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chef Larrey. C'est aux soins empressés, à l'habileté de cet officier de santé, si recommandable sous tous les rapports, que le général Menou dut de n'avoir pas succombé au seul danger auquel il eût été exposé depuis la prise d'Alexandrie par l'armée française. Il était encore convalescent en arrivant au lazaret de Toulon; mais peu de jours suffirent pour son entier rétablissement.

Ainsi fut terminée l'expédition la plus mémorable des temps modernes. Les droits acquis par l'armée d'Orient à l'intérêt, nous osons dire à l'admiration de la postérité, ne peuvent être contestés. César fit brûler les vaisseaux qui transportèrent ses légions sur le sol des Bretons indomptés; mais, en mettant ses soldats dans la nécessité de vaincre, il n'avait point de flotte ennemie à redouter, et quelques lieues de mer le séparaient du continent des Gaules asservies. Ici nous voyons une armée transportée à sept cents lieues de la France, au delà d'une mer couverte des flottes de ses ennemis, et, pour ajouter aux difficultés non-seulement du retour, mais encore des communications indispensables avec la mère patrie, le combat naval d'Aboukir anéantit l'escadre française de la Méditerranée. Les troupes d'Orient ne sont point decouragées par cette catastrophe imprévue. En s'enfonçant dans un pays entièrement nouveau pour elles, autant sous les rapports du climat et des habitants que par la manière d'y combattre, tous leurs pas sont marqués par des succès; en deux mois, l'Égypte est conquise: plus tard, la Syrie est envahie; mais la fortune française échoue sous les murs de Ptolémaïs (Saint-Jean-d'Acre); et c'est à l'activité, au génie d'un compatriote qu'il convient encore d'attribuer la plus grande part de cet échec éprouvé par des soldats victorieux, dans les plaines du mont Thabor, de l'armée innombrable des pachas de l'Orient. Parlerons-nous de la bataille d'Aboukir, et surtout de celle d'Héliopolis? Les revers de la dernière campagne de l'armée d'Orient ne sauraient flétrir sa gloire et sa renommée. Disséminée sur un trop grand espace, par les mauvaises dispositions du chef inhabile qui la commandait, combien n'a-t-elle pas imposé à des ennemis supérieurs sur tous les points; et quel éclat réfléchit encore sur elle au milieu des calamités et des désastres qui l'accablent! Que les Anglais.

an Ix

1801 Egypte.

1804

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anix s'applaudissent, s'ils le veulent, d'un triomphe dû tout entier aux Egypte. fautes d'un seul homme! Mais leurs généraux ont-ils pu se vanter d'une victoire qu'ils n'ont remportée ni par leurs dispositions, ni par la valeur et l'audace de leurs soldats? « Leur marche timide, dit le général Reynier, malgré leur énorme supériorité, dénote aisément quelle aurait été la destinée des troupes anglaises et turques, si le chef de l'armée d'Orient eût été digne d'elle. »

Octobre ( brum).

Italie.

Traité de paix définitif avec le roi de Naples; expédition de l'ile d'Elbe; siége de Porto-Ferrajo, etc. Nous avons dit, au commencement de ce chapitre, que Bonaparte, dans le dessein de détacher tout à fait le roi de Naples de l'Angleterre, et de lui faire désirer avec plus d'empressement encore un rapprochement avec la France, n'avait point voulu qu'il fût question des intérêts de ce monarque dans le traité de Lunéville; mais que, pour répondre à la démarche que l'empereur de Russie venait de faire faire auprès de lui par son grand veneur, M. de Lewachef, le premier consul avait consenti à traiter avec le souverain des Deux-Siciles, se promettant bien de tirer parti de la situation précaire où se trouvait celui-ci. L'armistice conclu à Foligno, et dont nous avons mentionné les clauses principales, n'était valable que pour un mois; le général Murat avait toujours son armée réunie sur les frontières des États romains, et menaçait incessamment le royaume de Naples. D'un autre côté, les conditions imposées par le premier consul paraissaient si dures au ministère napolitain, encore sous l'influence de la politique anglaise, qu'il ne se hâtait point de les accepter par un traité définitif.

Sur ces entrefaites, le général Murat reçut de Paris de nouvelles instructions, par lesquelles on lui prescrivait de ne consentir à la prolongation de l'armistice sollicité par la cour de Naples qu'au cas où celle-ci exécuterait préalablement les dispositions convenues dans l'acte dont nous parlons et les conditions suivantes: 1o la restitution de tous les objets d'art qui auraient été pris à Rome par les Napolitains, et qui appartenaient à la république française; 2o l'occupation de Tarente et de la plus grande partie de la presqu'ile par une forte division de l'armée française; 3° la remise des forteresses de Tarente, Gal

Italie.

lipoli, Brindisi et Otrante; 4o l'occupation par les troupes fran- 1801 — an ix çaises de Chieti, d'Aquila, et de la communication avec Tarente; 5o le versement d'une somme de cinq cent mille francs par mois dans la caisse de l'armée d'occupation, pour la solde et l'entretien des troupes, indépendamment d'une fourniture de grains pour leur subsistance. Le gouvernement français donnait au surplus l'assurance qu'aucune des places occupées par son armée ne serait démolie. Murat avait ordre, si ces conditions n'étaient point acceptées, de marcher sur Naples par Aquila, en évitant toutefois de passer par Rome, à moins d'une nécessité absolue.

La cour de Naples, pressée de sortir d'une position aussi difficile, et se flattant d'empêcher par sa soumission aux désirs du premier consul l'entrée des troupes françaises dans le royaume, renonça au système de lenteur que lui conseillaient les agents britanniques, et autorisa son plénipotentiaire à accepter le traité de paix que le gouvernement français voudrait dicter. Ce traité fut définitivement signé à Florence le 28 mars', par M. Alquier, ministre de France, et le chevalier Micheroux, plénipotentaire du roi de Naples, et qui avait déjà conclu l'armistice de Foligno.

En voici la teneur :

ARTICLE 1er. Il y aura paix, amitié et bonne intelligence entre la république française et Sa Majesté le roi des DeuxSiciles; toutes hostilités par mer et par terre cesseront définitivement entre les deux puissances, à compter du jour de l'échange des ratifications du présent traité, et au préalable l'armistice conclu à Foligno le 29 pluviose (18 février) dernier, entre les généraux respectifs, aura sa pleine et entière exécution.

2. Tout acte, engagement ou convention antérieurs de la part de l'une ou de l'autre des deux parties contractantes, qui seraient contraires au présent traité, sont révoqués, et seront regardés comme nuls et non avenus.

Pour ne point interrompre notre récit de la fin de l'expédition d'Égypte, nous n'avons pas cru devoir rapporter ce traité de paix avec Naples, à sa date. Il trouve naturellement sa place dans ce paragraphe, qui termine les opérations de la campagne de 1801.

1801 - ap [x Italie.

3. Tous les ports du royaume de Naples et de Sicile seront fermés à tous bâtiments de guerre et de commerce turcs et anglais, jusqu'à la conclusion, tant de la paix définitive entre la république française et ces deux puissances, que des différends survenus entre l'Angleterre et les puissances du nord de l'Europe, et spécialement entre la Russie et l'Angleterre. Lesdits ports demeureront au contraire ouverts à tous les bâtiments de guerre et de commerce, tant de la part de Sa Majesté Impériale de Russie et des Etats compris dans la neutralité maritime du Nord, que de la république française et de ses alliés. Et si, par suite de cette détermination, Sa Majesté le roi des Deux-Siciles se trouvait exposée aux attaques des Turcs ou des Anglais, la république française s'engage à mettre à la disposition de Sa Majesté, et d'après sa demande, pour être employé dans ses Etats, un nombre de troupes égal à celui qui lui serait auxiliairement envoyé par Sa Majesté Impériale de Russie.

4. Sa Majesté le roi des Deux-Siciles renonce à perpétuité, pour elle et ses successeurs, premièrement à Porto-Longone dans l'ile d'Elbe, et à tout ce qui pouvait lui appartenir dans cette ile; secondement aux États des présides de la Toscane, et elle les cède, ainsi que la principauté de Piombino (tous situés sur la mer du grand-duché), à la république française, qui pourra en disposer à son gré.

5. La république française et Sa Majesté le roi des DeuxSiciles s'engagent à donner réciproquement mainlevée du séquestre de tous effets, revenus, biens confisqués, bien saisis ou retenus sur les citoyens ou sujets de l'une ou de l'autre puissance, par suite de la guerre actuelle, et à les admettre respectivement à l'exercice légal des actions et droits qui pourraient leur appartenir.

6. Afin de faire disparaitre toute trace de malheurs particuliers qui ont signalé la guerre actuelle, et pour donner à la paix rétablie la stabilité que l'on ne peut attendre que d'un oubli général du passé, la république française renonce à toute poursuite par rapport aux faits dont elle peut avoir eu à se plaindre; et le roi, voulant, de son côté, réparer les malheurs occasionnés par les troubles qui ont eu lieu dans ses États, s'engage à faire

Italie.

payer, dans trois mois, à compter du jour de l'échange des 1801 — an ix ratifications du présent traité, une somme de 5 millions, qui sera partagée entre les agents et les citoyens français qui ont été particulièrement victimes des désordres arrivés à Naples, à Viterbe et dans d'autres points de l'Italie méridionale, par le fait des Napolitains.

7. Sa Majesté Sicilienne s'engage aussi à permettre que tous ceux de ses sujets qui n'auraient été poursuivis, bannis ou forcés des'expatrier volontairement que pour des faits relatifs au séjour des Français dans le royaume de Naples, retournent librement dans leurs pays, et soient réintégrés dans leurs biens. Sa Majesté promet également que toutes les personnes, actuellement détenues à raison des opinions politiques qu'elles ont manifestées, seront incessamment remises en liberté.

8. Sa Majesté le roi des Deux-Siciles s'engage à faire restituer à la république française les statues, tableaux et autres objets d'art qui ont été enlevés à Rome par les troupes napolitaines.

9. Le présent traité est déclaré commun aux républiques batave, cisalpine et ligurienne.

10. Le présent traité sera ratifié et les ratifications échangées dans l'espace de trente jours pour tout délai.

Fait et signé à Florence, le 7 germinal an 1x de la république française (28 mars 1801).

ALQUIER; Ant. de MICHEROUX.

Trois jours après la signature de ce traité, le général Soult, commandant une des divisions de l'armée de Murat, se mit en marche avec un corps de 12,000 hommes pour occuper les places et les ports de l'Adriatique. Bonaparte, qui attachait la plus grande importance à cette occupation, et préludait ainsi à son grand système continental contre le commerce de l'Angleterre, envoya au général Murat les instructions les plus détaillées. Il lui recommandait, entre autres choses, de faire fortifier la belle rade et le port de Tarente, d'où il espérait pouvoir faire parvenir des secours à l'armée d'Égypte.

Le premier consul ordonna également à Murat de faire sur-lechamp toutes les dispositions nécessaires pour se rendre maître de l'ile d'Elbe, cédée, comme on vient de le voir, par le roi de

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