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ciations ouvertes à cet effet à Paris entre le ministre Talleyrand et l'ambassadeur du sultan, Esseyd-Ali-Effendi, le premier consul avait reçu la nouvelle de la capitulation du Caire par le général Belliard, et s'était dès lors convaincu de l'impossibilité de conserver l'Egypte. Certain désormais de l'inutilité des efforts qu'il pourrait diriger de ce côté, il s'attacha à faire valoir l'entière évacuation de ce beau théâtre des exploits français. La négociation était sur le point d'être terminée, lorsque, le 7 octobre, le consul reçut la nouvelle de la capitulation d'Alexandrie. Sentant toute l'influence qu'un pareil événement allait avoir, il pressa tellement la conclusion du traité, que l'envoyé turc le signa le 9 octobre, avant d'avoir eu connaissance du nouvel incident qui aurait pu changer les dispositions de son gouvernement. Telle était la teneur de cette convention, qui n'offrait à la Porte aucun autre avantage que ceux qu'elle avait déjà par suite des deux capitulations dont nous venons de parler :

« Art. 1. Il y aura paix et amitié entre la république française et la Sublime Porte Ottomane; en conséquence de quoi les hostilités cesseront entre les deux puissances, à dater de l'échange et des ratifications des présents articles préliminaires. Immédiatement après ledit échange, la province de l'Égypte sera évacuée par l'armée française, et restituée à la Sublime Porte Ottomane, dont le territoire et les possessions seront maintenus dans leur intégrité, tels qu'ils étaient avant la guerre actuelle.

« Il est entendu qu'après l'évacuation, les concessions qui pourraient être faites en Égypte aux autres puissances seront communes aux Français.

« 2. La république française reconnaît la constitution des Sept-Iles unies et des pays ex-vénitiens situés sur le continent : elle garantit le maintien de cette constitution. La Sublime Porte Ottomane accepte et reconnaît à cet effet la garantie de la république française, ainsi que celle de la Russie.

3. Il sera pris des arrangements définitifs entre la république française et la Sublime Porte Ottomane, relativement aux biens et effets des sujets et citoyens respectifs, confisqués ou séquestrés pendant la guerre. Les agents publics et com

merciaux, et les prisonniers de guerre de tous grades, seront mis en liberté immédiatement après la ratification des présents articles préliminaires.

« 4. Les traités qui existaient avant la présente guerre, entre la France et la Sublime Porte Ottomane, sont renouvelés en entier. En conséquence de ce renouvellement, la république française jouira, dans toute l'étendue des États de Sa Hautesse, des droits de commerce et de navigation dont elle jouissait autrefois, et de ceux dont pourront jouir à l'avenir les nations les plus favorisées. Les ratifications seront échangées à Paris dans l'espace de quatre-vingts jours.

<< Fait à Paris, le 17 vendémiaire an x de la république française, ou le 1er du mois gemasy-ul-ahir 1216 de l'hégire.

« Signé Ch.-Maur. TALLEYRAND;

« ESSEYD-ALI-EFFENDI. »

Après ce traité avec la Porte Ottomane, on vit paraître le traité conclu quelques mois auparavant avec l'électeur palatin de Bavière. Il renfermait la renonciation formelle de la maison de Bavière aux droits de souveraineté exercés jusqu'alors par elle sur les duchés de Juliers et de Deux-Ponts et sur les bailliages du palatinat du Rhin situés sur la rive gauche de ce fleuve, et dont le traité de Lunéville avait d'avance assuré la possession à la France. On pouvait regarder ce traité comme surabondant; mais le premier consul, jaloux de donner à ses transactions politiques la solidité dont elles étaient susceptibles, avait voulu obvier à toutes réclamations subséquentes, en obtenant le consentement formel de l'électeur de Bavière. Celui-ci, de son côté, s'était d'autant mieux prêté à cet arrangement, que, regardant dès lors la France comme plus puissante que l'Empire, il s'armait de sa protection, et l'engageait en quelque sorte à garantir l'intégralité de ses possessions sur la rive droite du Rhin. Cette politique de l'électeur de Bavière, un des princes les plus remarquables du siècle, était bien calculée, puisque c'est à elle qu'il dut le titre de roi, dont il jouit encore aujourd'hui et que l'amitié seule du premier consul lui a fait obtenir.

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Nous n'avons point parlé d'un autre traité qui fut conclu, à la fin de l'année 1800, entre la France et les États-Unis d'Amérique, attendu que cette transaction n'a qu'un rapport trèséloigné avec notre objet, qui est de présenter les résultats politiques obtenus par les victoires dont nous avons entrepris le récit : elle était destinée à consacrer les droits des neutres pendant l'état de guerre. Le premier consul avait voulu présenter à l'Europe le modèle des principes maritimes qu'il convenait de faire prévaloir, et dont l'application était diamétralement opposée à la domination exclusive de l'Angleterre; mais il n'avait pas pu obtenir des Américains la renonciation à leur traité de 1794 avec les Anglais, c'est-à-dire qu'ils désavouassent le droit de visite des bâtiments de commerce qu'ils avaient reconnu et accordé aux Anglais par le même traité.

CHAPITRE XXII

ANNÉES 1802 ET 1803.

Changements dans le gouvernement des républiques batave, helvétique et cisalpine. Traité de paix d'Amiens entre la république française, l'Angleterre, l'Espagne et la république batave. Concordat avec le pape; consulat à vie; instruction publique; institution de la Légion d'honneur. Précis de l'expédition de Saint-Domingue, etc.

Changements dans le gouvernement des républiques ba- 1802 - an x tave, helvétique et cisalpine, etc. Pendant que le premier

consul rétablissait les relations politiques de la France avec les souverains de l'Europe, il ne travaillait pas avec une moindre activité à étendre et à consolider son influence sur les États voisins et alliés qui avaient suivi les différentes phases de la révolution française dans leur marche administrative, et que l'ancien Directoire avait assez ingénieusement nommés les satellites de la grande république. La Suisse, la Hollande, la Lombardie, avaient encore la même forme de gouvernement qui leur avait été imposée lors de la conquête de leur territoire, et ne se trouvaient plus par conséquent en harmonie avec la France soumise au régime consulaire. Il était d'autant plus nécessaire d'apporter dans l'administration de ces pays les changements réclamés par la politique, qu'ils étaient dans l'intérêt spécial des citoyens qui les habitaient. Les moteurs et les partisans des révolutions opérées en Suisse, en Hollande et en Lombardie, avaient conservé les anciennes allures de la république mère, et, sous le prétexte de conserver la liberté, ils étaient devenus presque tous les oppresseurs de leurs concitoyens. Leurs intrigues et leurs excès réagissaient jusque sur la France, et entretenaient parmi les révolutionnaires déchus l'espérance de ressaisir tôt ou tard leur influence et d'exploiter encore l'autorité à leur profit. Bonaparte ne pouvait pas

an X

1802 ignorer ces menées et ces associations secrètes, et c'est pour y mettre fin et pour abattre toutes les têtes de l'hydre démocratique qu'il s'appliqua, aussitôt qu'il en eut le loisir, à favoriser les changements qu'un parti plus nombreux et moins tumultueux que les autres sollicitait dans les trois pays ci-dessus désignés.

La Hollande donna le premier exemple. La révolution de ce pays, préparée à Paris par l'ambassadeur Schimmelpenninck, et calquée sur celle du 18 brumaire, fut favorisée par le directoire exécutif batave lui-même. Une constitution rédigée à la hâte ayant été rejetée par les deux conseils du corps législatif, composés d'un très-grand nombre de partisans de la démocratie, le directoire déclara la dissolution de ces deux chambres, ferma le local de leurs séances, délia le bataillon qui les gardait du serment de fidélité à l'ancienne constitution, et remplaça tous les chefs des diverses administrations par des hommes dont les principes modérés étaient connus. Les troupes françaises, mises à la disposition des conjurés, eurent la plus grande part à ces mesures vigoureuses. La nouvelle constitution imposée à la Hollande se rapprochait beaucoup de celle des anciennes Provinces-Unies. Le corps législatif, composé de trente-cinq membres, rappelait les anciens états généraux, et les départements n'étaient autres que les Provinces-Unies, sous une autre dénomination. Le conseil d'État, composé de douze membres, dont le président devait être élu tous les trois mois, avait les mêmes pouvoirs et les mêmes attributions que l'ancien stathouder. Ce changement de gouvernement délivra les Hollandais d'une partie de l'armée française d'occupation, qui s'y trouvait depuis la conquête. Bonaparte, satisfait de la manière dont la révolution s'était opérée dans ce pays, n'y laissa qu'un corps de 6 à 8,000 hommes.

Le premier consul dirigea ensuite son attention sur la Suisse. En proie depuis deux ans à des révolutions continuelles fomentées par les différentes factions qui les divisaient, les Helvétiens vivaient dans une espèce d'anarchie; l'antique constitution de leur pays, premier modèle des constitutions libres dans l'Europe moderne, avait été remplacée par des essais de gouvernement plus monstrueux les uns que les autres, et qui, n'étant appro

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