Images de page
PDF
ePub

Italie.

1800-an vin colonnes, dirigées par le général Gobert et par le chef de brigade Dufour, partirent, la première de la ville de Bard, la deuxième du village de Donas, sur la route d'Ivrée; la troisième devait seulement faire une démonstration de passage sur la rive droite de la Dora pour attirer l'attention de la garnison. Les grenadiers s'avancèrent en silence, et arrivèrent, en sautant d'un rocher à l'autre, jusqu'aux palissades de la première enceinte, qui fut emportée sous une grêle de balles. L'ennemi fut chassé à la baïonnette des ouvrages avancés, et obligé de rentrer dans la place. Il fallut alors tenter d'abattre les ponts-levis, briser les portes, et appliquer les échelles qu'on avait apportées pour livrer l'assaut; mais les Autrichiens dirigèrent un feu très-vif de mousqueterie sur les assaillants, en même temps que les pièces qui battaient le pied du rempart balayaient le terrain. Des obus et des grenades, lancés à la main, achevèrent de mettre le désordre dans les deux colonnes, et les forcèrent à la retraite. Les annales de la guerre offrent peu d'exemples d'une attaque aussi audacieusement conduite. Le général Loison, qui commandait les troupes françaises, fut renversé au pied du rempart par l'explosion d'une bombe, et le chef de brigade Dufour y fut blessé très-grièvement au moment où il faisait, avec ses grenadiers, de vains efforts pour abattre le pont-levis.

Bonaparte avait, en quelque sorte, prévu cette issue, si l'impétuosité de l'attaque n'intimidait point le commandant autrichien. Après avoir expliqué au général Loison, chargé, comme on vient de le voir, de conduire la principale attaque faite par les colonnes de Gobert et de Dufour, les mesures à prendre pour l'exécution de l'entreprise, le premier consul avait pris à part le général Marescot, et lui avait dit : « Cet officier n'entend pas ce qu'il a à faire, et l'assaut manquera. »>

Quoiqu'un pareil échec eût dû convaincre que le commandant du fort était déterminé à se défendre jusqu'à la dernière extrémité, Berthier fit sommer celui-ci pour la quatrième fois. La réponse ayant été négative, on ne songea plus qu'à employer les moyens ordinaires pour pousser le siége avec vigueur. Le général Chabran fut chargé de cette opération, et l'on choisit des positions plus convenables à l'effet de l'artillerie sur la place.

Cependant, le général Lannes, qui, dès le 20 mai, se trou

Italie.

vait, avec l'avant-garde, sur la route d'Ivrée, courait risque 1800-an VIII d'être attaqué sans avoir d'artillerie pour se défendre. Toute celle de l'armée se trouvait encombrée au-dessus du fort de Bard, et jusqu'alors on n'avait point pensé qu'il fût possible de la faire avancer avant d'être maître de ce fort qui fermait le seul passage praticable. Mais, dans une circonstance telle, le général Berthier prit une détermination dont le désespoir et l'impérieuse nécessité pouvaient seuls justifier la témérité; secondé par la décision et l'intrépide activité du général Marmont, il osa entreprendre de faire passer les pièces et les caissons à travers la ville de Bard sous le feu du fort à demi-portée de fusil. On couvrit la route de fumier, on enveloppa les roues avec de la paille et du foin; les pièces furent traînées à la prolonge, chacune par 50 hommes dévoués, dans le plus profond silence. On avait choisi les moments où la profonde obscurité de la nuit faisait espérer que le mouvement ne serait point aperçu; mais ces moments étaient toujours trop courts: la vigilance de l'ennemi, dont le tir était fixé et éprouvé sur les divers points du passage, et qui, d'ailleurs, pour éclairer la route, lançait incessamment des obus, des grenades et des pots à feu, rendit cette opération très-périlleuse. Plusieurs des braves employés à trainer les pièces et les caissons furent victimes de leur dévouement. Cependant, l'artillerie franchit le terrible défilé; l'armée se trouva en mesure de commencer ses succès; le fort de Bard fut laissé en arrière, et l'importance de son occupation ne fut plus regardée que comme secondaire.

Aussitôt que le passage de l'artillerie fut effectué, Bonaparte donna au général Lannes l'ordre d'attaquer vigoureusement la ville et la citadelle d'Ivrée. 4,000 Autrichiens qui défendaient ces deux postes se hâtaient d'en réparer les fortifications et élevaient de nouvelles batteries, lorsque l'avant-garde française les surprit dans ces travaux tardifs.

La place d'Ivrée est située dans une position assez avantageuse, entre deux collines, sur la rive gauche de la Dora-Baltea. Assiégée, en 1704, par le duc de Vendôme, elle résista pendant dix jours aux efforts d'un corps assez considérable de troupes, et ne se rendit alors que parce qu'elle fut écrasée sous le feu d'une artillerie formidable. Le général Launes fit assaillir

Italie.

1800-an vin à la fois la ville et la citadelle. Les Autrichiens opposèrent pendant deux jours une résistance vigoureuse; mais, le 25 mai, un bataillon de la 22o demi-brigade, conduit par le capitaine Cochet, aide de camp du général Malher, escalada la citadelle et s'en empara à la baïonnette. Les quinze pièces de canon qui se trouvaient dans ce fort furent aussitôt dirigées sur la ville. Au même moment, le général Lannes ordonna sur les trois portes de la ville une attaque simultanée, qui fut exécutée par trois colonnes de grenadiers. Il se mit à la tête de la colonne de droite, et, s'étant avancé sur la barrière, il y porta le premier coup de hache. Cette première colonne et les deux autres, conduites par les généraux Watrin et Malher, brisèrent les pontslevis, enfoncèrent les portes à coups de canon et de hache, et se précipitèrent avec tant d'impétuosité dans l'intérieur de la ville, que les Autrichiens furent au moment d'être tous faits prisonniers; mais ils parvinrent à se retirer par le pont de la Chiusella, sur la route de Chivasso, après avoir perdu beaucoup d'hommes, d'artillerie, et laissé 300 prisonniers au pouvoir du vainqueur. L'adjudant général Hullin et le chef de la 22o demibrigade Ferrat s'étaient distingués particulièrement dans cette attaque. Le dernier paya de sa vie les lauriers qu'il venait de cueillir.

Ivrée pouvait être regardée comme la clef des plaines d'Italie, et dès lors l'armée française n'avait plus d'autre obstacle à rencontrer jusqu'à Turin qu'un corps d'ennemis assez nombreux pour lui tenir tête; mais le général Mélas s'occupait encore en ce moment de sa chimère favorite, l'envahissement des frontières de France. L'armée autrichienne se partageait entre le siége de Gênes et l'attaque de la ligne du Var, lorsqu'elle aurait dû se trouver réunie pour s'opposer aux progrès de la nouvelle armée française qui s'avançait sur ses derrières. Les généraux Kaim et Haddick, envoyés par le général en chef ennemi vers la frontière du Piémont, se persuadaient encore que les troupes françaises qui avaient déjà débouché ne formaient qu'un corps de secours envoyé à Masséna. La prise d'Ivrée et les rapports qui leur parvinrent de toutes parts dissipèrent à la fin leur illusion. Ils songèrent à couvrir la capitale du Piémont en rassemblant 6,000 hommes d'infanterie, des régiments de Kinski,

Italie.

Toscana, Wallis, les gardes du corps du roi de Sardaigne, et 1800-an VIII environ 4,000 chevaux, dont faisaient partie les dragons de Latour, trois régiments de hussards et quelques autres de grosse cavalerie. Ils placèrent ces troupes dans une bonne position sur la rive droite et en arrière du pont de la Chiusella.

Le premier consul avait donné l'ordre au général Lannes de s'avancer rapidement sur Turin, immédiatement après la prise d'Ivrée. Le 26 mai, l'avant-garde se trouva en présence du corps autrichien la division Boudet et deux régiments de troupes à cheval soutenaient les deux divisions d'avant-garde. La 6o demibrigade légère commença l'action en attaquant et emportant le pont de la Chiusella; le chef de cette demi-brigade, Macon, voyant que le feu de quatre pièces d'artillerie placées à l'autre extrémité du pont arrêtait la tête de sa colonne, se précipita dans la rivière, fut suivi par sa troupe, et, sous un feu de mitraille très-meurtrier, il parvint à tourner le pont. Ce brillant fait d'armes décida le succès. Pendant ce temps, les autres troupes s'étaient avancées, avaient débouché du pont et toutes ensemble se portèrent rapidement sur l'infanterie ennemie, qui s'était formée sur les hauteurs de Romano. Le combat s'engagea de nouveau dans cette position, et les Autrichiens furent chargés avec tant d'impétuosité que, ne pouvant résister au choc, ils se replièrent en désordre sur le village. Ils traversaient la plaine, lorsque le général Kaim, pour les rallier et les soutenir, fit déployer sa nombreuse cavalerie. Celle-ci chargea à son tour l'infanterie française, et réussit à la repousser au moment où elle allait s'emparer de l'artillerie de ses adversaires; mais le général Malher, arrivant alors avec sa demi-brigade, les 22o et 40° de ligne, arrêta cette cavalerie, repoussa jusqu'à trois charges successives, dans lesquelles les ennemis finirent par se rompre eux-mêmes; ce qui leur fit éprouver une perte considérable. En couvrant la retraite sur Chivasso, le seul régiment de Latour perdit plus de 200 chevaux; le général comte Palfi, qui commandait ce corps de cavalerie, fut blessé mortellement, et mourut le lendemain à Chivasso où il fut conduit. Les Français eurent à regretter, de leur côté, les chefs de bataillon Dumont, de la 22o, et Larret, de la 6 légère. Ce combat glorieux, prélude de victoires encore plus importantes, augmenta l'ardeur, déjà si vive, qui animait

1800-an VII! Italie.

à la fois la ville et la citadelle. Les Autrichiens opposèrent pendant deux jours une résistance vigoureuse; mais, le 25 mai, un bataillon de la 22o demi-brigade, conduit par le capitaine Cochet, aide de camp du général Malher, escalada la citadelle et s'en empara à la baïonnette. Les quinze pièces de canon qui se trouvaient dans ce fort furent aussitôt dirigées sur la ville. Au même moment, le général Lannes ordonna sur les trois portes de la ville une attaque simultanée, qui fut exécutée par trois colonnes de grenadiers. Il se mit à la tête de la colonne de droite, et, s'étant avancé sur la barrière, il y porta le premier coup de hache. Cette première colonne et les deux autres, conduites par les généraux Watrin et Malher, brisèrent les pontslevis, enfoncèrent les portes à coups de canon et de hache, et se précipitèrent avec tant d'impétuosité dans l'intérieur de la ville, que les Autrichiens furent au moment d'être tous faits prisonniers; mais ils parvinrent à se retirer par le pont de la Chiusella, sur la route de Chivasso, après avoir perdu beaucoup d'hommes, d'artillerie, et laissé 300 prisonniers au pouvoir du vainqueur. L'adjudant général Hullin et le chef de la 22o demibrigade Ferrat s'étaient distingués particulièrement dans cette attaque. Le dernier paya de sa vie les lauriers qu'il venait de cueillir.

Ivrée pouvait être regardée comme la clef des plaines d'Italie, et dès lors l'armée française n'avait plus d'autre obstacle à rencontrer jusqu'à Turin qu'un corps d'ennemis assez nombreux pour lui tenir tète; mais le général Mélas s'occupait encore en ce moment de sa chimère favorite, l'envahissement des 'frontières de France. L'armée autrichienne se partageait entre le siége de Gênes et l'attaque de la ligne du Var, lorsqu'elle aurait dû se trouver réunie pour s'opposer aux progrès de la nouvelle armée française qui s'avançait sur ses derrières. Les généraux Kaim et Haddick, envoyés par le général en chef ennemi vers la frontière du Piémont, se persuadaient encore que les troupes françaises qui avaient déjà débouché ne formaient qu'un corps de secours envoyé à Masséna. La prise d'Ivrée et les rapports qui leur parvinrent de toutes parts dissipèrent à la fin leur illusion. Ils songèrent à couvrir la capitale du Piémont en rassemblant 6,000 hommes d'infanterie, des régiments de Kinski,

« PrécédentContinuer »