Images de page
PDF
ePub

4801an IX

l'amiral fit signal de former à l'ordre de front pour arriver au Méditerran. détroit; et sa frégate, passant en avant de la ligne, alluma ses fanaux. L'escadre manœuvra d'abord en assez bon ordre dans l'obscurité; mais bientôt il ne fut plus permis à des bâtiments d'une marche et d'une voilure si inégale de s'observer mutuellement et de conserver leur poste.

L'amiral anglais, qui était resté en panne au vent de l'escadre combinée jusqu'à la chute du jour, força alors de voiles pour l'atteindre. Vers onze heures, il ordonna au Superbe d'attaquer les vaisseaux d'arrière-garde. Ce vaisseau, passant entre les trois-ponts espagnols le Real Carlos et l'Hermenegilde, cha ses bordées de tribord et de bâbord sur l'un et sur l'autre ; et, forçant de voiles, il se porta sur le Saint-Antoine, déjà attaqué par le César. Les deux trois-ponts, qui, dans l'obscurité, n'avaient point aperçu le changement de position du vaisseau anglais, croyant, l'un et l'autre, riposter à son feu, se prirent réciproquement pour ennemis, et se livrèrent un combat terrible; entraînés de plus en plus dans cette funeste erreur, ils s'aborderent; le vent fraîchit tout à coup et devint impétueux; le feu se déclara à bord du Real Carlos; les flammes qui le dévoraient gagnèrent l'Hermenegilde, qui ne put s'en séparer. A ce moment, les deux escadres étaient mêlées. Amis et ennemis, témoins de ce désastre, ignorant quelles en étaient les victimes, tous s'éloignaient de cet effrayant incendie : les deux vaisseaux sautèrent à vingt minutes de distance. Cette double explosion retentit au loin, et produisit dans Cadix l'effet d'un tremblement de terre : 300 hommes seulement, de 2,000 qui composaient les équipages de ces deux vaisseaux, purent échapper à la mort, en se jetant dans les embarcations; mais, pour comble de malheur, ils abordèrent le Saint-Antoine au moment où celui-ci amenait son pavillon au César et au Superbe qui l'avaient entièrement démåté. La frégate la Sabine, attirant l'attention de l'ennemi par ses feux à tête de mât (signal de ralliement), fut vivement canonnée par l'ennemi pendant cette nuit désastreuse. Le jour vint éclairer l'amiral espagnol sur les pertes qu'il avait faites; il rallia le reste de l'escadre, à l'exception du Formidable, dont il entendit le combat dans la partie de l'est, la brise étant au sud-est. Don Juan Moreno fit former une prompte ligne de

bataille, et sans égard aux postes, pour aller au secours du 1804 — 21 IX vaisseau, se dirigeant sur la fumée qu'il apercevait.

Le Formidable, qui était ainsi engagé avec l'ennemi, n'avait pu, dans l'obscurité de la nuit, avec des tronçons de mâts, ses seules basses voiles et un équipage réduit à un nombre d'hommes insuffisant, suivre le mouvement de l'escadre combinée. A minuit, il fut joint par cinq vaisseaux ennemis, et essuya leur feu : ils tiraient à boulets rouges. Le capitaine Troude, commandant du Formidable, défendit de riposter; et, voyant que les Anglais portaient trois feux de reconnaissance à la corne, il fit hisser les mêmes feux, et réussit ainsi à se dégager en se laissant culer. A une heure du matin, il avait perdu de vue l'escadre combinée; et, s'estimant par le travers de Tanger', il manœuvra pour ralher la terre et se trouver devant Cadix à la pointe du jour. A quatre heures du matin, il aperçut dans ses eaux quatre bâtiments, qu'il reconnut pour ennemis : c'était en effet une partie de l'escadre anglaise : le César, monté par l'amiral Saumarez, le Vénérable, le Superbe et la frégate la Tamise. Le brave Troude se disposa au combat, et renforça ses batteries par les hommes des gaillards. Il fut joint d'abord par le Vénérable et la Tamise: le premier envoya sa volée par la hanche de bâbord, et le Formidable arriva pour serrer cet adversaire au feu : le combat le plus vif s'engagea vergue à vergue, et souvent à longueur d'écouvillon. Le capitaine français ordonna de mettre jusqu'à trois boulets dans chaque canon. La Tamise le battai en poupe; mais ses canons de retraite ripostaient à ce feu. Les deux autres vaisseaux ennemis arrivèrent successivement, et, ne pouvant doubler le Formidable au vent, ils prirent position par sa hanche de båbord. Les premières volées du vaisseau français démátèrent le vénérable de son perroquet de fougue, et bientôt après de son grand mât : l'anglais laissa arriver; mais Troude le suivit dans ce mouvement pour le battre en poupe, en même temps qu'il faisait canonner le César, qui, se trouvant de l'avant du Vénérable, ne pouvait riposter pas un boulet français n'était perdu. Dans cette position, le Vénérable perdit encore son mât de misaine.

Sur la côte d'Afrique.

Méditer an.

1801 an IX Mediterran.

Troude fit diriger ensuite tout son feu sur le César, le serrant le plus près possible; après demi-heure d'engagement, quoique l'anglais, qui avait toutes ses voiles, dépassât le Formidable, et forçât celui-ci à manœuvrer pour le tenir par son travers, le César abandonna la partie, arriva en désordre, prit les armures à bâbord, et rejoignit le Vénérable, auquel la Tamise portait des secours. Il restait encore à combattre le Superbe, qui était par la joue de bâbord du vaisseau français; mais l'anglais laissa arriver, passa sous le vent au Formidable, hors de portée, et rejoignit les autres bâtiments.

A sept heures du matin, le capitaine Troude était maître du champ de bataille. Il fit monter dans les batteries le reste des boulets, qui pouvaient lui faire tenir encore une heure de combat, rafraîchir le vaillant équipage qui l'avait si bien secondé, et réparer son gréement; ses voiles étaient en lambeaux; la brise de terre avait cessé, et il se trouvait en calme, à portée de canon de l'escadre ennemie, dont les embarcations étaient alors occupées à secourir le Vénérable. Ce vaisseau avait encore démâté de son mât d'artimon, et les courants le portaient à la côte. A dix heures, le vent ayant fraîchi, la Tamise essaya de prendre ce même vaisseau à la remorque; mais, ne pouvant se relever, il fut s'échouer entre l'ile de Léon et la pointe SaintRoch, à deux ou trois lieues de Cadix.

Le capitaine Troude présumait que l'ennemi allait recommencer le combat, et il fit tout disposer pour le recevoir. Officiers et matelots, tous désiraient ardemment avoir une seconde occasion de prouver leur dévouement et leur intrépidité aux nombreux spectateurs, qui, de Cadix et de l'île de Léon, attendaient l'issue de cette lutte inégale; mais l'ennemi n'osa point s'y engager, bien que l'escadre combinée fût encore éloignée de cinq lieues; il fit route pour le détroit, abandonnant son vaisseau à la côte. Troude avait ordonné au commandant de quatre chaloupes canonnières espagnoles, qui étaient venues le joindre de la rade de Cadix, d'amariner le Vénérable; cet officier n'obéit point. Enfin, à deux heures du soir, le digne capitaine français entra dans le port de Cadix aux acclamations de toute la population de cette ville, dont une grande partie, comme nous venons de le dire, avait été témoin du glorieux

Méditerran.

combat qu'il avait soutenu le matin. Le reste de la flotte com- 1801 — antx binée mouilla aussi à Cadix, vers le soir de cette même journée du 13 juillet. L'amiral Saumarez, après avoir réparé son escadre avec cette activité et cette promptitude si familières aux Anglais dans leurs travaux maritimes, ne tarda point à reprendre sa station devant Cadix.

La perte des deux plus beaux vaisseaux de la marine espagnole, dit le général Mathieu Dumas, causa dans le royaume une consternation générale. La nouvelle de cet événement, dont l'histoire des guerres maritimes n'offre aucun autre exemple, parvint en Angleterre en même temps que celle du combat d'Algésiras, et balança la fâcheuse impression qu'aurait causée ce dernier événement s'il eût été isolé. On fit honneur à l'heureux Saumarez de sa manœuvre au vent de l'escadre combinée, et du désordre qu'il y jeta pendant la nuit par son attaque audacieuse au milieu du détroit la prise du Saint-Antoine, désemparé sous le feu de deux vaisseaux anglais dans la funeste nuit du 12 au 13, compensa la perte de l'Annibal; mais la victoire remportée par l'amiral Linois devant Algésiras et le beau combat du capitaine Troude dans le détroit assurèrent au pavillon français la gloire de cette courte et mémorable campagne de mer.

:

Préparatifs et menaces d'une descente en Angleterre ; attaques infructueuses de l'amiral Nelson contre la flottille française devant Boulogne, etc., etc. Nous avons parlé, au commencement de ce volume, des dispositions prises par le premier consul contre l'Angleterre immédiatement après la signature du traité de Lunéville; nous avons dit que l'ancien projet d'une descente sur le territoire britannique avait été reproduit et accueilli avec enthousiasme, et que des démonstrations allaient être faites assez sérieusement pour que l'on crût à la possibilité de son exécution. L'entière pacification du continent permettait à Bonaparte de se livrer presque exclusivement à cet objet. Le port de Boulogne fut choisi pour être le point central de tous les armements. Un arrêté du premier consul, à la date du 12 juillet, organisa neuf divisions de bâtiments légers, et il désigna un pareil nombre de bataillons tirés de l'armée du Rhin et de la Hollande, ainsi que des détachements d'artillerie, pour faire

[ocr errors][merged small]

France

1801

- an IX

le service sur cette flottille, dont le contre-amiral la ToucheFrance. Tréville, officier distingué de l'ancienne marine, fut nommé commandant en chef. Les troupes embarquées furent exercées aux manœuvres de mer, au service de l'artillerie, aux abordages, au débarquement.

Ces apprêts, exagérés par la renommée, répandirent d'abord l'alarme en Angleterre. La première apparition des troupes sui les côtes de la Manche fit croire à la réunion d'une armée imposante, destinée à envahir incessamment le sol de la GrandeBretagne. Quoique plus de trente vaisseaux de ligne et un trèsgrand nombre de frégates et de bricks fussent alors employés à observer les côtes de France et de la Hollande, depuis le Texel jusqu'au golfe de Biscaye, le cabinet de Saint-James pensa qu'il fallait encore pourvoir à la défense des points qui semblaient être plus particulièrement et plus prochainement menacés. Il ordonna la construction d'un grand nombre de chaloupes canonnières et de bombardes, qui furent placées à l'entrée des ports et à l'embouchure des rivières. Il fit armer les vaisseaux de la compagnie des Indes qui ne servaient point au commerce; les forces dont on pouvait disposer furent augmentées; un appel général fut fait à tous les corps de volontaires, qui furent rassemblés et exercés; le duc d'York, général en chef des armées britanniques, publia des instructions pour régler le mouvement de ces troupes dans le cas d'une invasion de la part des Français; enfin le gouvernement anglais crut devoir mettre en œuvre la mesure de la levée en masse : on répandit parmi le peuple des écrits pour exciter toute la population à prendre les armes en cas d'une invasion subite.

Il résulta de tout cet appareil d'attaque et de défense un dispendieux et inutile simulacre de guerre, dont le théâtre était restreint à cet espace de côtes compris entre Calais et l'embouchure de la Somme. Les bâtiments de la flottille française, dispersés dans différents ports, et qui devaient tous se réunir à Boulogne, ne pouvaient prendre le large pour doubler les caps, les pointes ou les bancs, selon les courants et les marées, sans être chassés ou canonnés par les frégates anglaises et les autres moindres bâtiinents de guerre dont la Manche était couverte. Les Français serraient alors la côte pour chercher un

« PrécédentContinuer »