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» Sous le règne d'Arcadius, dit Zozime, lɛ nation des calomniateurs fe répandit, entoura » la cour, & l'infecta. Lorfqu'un homme étoit » mort, on fuppofoit qu'il n'avoit point laiffe » d'enfans; on donnoit fes biens par un refcript. » Car comme le prince étoit étrangement ftu» pide, & l'impératrice entreprenante à l'excès,

elle fervoit l'infatiable avarice de fes domesti »ques & de fes confidentes; de forte que, pour » les gens modérés, il n'y avoit rien de plus defirable que la mort.

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Il y avoit autrefois, dit Procope, fort peu de gens à la cour; mais fous Juftinien, comme » les juges n'avoient plus la liberté de rendre justice, leurs tribunaux étoient déferts, tandis que le palais du prince retentiffoit des clameurs » des parties qui y follicitoient leurs affaires. » Tout le monde fait comment on y vendoit les jugemens & même les loix.

Les loix font les yeux du prince; il voit par elles ce qu'il ne pourroit pas voir fans elles. Veut-il faire la fonction des tribunaux? Il tra vaille, non pas pour lui, mais pour les féducteurs Contre lui,

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CHAPITRE VI.

Que dans la monarchie les miniftres ne doivent pas juger.

C'EST

'EST encore un grand inconvénient dans la monarchie, que les miniftres du prince jugent eux-mêmes les affaires contentieufes. Nous voyons encore aujourd'hui des états où il y a des juges fans nombre pour décider les affaires fifcales, & où les miniftres, qui le croiroit! veulent encore les juger. Les réflexions viennent en foule ; je ne ferai que celle-ci.

Il y a, par la nature des chofes, une espèce de contradiction entre le confeil du monarque & fes tribunaux. Le confeil des rois doit être composé de peu de perfonnes, & les tribunaux de judicature en demandent beaucoup. La raison en eft que dans le premier, on doit prendre les affaires avec une certaine paffion, & les fuivre de même; ce qu'on ne peut guère espérer que de quatre ou cinq hommes qui en font leur affaire. Il faut au contraire des tribunaux de judicature de fang - froid, & à qui toutes les affaires foient en quelque façon indifférentes,

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UN tel magiftrat ne peut avoir lieu que dans

le gouvernement defpotique. On voit dans l'histoire romaine, à quel point un juge unique peut abufer de fon pouvoir. Comment Appius, fur fon tribunal, n'auroit-il pas méprifé les loix, puifqu'il viola même celle qu'il avoit faite? Tite - Live nous apprend l'inique diftinction du décemvir. Il avoit apofté un homme qui réclamoit devant lui Virginie comme fon efclave; les parens de Virginie lui demandèrent qu'en vertu de fa loi on la leur remit jufqu'au jugement définitif. Il déclara que fa loi n'avoit été faite qu'en faveur du père ; & que Virginius étant abfent, elle ne pouvoit avoir d'application.

CHAPITRE VIII.

Des accufations dans les divers goue

vernemens.

A Rome, il étoit permis, à un citoyen d'en accu

fer un autre ; cela étoit établi felon l'efprit de la république, où chaque citoyen doit avoir pour le bien public un zèle fans bornes, où chaque citoyen eft cenfé tenir tous les droits de la patrie dans fes mains. On fuivit, fous les empereurs, les maximes de la république; & d'abord on vit paroître un genre d'hommes funeftes, une troupe de délateurs. Quiconque ayoit bien des vices & bien des talens, une ame bien baffe & un efprit ambitieux, cherchoit un criminel dont la condamnation pût plaire au prince; c'étoit la voie pour aller aux honneurs & à la fortune, chofe que nous ne voyons point parmi nous.

Nous avons aujourd'hui une loi admirable; c'est celle qui veut que le prince, établi pour faire exécuter les loix, prépofe un officier dans chaque tribunal, pour pourfuivre, en fon nom, tous les crimes de forte que la fonction des déla teurs eft inconnue parmi nous; & fi ce vengeur public étoit foupçonné d'abuser de fon ministère, on l'obligeroit de nommer fon dénonciateur.

Dans les loix de Platon, ceux qui négligent d'avertir les magiftrats, ou de leur donner du fecours, doivent être punis. Cela ne conviendroit point aujourd'hui. La partie publique veille pour les citoyens; elle agit, & ils font trane quilles.

CHAPITRE IX.

De la févérité des peines dans les divers

LA

gouvernemens.

A févérité des peines convient mieux au gouvernement defpotique, dont le principe eft la terreur, qu'à la monarchie & à la république, qui ont pour reffort l'honneur & la vertu.

Dans les états modérés, l'amour de la patrie, la honte & la crainte du blâme, font des motifs réprimans, qui peuvent arrêter bien des crimes. La plus grande peine d'une mauvaise action, fera d'en être convaincu. Les loix civiles y corrigeront donc plus aifément, & n'auront pas befoin de tant de force.

Dans ces états, un bon législateur s'attachera moins à punir les crimes, qu'à les prévenir; il s'appliquera plus à donner des mœurs qu'à inffliger des fupplices.

C'est une remarque perpétuelle des auteurs

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