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donnera de meilleurs fujets que le choix du prince. Enfin, la manière de s'avancer par les richeffes infpire & entretient l'induftrie; chofe dont cette espèce de gouvernement a grand befoin.

CINQUIÈME QUESTION. Dans quel gouver nement faut-il des cenfeurs? Il en faut dans une république, où le principe du gouvernement eft la vertu. Ce ne font pas feulement les crimes qui détruifent la vertu, mais encore les négli gences, les fautes, une certaine tiédeur dans l'amour de la patrie, des exemples dangereux, des femences de corruption; ce qui ne choque point les loix, mais les élude; ce qui ne les détruit pas, mais les affoiblit; tout cela doit être corrigé par les cenfeurs.

On eft étonné de la punition de cet aréopagite, qui avoit tué un moineau qui, poursuivi par un épervier, s'étoit réfugié dans fon fein. On eft furpris que l'aréopage ait fait mourir un enfant qui avoit crevé les yeux à fon oifeau. Qu'on faffe attention qu'il ne s'agit point là d'une condamnation pour crime, mais d'un jugement de mœurs dans une république fondée fur les

mœurs.

Dans les monarchies il ne faut point de cenfeurs elles font fondées fur l'honneur, & la nature de l'honneur eft d'avoir pour cenfeur tout l'univers. Tout homme qui y manque, eft foumis aux reproches de ceux mêmes qui n'en ont point.

Là, les cenfeurs feroient gâtés par ceux mêmes qu'ils devroient corriger. Ils ne feroient pas bons contre la corruption d'une monarchie; mais la corruption d'une monarchie feroit trop forte

contr'eux.

On fent bien qu'il ne faut point de cenfeurs dans les gouvernemens defpotiques. L'exemple de la Chine femble déroger à cette règle: mais nous verrons, dans la fuite de cet ouvrage, les raifons fingulières de cet établiffement.

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LIVRE VI.

Conféquences des principes des divers gouvernemens, par rapport à la fimplicité des Loix civiles & criminelles, la forme des jugemens, & l'établifement des peines.

CHAPITRE PREMIER. De la fimplicité des Loix civiles dans les divers gouvernemens.

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E gouvernement monarchique ne comporte pas des loix auffi fimples que le defpotique. Il y faut des tribunaux. Ces tribunaux donnent des décifions; elles doivent être confervées; elles doivent être apprifes, pour que l'on y juge aujourd'hui comme l'on y jugea hier, & que la propriété & la vie des citoyens y foient affurées & fixes comme la conftitution même de l'état.

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Dans une monarchie l'adminiftration d'une juftice qui ne décide pas feulement de la vie & des biens, mais auffi de l'honneur, demande des recherches fcrupuleufes. La délicateffe du juge augmente à mesure qu'il a un plus grand dépôt, & qu'il prononce fur de plus grands

intérêts.

Il ne faut donc pas être étonné de trouver dans les loix de ces états tant de règles, de reftrictions, d'extenfions qui multiplient les cas particuliers, & femblent faire un art de la raifon même.

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La différence de rang, d'origine, de condition, qui eft établie dans le gouvernement monarchique, entraîne fouvent des diftinctions dans la nature des biens; & des loix, relatives à la conftitution de cet étát, peuvent augmenter le nombre de ces diftinctions. Ainfi parmi nous, biens font propres, acquêts ou conquêts; dotaux, paraphernaux ; paternels & maternels; meubles de plufieurs espèces; libres, fubftitués; du lignage ou non; nobles, en franc - aleu ou roturiers; rentes foncières, ou conftituées à prix d'argent. Chaque forte de biens eft foumife

des règles particulières; il faut les fuivre pour en difpofer: ce qui ôte encore de la fimplicité.

Dans nos gouvernemens, les fiefs font devenus héréditaires. Il a fallu que la nobleffe eût une certaine confiftance, afin que le propriétaire du fief fût en état de fervir le prince. Cela a dâ

produire bien des variétés par exemple, il y a des pays où l'on n'a pu partager les fiefs entre i les frères; dans d'autres, les cadets ont pu avoir leur subsistance avec plus d'étendue.

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Le monarque, qui connoît chacune de fes provinces, peut établir diverfes loix, ou fouffrie différentes coutumes. Mais le defpote ne connoît rien, & ne peut avoir d'attention fur rien; il lui faut une allure générale; il gouverne par une volonté rigide qui eft par-tout la même; tout s'applanit fous fes pieds.

A mesure que les jugemens des tribunaux fe multiplient dans les monarchies, la jurisprudence fe charge de décifions, qui quelquefois fe contredifent; ou parce que les juges qui fe fuccèdent penfent différemment; ou parce que les affaires font tantôt bien, tantôt mal défendues; ou enfin par une infinité d'abus qui se gliffent dans tout ce qui paffe par la main des hommes. C'est un mal néceffaire, que le législateur corrige de tems en tems, comme contraire même à l'efprit des gouvernemens modérés. Car quand on eft obligé de recourir aux tribunaux, il faut que cela vienne de la nature de la conftitution, & non pas des contradictions & de l'incertitude des loix.

Dans les gouvernemens où il y a néceffairement des distinctions dans les perfonnes, il faut qu'il y ait des privilèges. Cela diminue encore la fimplicité, & fait mille exceptions.

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