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suspendre les opérations du général Murat, laissant à celui-ci 1804 —an ix la faculté de traiter d'un armistice, et se réservant de régler Italie. plus tard les conditions de la paix. Le général Lewaschef quitta aussitôt Paris pour se rendre à Naples, et les mêmes honneurs qui avaient signalé son arrivée lui furent rendus à son départ. Son voyage à travers les départements de la France fut une espèce de marche triomphale, qui se continua alors même qu'il fut arrivé en Italie; car le premier consul avait donné des ordres en conséquence à tous les généraux. Il écrivait au ministre de la guerre : « Informez le général Brune que le grand veneur de la cour de Russie, le général Lewaschef, se rend à Naples et pourra passer par la Romagne : le général Brune donnera des ordres pour que M. de Lewaschef soit partout reçu avec honneur, escorté et défrayé tant qu'il se trouvera sur le territoire occupé par les armées françaises. » Le général Murat, qui reçut lui-même l'envoyé russe à Bologne, se piqua de renchérir sur ces marques de déférence, aux yeux des Italiens étonnés de cette soudaine harmonie entre des ennemis si acharnés naguère à se combattre sur ce même théâtre de guerre. Murat, se rendant à Florence avec une partie de ses troupes pour prendre le commandement en chef du grand-duché de Toscane, y fut suivi par le général Lewaschef, qui trouva, à son arrivée, la ville illuminée comme pour une fête ou un triomphe. Lorsque cet envoyé parut au spectacle avec le géné– ral Murat, on lui présenta un drapeau russe, qu'il joignit luimême au drapeau tricolore en s'écriant: « que les deux plus grandes nations de l'Europe devaient être unies pour la paix du monde et le bonheur général.

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Cependant le comte Roger de Damas occupait toujours avec ses troupes l'État ecclésiastique, et le gouvernement napolitain se prévalait du silence de l'armistice de Trévise pour maintenir son armée dans cette occupation. Nous avons fait remarquer que le premier consul, en ne permettant point que les Napolitains fussent compris dans cet armistice, avait voulu séparer leur cause de celle des Autrichiens affectant de les regarder uniquement comme les auxiliaires de l'Angleterre, il voulait à tout prix les arracher à l'influence de cette puissance.

Avant d'entrer en négociation, le premier consul exigea préa

VII.

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1801

Italie.

— an 1x lablement l'évacuation des États romains par l'armée napolitaine, et, pour appuyer cette demande de tout le poids de ses armes, il ordonna au général Brune de renforcer le corps d'armée du général Murat par deux divisions de l'armée d'Italie. Celui-ci réunit ainsi sous son commandement 25 à 30,000 hommes de troupes aguerries. Le général Soult reçut en même temps l'ordre de rejoindre cette armée, dans laquelle il devait prendre le commandement de l'avant-garde. Cantonné sur le territoire d'Ancône, le général Murat pouvait en quelques marches se porter dans le royaume de Naples.

Le comte Roger de Damas cherchait à gagner du temps, dans l'intention d'obtenir des conditions plus favorables. Dans une dernière communication qui lui fut faite par le général napolitain, Murat, fatigué de toutes ces tergiversations, répondit par la lettre suivante, qui renfermait l'expression des dernières volontés de Bonaparte :

« Monsieur le général,

« Depuis plus d'un mois l'intérêt que Sa Majesté l'empereur de Russie porte au roi de Naples a engagé le premier consul à ne plus se souvenir des injures nombreuses dont le gouvernement napolitain s'est rendu coupable envers le peuple français. Cependant la cour de Naples, comme si elle eût pu se croire plus heureuse que les autres ennemis de la république, est restée seule en armes, quand les autres puissances ont cherché dans la paix le salut de leur pays. Croit-elle donc que son attitude de guerre en imposera aux braves soldats qui ont vaincu l'Europe? Détrompez-vous, et cessez de bercer de fausses espérances le pays qui vous a donné l'hospitalité, lorsque vous avez fui celui qui fut votre première patrie. Général de l'armée napolitaine, évacuez tous les États du pape et le château SaintAnge. Le premier consul ne consentira à entrer avec vous en négociation que lorsqu'il vous saura rentré dans les limites du royaume de Naples. Le seul prince qui puisse aujourd'hui protéger votre roi, par la considération personnelle et particulière qu'a pour lui le premier consul, est l'empereur de toutes les Russies. Que votre gouvernement mérite donc la continuation des bontés de ce monarque, ce qui ne peut se faire qu'en

Italie.

fermant les ports de la Sicile et du royaume de Naples aux bà- 1801 — an ix timents anglais, et en mettant un embargo sur tous les bâtiments de cette nation, qu'il est temps enfin d'expulser de tous les points du continent. Cet embargo servira d'équivalent à celui que le roi d'Angleterre vient de faire mettre injustement sur tous les bâtiments danois, suédois et russes. Faites-moi certifier, par l'ambassadeur de Russie près de votre cour, que ces préliminaires sont remplis, et sur-le-champ j'arrête ma marche, et conclus avec vous un armistice, préliminaire d'une paix juste et équitable. »>

Cette dépêche, communiquée par le général Roger de Damas, convainquit enfin la cour de Naples que le moment était encore venu pour elle de céder à la force. L'armée napolitaine eut ordre de quitter les États romains et de se retirer sur la frontière du royaume. Le général Lewaschef, qui fut reçu à Naples avec la plus grande magnificence, servit d'intermédiaire entre le premier consul et le gouvernement napolitain, et sut si bien représenter que le salut du royaume dépendait d'une prompte rupture avec l'Angleterre, que la reine, quelle que fût d'ailleurs sa répugnance à prendre ce parti, y consentit, et dès lors le général Murat arrêta la marche de ses troupes.

Le chevalier Micheroux, chargé des pouvoirs de la cour de Naples, se rendit au quartier général de Murat, à Foligno, où fut conclu, le 6 février, un armistice qui devait donner aux plénipotentiaires des deux puissances le temps d'arrêter un traité de paix définitif. Les principales conditions de cet armistice étaient :

Que même après l'évacuation des États du pape par l'armée napolitaine, l'armée française conserverait ses positions, occupant Terni, suivant la Nera jusqu'à son embouchure dans le Tibre, sans outre-passer ces limites;

Que tous les ports de Naples et de Sicile seraient fermés à tous les vaisseaux de guerre ou de commerce anglais ou turcs, jusqu'à la paix définitive entre la France et les deux puissances; que toute communication entre Porto-Ferrajo et Porto Longone dans l'ile d'Elbe cesserait pendant que les Anglais occuperaient le premier port; que le savant Dolomieu, célèbre naturaliste, retenu prisonnier à son retour d'Égypte, ainsi que

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an ix plusieurs officiers et généraux français, seraient rendus sur

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Que tout tribunal de rigueur étant aboli dans le royaume des Deux-Siciles, S. M. s'engageait à faire droit aux recommandations du gouvernement français, dans les négociations qui auraient lieu pour la paix définitive, pour stipuler les intérêts des personnes détenues ou émigrées pour cause d'opinion.

Aussitôt que ce traité d'armistice fut publié, l'embargo fut mis sur tous les bâtiments anglais. Le général Damas, qui se trouvait encore à Rome avec quelques troupes d'arrière-garde, reçut l'ordre d'évacuer sur-le-champ cette capitale du monde chrétien. Le souverain pontife, qui n'avait pas vu sans quelque satisfaction le gouvernement français, jadis son ennemi, prendre ses intérêts et le délivrer d'une occupation vexatoire, invita le général Murat à venir à Rome. Celui-ci, en s'empressant de répondre à l'invitation, voulut faire valoir encore sa démarche en n'amenant avec lui que quelques officiers d'étatmajor: cette confiance à la foi publique, et les hommages rendus à la sainteté du ministère pontifical, donnèrent au général français beaucoup de popularité. Les Romains accoururent en foule sur son passage; le cardinal secrétaire d'État Gonzalvi alla lui-même le complimenter au palais où il était descendu, et Murat fut admis le même jour à l'audience du saint-père.

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Traité de Lunéville; préparatifs du premier consul contre l'Angleterre, etc., etc. Suite des événements en Égypte; détails sur la conduite du général Menou; expédition et débarquement des Anglais; combats en avant d'Alexandrie; prise du fort d'Aboukir; bataille de Canope; les Anglais occupent Rosette; combat et évacuation de Rahmanieh; blocus d'Alexandrie, etc.; le général Belliard marche à la rencontre de l'armée turque; les Français évacuent Damiette, les forts de Lesbeh et de Bourlos; mort de Mourad-Bey; convention du Caire; capitulation du Caire; capitulation d'Alexandrie; fin de l'expédition d'Égypte. - Traité de paix avec le roi

de Naples; expédition de l'île d'Elbe par les Français, etc.

LORSQUE les armées françaises, victorieuses sur tous les points où elles se trouvaient en Europe, affermissaient la république au dehors, comme on l'a vu précédemment, la politique étrangère, ravivant le feu mal éteint des factions nationales, cherchait, au dedans, à anéantir le gouvernement dans la personne du premier consul; les aveugles fauteurs de l'anarchie révolutionnaire et les maladroits partisans de la royauté, réunis par le sentiment d'une commune haine, aiguisaient de concert leurs poignards pour frapper ce magistrat suprême: deux tentatives d'assassinat furent faites contre Bonaparte. La première, dirigée par quelques hommes du régime de 1793, devait avoir lieu dans la salle de l'Opéra ; elle n'échoua que par la promptitude et la prudence des mesures prises par le ministre de la police généralė; saisis au moment de l'exécution, les principaux conjurés furent livrés à la justice : la seconde avait été conçue et exécutée par d'anciens Vendéens, auxquels s'étaient réunis quelques hommes envoyés d'Angleterre ; et si Bonaparte parvint à éviter la terrible explosion d'une machine infernale qui renversa ou endommagea une partie des maisons de la rue Saint-Nicaise, dans laquelle elle éclata. il ne dut son salut, en cette occasion, qu'à

1801 - an is

9 février

(20 pluv.)

France.

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