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DE

TOVT CE QVI

S'EST PASSE' SVR LE

fait et expédition de
la Valteline.

Traduicte du Latin du sieur de W
S. M. par L. G. A.

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Lorsque François Ier se fut rendu maître du duché de Milan, en 1516, il abandonna aux Grisons la possession de la Valteline, dont ils jouirent jusqu'en 1620; à cette époque, la Valteline, fidèle à l'ancienne religion, crut devoir secouer le joug de ses maîtres, zélés partisans de la réforme. Dès lors l'histoire de ce petit coin de terre se lie intimement à celle de la plupart des grandes puissances de l'Europe, qui, sous prétexte d'intervenir en faveur des Valtelinais ou contre eux, se donnent rendez-vous dans la vallée des Grisons comme dans un champ-clos, pour y vider leur propre querelle. Pendant vingt années, la malheureuse province subit le contre-coup de tous les mouvements, de tous les jeux importants de la politique générale, et les divers intérêts de l'Europe qui s'y tiennent toujours en présence, constatent également par des désastres leurs victoires et leurs défaites; en sorte que l'étude des destinées de ce petit peuple, est indispensable à celle des variations de la politique européenne pendant toute cette période.

Deux guerriers illustres, le marquis de Cœuvres, depuis duc d'Estrées, d'abord, et après lui le duc de Rohan, furent chargés de faire prévaloir dans cette lutte les intérêts et les prétentions de la France. Le duc de Rohan, alliant au génie militaire celui de l'écrivain politique, a été pour la postérité le digne historien de ses propres exploits. Le marquis de Cœuvres a laissé aussi plusieurs écrits sur les événements auxquels il a pris part; mais le négligé de ces mémoires, rédigés, assure-t-on, en cinq ou six jours, joint à l'insuffisance des documents historiques sur ce début si significatif de la guerre de la Valteline, par lequel Richelieu s'annonça à l'Europe, donne assez de valeur à la pièce que nous publions, laquelle forme en quelque sorte le complément des Mémoires du duc de Rohan sur la guerre de la Valleline.

RELATION

DE TOUT CE QUI S'EST PASSÉ

SUR LE FAIT ET EXPÉDITION

DE LA VALTELINE.

Les armes du très puissant et invincible Roy Louysle-Juste estoient destinées, par la Providence éternelle, pour porter par tout le monde les marques d'une vertu signalée et l'esclat d'une gloire infinie, et pour remplir d'estonnement les esprits de tous les hommes; et ce n'estoit pas assez qu'elles eussent surmonté les difficultés de l'Océan, et passé les Pirénées, le Rhein et les Alpes, si elles ne pénétroient encore jusques aux plus creuses vallées et aux plus cachez recoins de la Valteline. Car, comme le soleil, dont la lumière est espandue partout, porte l'esclat de ses rayons dans les entrailles de la terre, et nous fait voir des merveilles en la production de l'or, de l'argent et des autres métaux, ainsi les ar

mes d'un si grand prince, la réputation desquelles n'a point d'autres bornes que celles de la terre et de la mer, remplissent tout de leur esclat et de leur puissance, et, en tous les lieux où le soleil esclaire, desploient des forces admirables pour le secours de ses alliez, et pour rendre la liberté à ceux qui sont opprimez sous le joug d'une honteuse servitude. La Valteline (1) fournit un mémorable exemple de ceste vérité. Ceste contrée, qui n'est pas une des plus petites parties de la Haute-Rhétie et qui

(1) La Valteline, en latin Vallis Tellina, en italien Valtelina, tire son nom du bourg appelé Tell en allemand, en italien Teglio, et en latin Tellina.

Cette province du Lombard-Vénitien est tout entière formée par une vallée qui s'abaisse de la partie sud des Alpes vers le nord du lac Como, et est traversée dans toute sa longueur, qui est de 18 lieues, par l'Adda, qui dans certains endroits présente plus d'une lieue de largeur. La fertilité de ce petit territoire, qui, en raison de ses accidents variés, se prête volontiers à toutes les cultures usitées dans le nord et le midi de l'Europe, laisse peu de choses à désirer à ses habitants, qui tirent leurs principales ressources de l'éducation des troupeaux et de la culture du vignoble. Soudrio est la capitale de cette province.

Sous la domination des Grisons, celle-ci était divisée en trois tiers: 1o Terzero di Sopra, le haut tiers, comprenant 11 communautés, obéissait au podestat ou bailli du comté de Bormio; 2o Terzero di Mezzo, le tiers du milieu, renfermait 18 communautés, dont la première était Soudrio, où résidait le capitaine-général de la Valteline au nom des trois ligues; 3° Terzero di Sotto, le tiers d'en bas, était formé par les deux districts ou squadre Morbigno et Tahoua; le premier de ces districts comprenait douze communautés, le second onze seulement. Le Terzero di Sopra et le Terzero di Sotto obéissaient chacun à un podestat qui gouvernait au nom des trois ligues. Teglio, bourg considérable entre le haut tiers et le tiers du milieu, était aussi la résidence d'un podestat qui avait la surveillance des trente petits districts ou contradules dépendant de Teglio.

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