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feul étoit le plus conforme à la nature. Mais P'exemple du pouvoir paternel ne prouve rien. Car fi le pouvoir du père a du rapport au gou vernement d'un feul, après la mort du père, le pouvoir des frères, ou, après la mort des frères, celui des coufins germains, ont du rapport au gouvernement de plufieurs. La puiffance politique comprend néceffairement l'union de plufieurs familles.

Il vaut mieux dire que le gouvernement le plus conforme à la nature, eft celui dont la difpofition particulière fe rapporte mieux à la difpofition du peuple pour lequel il eft établi

Les forces particulières ne peuvent fe réunir, fans que toutes les volontés fe réuniffent. Là réunion de ces volontés, dit encore très-bien GRAVINA, eft ce qu'on appelle l'ÉTAT CIVIL.

La loi, en général, est la raison humaine, en tant qu'elle gouverne tous les peuples de la terre, & les loix politiques & civiles de chaque nation, ne doivent être que les cas particuliers où s'applique cette raifon humaine.

Elles doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles font faites , que c'est un trèsgrand hafard fi celles d'une nation peuvent convenir à une autre.

Il faut qu'elles fe rapportent à la nature & au principe du gouvernement qui eft établi, ou qu'on veut établir; foit qu'elles le forment, comme

font les loix politiques; foit qu'elles le maintiennent, comme font les loix civiles.

Elles doivent être relatives au phyfique du pays, au climat glacé, brûlant ou tempéré; à la qualité du terrain, à fa fituation, à fa grandeur; au genre de vie des peuples, labou reurs, chaffeurs, ou pafteurs: elles doivent fe rapporter au degré de liberté que la conftitu tion peut fouffrir; à la religion des habitans, à leurs inclinations, à leurs richeffes, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs, à leurs manières. Enfin, elles ont des rapports entr'elles; elles en ont avec leur origine, avec l'objet du législateur, avec l'ordre des chofes fur lesquelles elles font établies. C'est dans toutes ces vues qu'il faut les confidérer.

C'est ce que j'entreprends de faire dans cet ouvrage. J'examinerai tous ces rapports: ils forment tous enfemble ce que l'on appelle l'ESPRIT DES LOIX.

Je n'ai point féparé les loix politiques des civiles : Car comme je ne traite point des loix, mais de l'efprit des loix; & que cet efprit confifte dans les divers rapports que les loix peuvent avoir avec diverfes chofes ; j'ai dû moins fuivre l'ordre naturel des loix, que celui de ces rapports & de ces chofes.

J'examinerai d'abord les rapports que les loix ont avec la nature & avec le principe de chaque

gouvernement: & comme ce principe a fur les loix une fuprême influence, je m'attacherai à le bien connoître; & fi je puis une fois l'établir, on en verra couler les loix comme de leur fource. Je pafferai enfuite aux autres rapports qui femblent être plus particuliers.

LIVRE I I.

Des Loix qui dérivent directement de la nature du gouvernement.

CHAPITRE PREMIER.

De la nature des trois divers gouvernemens.

IL

y a trois espèces de gouvernement, le RÉPUBLICAIN, le MONARCHIQUE, & le DESPOTIQUE. Pour en découvrir la nature, il fuffit de l'idée qu'en ont les hommes les moins inftruits. Je fuppofe trois définitions, ou plutôt trois faits: l'un que le gouvernement républicain eft celui où le peuple en corps, ou feulement une partie du peuple, a la fouveraine puiffance : le monarchique, celui où un feul gouverne, mais par des loix fixes & établies ; au lieu que dans le defpotique, un feul,

fans loi & fans règle, entraîne tout par fa volonté & par fes caprices.

Voilà ce que j'appelle la nature de chaque gouvernement. Il faut voir quelles font les loix qui faivent directement de cette nature, & qui par conféquent font les premières loix fonda mentales.

CHAPITRE II.

Du gouvernement républicain, & des Loix relatives à la démocratie.

LORSQU

ORSQUE dans la république, le peuple en corps a la fouveraine puiffance, c'est une démo cratie. Lorfque la fouveraine puiffance est entre les mains d'une partie du peuple, cela s'appelle une ariftocratie.

Le peuple, dans la démocratie, est à certains égards le monarque; à certains autres, il eft le fujet.

Il ne peut être monarque que par les fuffrages qui font fes volontés. La volonté du fouverain eft le fouverain lui-même. Les loix qui établiffent le droit de fuffrage, font donc fondamentales dans ce gouvernement. En effet, il eft auffi important d'y régler comment, par qui, à qui, fur quoi les fuffrages doivent être donnés, qu'il l'eft dans une monarchie de favoir quel eft le monarque, & de quelle manière il doit gouverner.

LIBANIUS dit, qu'à Athènes un étranger qui fe méloit dans l'affemblée du peuple, étoit puni de mort. C'eft qu'un tel homme ufurpoit le droit de fouveraineté.

Il eft effentiel de fixer le nombre des citoyens qui doivent former les affemblées; fans cela on

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