous en a requis & fupplié & baillé diverfes requestes, lesquelles ont efté leues publicquement; & par ce eft cler que il n'y a quelque raifon ou apparence, que il est question fe leur ferez leur requeftes au non, & que fur ce devriez deliberer faire oppiner les préfens; & n'eft doubte que avez deux membres comme roy & empereur, l'un juftice, & l'autre mifericorde, & pouvez faire mifericorde & délaiffer la juftice rigoureufe; mais comme dict est, justice fans mifericorde, c'est severité; & y a plufieurs princes, feigneurs & barons & haults jufticiers qui ont puiffance & droict de faire & faire faire juftice, comme prélats, abbez, chapitres & gens d'églife, par leur baillif & officiers; mais il n'y a celuy qui ait puiflance de remettre un cas, ou pardonner, E non mie les prélats aux clercs ou perfonnes ecclefiaftiques, & quand ils les délivrent ils ne ufent point de ces mots, remettons & pardonnons, mais feulement mettent avons puny; & combiens que aucuns princes ayent voulu ufer, & de faict ont donné remiffions, toutesfois ils ne le povoient ou devoient faire; & quand les officiers du roy povoient trouver les delinquens, ils en faifoient juftice fans avoir regard aux remiflions; & laquelle puiffance ou vertu de mifericorde vous avez comme vicaire de Dieu en terre, & en devez enfuivir ce que nous fçavons & créons Dieu ad ce eftre enclin; c'est à sçavoir, eftre piteux & mifericords; & n'y a perfonne quelle qu'elle foit que tant ayt faict que ne péchié & délict, que fi elle se humilie, cognoiffe fon péchié en ayant mercy

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bien mer

& requerant pardon, que il ne luy octroye; & un commun proverbe, si est que il n'eft
A
fi grand pecheur, que Dieu ne foit plus grand pardonneur. Cette vertu particuliere-
ment avoit ce vaillant roy Philippe le conquerant, pour lequel Dieu fift miracles, &
Croy que auffi il faict pour vous, au moins a il faict chofe que on doit reputer
veilleufe. Enfuivez donc la volenté de Dieu à luy très-plaifant & parfaicte, & la con-
dition de vostre prédecefleur le roy Philippe, & deluy aux croniques de S. Denys, &
ou mirouter hiftorial eft contenu, que combien que contre fes fubjects rebelles & fes en-
nemis en luy cuft aucune feureté & vaillance en bataille, toutevoye encores envers fes
fubjects quand ils délinquoient ou mefprenoient, eftoit plus grande fa mifericorde; &
oudit lieu eft porté & contenu de luy une petite hiftoire; eft à fçavoir, que ledict roy
Philippes dict le Conquerant & Dien donné, euft forte & afpre guerre contre l'empereur,
les Anglois, les comtes de Flandres & de Dampmartin & plufieurs barons fes fubjects
rebelles & fes ennemis, lefquels fe mirent fuz en armes pour le combattre, & delibera
le roy de leur refifter & affembler gens, & fe rencontrerent, & y euft bataille bien B
dure & afpre, & tant fut combattu que le roy ait victoire, & l'enfant l'empereur Otto,
& furent pris les comtes Ferrant & celuy de Dampmartin, & pour abreger, y eut cinq
comtes & vingt-cinq nobles portant humieres, tous de fon royaume & les fubjects, lef-
quels avoient tous confpiré en fa mort, & de faict en firent ce qu'ils purent; lefquels
furent tantoft la bataille finie admenez en fa présence; & combien que felon la loy &
juftice ils euffent defervy comme criminels de leze-majefté à avoir les cols couppez &
defervy mort, toutevoye comme piteux & roy très-mifericordieux à tous leur donna la
vie & ne voult point que ils mouruffent, mais il les fit enferer & mettre en chaines,
& mener vers Paris, & luy-mefme y print fon chemin, & en allant il fut adverty que
Regnault compte de Dampmartin & de Boulogne, après la bataille finie quand il fceut
que l'empereur eftoit retraict, envoya vers luy en l'ennortant qu'il affemblaft gens, & C
mesmement ceux de Gant, & recueillir tant de gens que il pourroit & retournaft fur

le

roy, & il ne faifoit doubte que il obtiendroit victoire; de laquelle chofe le roy_fut moult troublé & non fans caufe, & monta en la tour où eftoient prifonniers lesdits Ferrand de Flandres & Regnault de Dampmartin & de Boulogne; & audi&t Regnault impropera & dict les parolles qui enfuivent; c'eft à fçavoir, que il eftoit fon homme & fubject, & que il l'avoit faict chevallier, & que il l'avoit faict de pauvre, homme riche, & pour les biens que il luy avoit fais luy ayant retribué mal; car fon pere Alberis eftoit avec le roy d'Angleterre, & Regnault s'en alla avec fondict pere en Angleterre, faisant guerre au grand dommage du royaume; & depuis toy Regnault, tu monftras figne de grand repentance, & te receus en ma grace defirant que tu me fuffes loyal fubject; & combien que la comté de Dampmartin de vray domaine me competoit & appartenoit, comme à moy confifquée & forfaicte par ton pere qui eftoit trefpaflé en Angleterre en la compagnie du roy Henry, toutevoye je te donnay, & avec ce la comté D de Boullongne, & defquelles toutes me feis foy & hommage, & affez toft après en accumulant mal fur mal, tu t'en allas vers le roy d'Angleterre Richard, & tant que il vefcut le ferviz en faisant guerre à nous & à noftre royaulme; & après la mort de Richard, remis vers nous, & te pardonnafme tout, & avec ce te donnay les comtez d'Aumale & de Mortaing; & toutes ces choses nonobftant, tu t'en retournes en Angleterre, & contre moy qui eftoit ton feigneur, & as elmu toute Angleterte, Flandres, Alemagne, Hainault, Brebant & aultres nations & mon royaume & fans caufe, ne que je t'aye faict chole pour laquelle tu me deuffe avoir fait les chofes deffufdictes, & l'année paffée tu fus avec les autres à defpecier & brufler mon navire que je avois faict ordonner pour paffer en Angleterre; & de nouvel tu eft venu en bataille contre moy & as combattu & faict du pis que tu as peu & fceu, & après la bataille & victoire obtenuë en laquelle tu avois efté pris, je t'ay donné la vie, & ce nonobstant as envoyé messages vers Otho l'empereur, ad ce que il raffemblaft gens pour nous venir combattre, toutes ces chofes tu m'as faictes, toutevoye par moy tu ne perdras pas la vie, meis jufques ad ce qu'ayez bien cogneu les faultes que tu as commises & faictes, tu n'évaderas pas la prison ni les fers, & le fift prendre & mener à Peronne & mettre à une forte tour neufve hors les murs de Paris. Nous avons auffi de Louis le Debonnaire empereur & roy de France, lequel par l'induction & ennortement d'aucuns feigneurs traitres & defloyaux, fut prins & defpoincté du royaume & mis à S. Medard de Soiffons & depuis délivré; après laquelle délivrance il pardonnast tout en ensuivant la voulenté de Dieu qui eft mifericors, & auffi la nature propre du roy de France, laquelle eft contenue en la vie & legende de S. Thomas de Camtourbie, où il met que c'eft proprium regam Francia de eftre piteux & mifericords. Et ce vaillant roy Philippes le Conquerant, & vous mefmes en avez renommée; & auffi eft vray qu'avez efté garny

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A de celle noble vertu de mifericorde, voir envers vos ennemis qui voudrient vous ofter vostre royaume & maintenoient leur roy cftre roy de France & non mie seullement à ceux de la langue d'Angleterre, mais à vos fubjects, alliez & complices dont les plufieurs ne vous daignerent oncques demander pardon ne mifericorde, mais feulement se dient comprins fur une abfolution generalle. À Paris mefines, quand il fut reduit en voftre obéiffance, y en avoit plufieurs & auffi ailleurs qui avoient fervy & fervoient vos adverferes qui avoient esté à tuer & meurtrir les chancelier, conneftable & aultres qui furent le mieulx qu'ils peurent de refifter que ils ne fuffent en voftre obéiffance, furent pris, trouvez & faifies de la croix rouge en commettant crime de leze-majefté tant & fi avant que il fe peut faire, lefquels ne vous daignerent oncques demander pardon ou remiffion, mais feulement fe trouverent en une feureté par le moyen des abolitions generalles que avez faictes & donnez en moftrant voftre grand clemence & mifericorde, B & à vostre parent pair de France meffire Jean d'Alençon, vous ne la ferez pas, ce feroit chofe eftrange comme il fembleroit, voire merveilleufe; confiderez les fervices de fes prédeceffeurs où vous devez avoir grand regard, dont l'un mourut en la bataille à Poitiers quand le roy Jean fut pris, fon ayeul, auffi en plufieurs & diverses manieres fit de beau service, fon pere mourut en la bataille d'Afincourt, & en la conqueste de Normandie fut offert audict meffire Jean duc d'Alençon par le roy Henry d'Angleterre, fe il vouloit tenir fon party, que il luy laifferoit & délivreroit toutes terres; mais luy qu'eftoit jeune enfant n'en veult riens faire, & ayma mieux abandonner tout le fien & garder fa loyauté envers vous, que foy mettre en fubjection de vos ennemis, & continuellement a efté en voftre fervice, & par voftre ordonnance fut à la bataille de Verneul où vos gens furent déconfis & luy pris & détenu prifonnier, & mis à groflè finance; & pour foy rachepter falut qu'il employaft tout fon meuble & vendît la terre de Fougieres au duc de Bretagne, & depuis ne euft de quoy luy rachepter; & depuis fe mit en armes avec Jeanne la Pucelle, & fut à voftre facre & vous fit chevallier; & fi ne fut oncques reputé bien fage & fembleroit que combien que le cas foit grand & deteftable & digne de la punition dont je vois plufieurs eftre d'opinion, auffi femble il tout confideré, que fi eft-il que luy devez faire mifericorde & la préferer à la rigueur de juftice, & en ce faifant ferez comme roy très-Chreftien, piteux & mifericords; il la vous requiert & demande, madame fa femme & fes enfans; & fi le cas eft fi grand & fa volenté mauvaise, quontenoit, il n'y a eu aucnne profection, ne foy ou promeffe faicte à vos ennemis, & fe aucune en avoit faict, elle eftoit conditionnelle fe on luy faifoit ce qu'il demandoit, laquelle chose on ne luy veult oncques accorder; & son faict ce femble n'eftoit que une fantaisie & forcennerie pour cuider foy venger, en faire defplaifir à aucun particulier, fans bien penfer à l'inconveniant qui en pourroit advenir à vous & à vos fubjects; & de tant que fon cas feroit plus mauvais, de tant en feroit voftre mifericorde plus grande, laquelle vous pouvez faire; & fe le faictes vous enfuiD vrez la vertu de la puiffance divine dont eftes lieutenant & vicaire en terre, & lit-on Joël 11°: quod ipfe benignus & mifericors eft & preftabilis fuper malitia. Sap. xj°. parcas omnibus que tua funt; & à ce propos dict Seneque ; fi Deus placabilis eft, & delicta potentum non ftatim perfecuitur, quoniam aquum eft hominem hominibus præpofitum cum animo exercere impium. Dieu ne veult pas la mort du pecheur, mais atant à fçavoir fe il fe repentira. Voftre parent eft ja tout repenty & reconnoift fa faulte. Dieu le recevroit, auffi devez-vous faire; ne dit-il pas, difcite à me quia humilis fum corde, & invenietis requiem animabus veftris, & quâ menfura menfi fueritis remetietur vobis. Luc 7o. Et doivent bien adviser ceux qui font de l'opinion de l'execution & affusion de fang; car comme dit Seneque, clementia fanguine alieno tanquam fuo potitur. Et comme écrivoit Gregorius Nazianzenus à l'empereur, à Chrifto tibi in hominem vita, venia & poteftas verius indulta est, & gladius tibi datus eft non tam operis quàm ut convenerit quem utinam ut depofitum quoddam & impollutum reftituas commendanti; & en ufant de clemence ce fera roborer & conforter vos fubjects. Proverb. 20. mifericordia & veritas cuftodiunt regem &roboratur clementiâ thronus ejus. Et croy que tout confideré, vous ferez plus honnoré & prifé de faire mifericorde & de la déclarer, que proceder & donner la fentence rigoureuse ou l'arreft en cette matiere; pour ce que aucuns ont voulu dire que l'arreft donné felon l'opinion de ceux qui opinent que confifcation de corps & de biens qui eft la plus grande partie de beaucoup, vous pouvez faire mifericorde & luy partir voftre grace: je ne fais doubte que voftre puiffance eft fi grande que le pourriez faire, mais je ne fçais fi le deveriez faire, & ce femble ce feroit grand deshonneur a vous & à votre cour de parlement de immuter un tel arreft donné en vostre préfence, lequel vous eftes tenu de faire executer felon fa forme & teneur, & fe vous avez aucune volenté ainfi que je croy que vostre plaifir s'encline à user en partie d'aucune mifericorde,

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20. Octob. 1461.

Hift. du Perche

ditions, pag. 1.

vous la deviez faire & declarer en la prononciation de l'arreft, mefmes tant au regard de la perfonne du duc d'Alençon, comme des biens en faveur de ladite dame & de fes enfans: & vous plaife, mon fouverain feigneur, prendre en gré ce préfent advertisfement, en me pardonnant fi j'ay dict aucune chole qui vous doye desplaire.

Arrêt rendu contre le duc d'Alençon par le roy féant en fon lit de juftice 10. octabre 1458. Voyez hift. de Charles VII. par Jean Chartier pag. 305.

Lettres de reftitution données

L

par le roy Lonis XI. à Jean II. duc d'Alençon, contre l'arreft de ·mort intervenu au parlement tenu à Vendofme le 10. octobre 1458. avec l'arrest de verification d'icelles

A

B

OUIS par la grace de Dieu roy de France. Comme du vivant de feu noftre très-cher feigneur & pere que Dieu abfolve, noftre très - cher & très-amé coufin d'Alençon de la Jean duc d'Alençon euft efté chargé d'avoir conduit & mené, ou fait conduire ou meClergerie, aux ad- ner plufieurs traictez ou appoinctemens avec nos anciens ennemis les Anglois, & d'avoir envoyé pour ce faire en Angleterre & ailleurs au party deld. Anglois plufieurs meffages fans le congé & licence de noftredit feu feigneur & pere, au moyen defquellescharges & par le procès fur ce fait à Vendofme en la préfence de noftred. feu feigneur & pere & par fa cour garnie autres à ce appellez, fe foit enfuy certain arrest ou sentence donné audit lieu de Vendofme contre noftred. coufin d'Alençon, le dixiefme jour d'octobre, l'an mil quatre cent cinquante - huict; par laquelle fentence ou arreft eust efté dit & declaré iceluy noftre coufin eftre crimineux de crime de leze-majesté, & comme tel efté privé & debouté de l'honneur & dignité de Pairie de France, & autres fes dignitez & prérogatives, & declaré avoir confifqué corps & biens, fauf toutes voyes, & refervé à noftredit feu feigneur & pere de faire & ordonner fur le tout à fon bon plaifir qui tel fut; c'eft que au regard de la perfonne de noftredit coufin, l'execution fut differée jufqu'au bon plaifir de noftredit feigneur & pere : & au regard des biens, que les meubles demeureroient à la femme & enfans de noftredit coufin fuppliant, refervez les artilleries, harnois & autres habillemens de guerre, & au regard des biens- C immeubles, reserva à luy les villes, chafteaux & chastellenies d'Alençon, Danfront & Verneuil, tant deçà que delà la riviere d'Aure, & lefquelles deflors il unit & incorpora, au patrimoine & domaine de la couronne, & avec ce retint le furplus de ce qui eftoit du duché d'Alençon, fes circonftances & dépendances, & auffi les chaftel & chastellenie de Semblançay avec les ponts de Tours, pour en difpofer à fon bon plaifir; & femblablement referva à luy les foys & hommages, droicts, devoirs & reconnoiffances qui estoient à noftredit coufin fuppliant à caufe de la comté du Perche, fur & pour raifon des terres & feigneuries de Nogent-le-Rotrou, fes appartenances & dépendances & autres terres appartenant à très-cher & très-amé oncle le comte du Mans, à caufe de noftre très-chere & très-amée coufine fa femme, & délaiffa aufdits enfans d'Alençon c'est à fçavoir, à noftre très-cher & amé coufin René d'Alençon la comté, terre, & feigneurie du Perche, pour en jouir par luy & fes hoirs mafles defcendans de fon corps en loyal mariage, & fans aucune dignité & prérogative de pairie, & le furplus D des autres terres & feigneuries aux enfans de noftredit coufin fuppliant, tant masles femelles, le tout felon la forme & maniere plus à plain contenu aud. arrest; au moyen de laquelle refervation noftredit cousin foit demouré prifonnier au chastel de Loches, jusques au trépas de noftredict très-cher feigneur & pere, depuis lequel trépas de la de noftredict coufin d'Alençon, nous ait efté fupplié & requis très - humblement qu'il nous pleuft de noftre grace avoir regard & confideration à l'eftat de fa perfonne & du cas, fes circonftances & dépendances, & que de tout ce dont on luy a donné charge, ne s'en eft aucune chose enfuivy par effect; ainçois eftoit comme impoffible & avec ce aux grands & notables fervices que luy & fes préceceffeurs avoient faicts à nous & aux noftres & par longtemps en plufieurs & diverfes manieres, & entr'autres E comme Charles lors comte d'Alençon fon grand aycul & feul frere du roy de France, pour la deffence du roy & du royaume alla de vie à deceds à la bataille de Crecy, & après luy le comte Pierre d'Alençon fon fils fut en hoftage en Angleterre pour le roy Jean, que Dieu abfolve, & s'en délivra à fes propres coufts & dépens. En quoy fraya la fomme de foixante mille vieils écus d'or & plus, & depuis fervit continuellement & vaillament le roy & le royaume, & fut bleflé de fon corps dont paa tel temps s'enfuivit la mort: après lequel feu noftre coufin le duc d'Alençon, pour la deffence d'iceluy royaume alla de vie à deceds à la bataille d'Afincourt: délaiffé noftredict cousin fuppliant de bien jeune aage & mineur d'ans, & lequel depuis iceluy fon aage & tout le

part

que

temps

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