on ne peut remplir les devoirs de la vie contemplative, et on s'acquitte fort mal de ceux de la vie active; alors le repos n'est qu'oisiveté, et l'action qu'un embarras et une dissipation. C'est pourquoi je vous conjure de l'embrasser de tout votre cœur, et de ne le quitter jamais. CHAPITRE XIV De la très-sainte Messe, et de la manière Je ne vous ai point encore parlé du très-saint sacrifice et sacrement de l'autel, qui est, entre les exercices de la religion, ce que le soleil est entre les astres; car il est véritablement l'âme de la piété et le centre de la religion chrétienne, auquel tous ses mystères et toutes ses lois se rapportent. C'est le mystère ineffable de la divine charité, par lequel Jésus-Christ, se donnant réellement à nous, nous comble de ses grâces d'une manière magnifique. La prière faite en union avec ce divin sacrifice en reçoit une force merveilleuse de sorte, Philothée, que l'âme qui y est remplie des grâces de Dieu, des suavités de son esprit et de la force de Jésus-Christ, se trouve dans l'état que l'Ecriture nous exprime en disant que la sainte épouse des Cantiques était ap rée sur son bien-aimé, còmblée de délices, et semble à une colonne de fumée que le feu du bois aromatique le plus excellent pousse vers le ciel, et nt tout l'air est parfumé. Faites donc ce que vous pourrez pour vous ménager le temps d'entendre tous les jours la sainte Mosse, afin d'y offrir avec le prêtre le sacrifice de ure Rédempteur à Dieu son Père, pour vous et ir toute l'Eglise. Saint Jean Chrysostome nous are que les Anges y assistent en grand nombre pour honorer de leur présence ce saint mystère: nous ne devons donc pas douter qu'y étant unis avec eux dans un même esprit, nous ne puissions nous rendre le Ciel propice, tandis que l'Eglise triomphante et l'Eglise militante entrent en société avec Jésus dans cette divine action, pour nous gagner en lui et par lui le cœur de Dieu son Père, et pour nous mériter toutes ses miséricordes. Quel bonheur pour une âme que d'y contribuer en quelque chose par une dévotion sincère et affectueuse! Si vous ne pouvez pas absolument aller à l'église, il faut suppléer au défaut de la présence corporelle par celle de l'esprit ainsi ne manquez pas, à une heure quelconque du matin, de laisser votre cœur aller au pied de l'autel, d'y unir votre intention à celle du prêtre et des fidèles, et de vous occuper du saint sacrifice, quelque part où vous soyez, comme vous le feriez si vous étiez à l'église. Voici maintenant une méthode que je vous propose pour bien entendre la sainte messe. 10 Dès le commencement jusqu'à ce que le prêtre soit monté à l'autel, faites avec lui la préparation, qui consiste à vous mettre en la présence de Dieu, à confesser votre indignité et à demander pardon de vos péchés. 20 Depuis que le prêtre est monté à l'autel jusqu'à l'Evangile, considérez la venue et la vie de NotreSeigneur en ce monde, vous en faisant une idée simple et générale. 30 Depuis l'Evangile jusque après le Credo, considérez la prédication de notre Sauveur: faites-lui une sincère protestation que vous voulez vivre et mourir dans la foi, dans la pratique de sa divine parole, et en union avec la sainte Eglise catholique. 40 Depuis le Credo jusqu'au Pater, appliquez votre cœur au mystère de la passion et de la mort de JésusChrist, qui sont actuellement et essentiellement représentées dans ce saint sacrifice, que vous offrirez avec le prêtre et avec tout le peuple à Dieu, le Père des miséricordes, pour sa gloire et pour votre salut. 50 Depuis le Pater jusqu'à la Communion, efforcez vous de faire naître dans votre cœur mille ardents désirs de vous unir à Jésus-Christ par les liens d'un amour éternel. 6° Depuis la Communion jusqu'à la fin, remerciez Jésus-Christ de son incarnation, de sa vie, de sa passion, de sa mort, et de l'amour qu'il nous témoigne encore dans son saint sacrifice, le conjurant par tout cela de vous être à jamais propice, à vos parents, à vos amis, à toute l'Eglise, et puis, vous humiliant profondément, recevez avec beaucoup de dévotion la bénédiction que Notre-Seigneur vous donne par son ministre. Si vous voulez faire votre méditation pendant la Messe sur les sujets qui vous sont ordinaires, cette méthode ne vous sera pas nécessaire: il suffira d'avoir au commencement l'intention d'offrir le saint sacrifice, d'autant plus que tous les exercices qui entrent dans cette méthode se trouveut presque tous réunis dans une méditation bien faite. CHAPITRE XV Des autres exercices de dévotion publics et communs. Les dimanches et les fêtes étant des jours consacrés à un culte de Dieu plus spécial et plus fervent, vous jugez bien, Philothée, que la dévotion doit s'y occuper beaucoup plus que les jours ordinaires des devoirs de la religion, et qu'outre les autres exercices il faut assister à l'office le matin et le soir, autant que vous le pourrez. Vous y goûterez de grandes consolations, comme saint Augustin, qui nous assure dans ses Confessions, que quand il entendait le divin office au commencement de sa conversion, il sentait son cœur se fondre en suavité et ses yeux en larmes de piété. De blus (car il faut que je le dise une fois pour toutes), l'office public de l'Eglise est toujours plus utile et plus consolant que tout ce qui se fait en particulier, Dieu ayant voulu que, dans tout ce qui est de son culte, nous préférions la communion des fidèles à toutes sortes de particularités. Entrez volontiers dans les confréries du lieu où vous demeurez, et principalement dans celles dont les exercices vous feront espérer plus d'utilité et d'édification; ce sera une sorte d'obéissance fort agréable à Dieu: car, bien que l'on ne nous ordonne rien sur ce point-là, il est toutefois facile de voir que l'Eglise nous le recommande, et ses intentions se font assez connaître par les indulgences et les autres priviléges qu'elle accorde à ces pieuses sociétés. D'ailleurs c'est un vrai exercice de la charité chrétienne que d'entrer dans les saintes intentions des autres et de contribuer à leurs bons desseins, et quand vous feriez en votre particulier et avec plus de goût quelque chose d'aussi bon que ce qui se fait dans les confréries, Dieu y est plus glorifié par cette union que la piété y fait des esprits et des oblations. Je dis la même chose de toutes les prières et dévotions publiques, auxquelles nous devons contribuer autant que nous le pouvons, par notre bon exemple, pour la gloire de Dieu, pour l'édification du prochain et pour la fin commune qu'on s'y propose. CHAPITRE XVI Il faut honorer et invoquer les saints. Puisque c'est par le ministère des Anges que nous recevons souvent les inspirations de Dieu, c'est aussi par eux que nous devons lui présenter nos inspirations, aussi bien que par les saints et les saintes, qui, étant présentement semblables aux Anges dans la gloire de Dieu, comme le Sauveur nous l'a dit, lui présentent perpétuellement leurs désirs et leurs prières en notre faveur. Joignons done nos cœurs, Philothée, à ces célestes esprits et à ces âmes bienheureuses; car, comme les petits rossignols apprennent à chanter avec les grands, nous apprendrons aussi par ce saint commerce à chanter les louanges de Dieu et à le prier d'une manière plus digne de lui. « Seigneur, je chanterai vos louanges, disait David, « en la présence de vos Anges. >> Honorez, révérez et respectez d'un amour spécial la sacrée et glorieuse Vierge Marie, qui, étant la mère de Jésus-Christ notre frère, est aussi très-véritablement notre mère. Recourons donc à elle, et, comme ses petits enfants, jetons-nous à ses pieds et entre ses bras, avec une confiance parfaite, à tous moments et en toutes rencontres. Appelons cette douce et bonne mère, implorons son amour maternel, ayons aussi pour elle le cœur d'un enfant pour sa mère, et appliquons-nous à imiter ses vertus. Rendez-vous familier le commerce de votre âme avec les Anges, faisant souvent attention à leur présence: surtout aimez et révérez celui du diocèse où vous êtes, ceux des personnes avec qui vous vivez, mais spécialement le vôtre; faites-leur souvent quelques prières; bénissez Dieu pour eux; invoquez leur protection dans toutes vos affaires, soit spirituelles, soit temporelles, afin qu'ils daignent entrer dans vos intentions. Le célèbre Pierre Faure, premier prêtre, premier prédicateur, premier professeur de théologie de la sainte Compagnie du nom de Jésus, et premier compagnon du bienheureux Ignace son fondateur, venant un jour d'Allemagne, où il avait beaucoup travaillé pour la gloire de Dieu, et passant par le diocèse où il était né, racontait que la dévotion qu'il avait euc de saluer les Anges protecteurs des paroisses par où il avait passé, à travers plusieurs pays hérétiques, lui avait donné beaucoup de consolations intérieures et obtenu une protection spéciale; car il protestait |