Images de page
PDF
ePub

chafteté des femmes y étoient telles, qu'on n'a guère jamais vu de peuple qui ait eu à cet égard une meilleure police.

CHAPITRE X.

Du tribunal domestique chez les Romains. LEs Romains n'avoient pas, comme les Grecs, des magiftrats particuliers qui euffent infpection fur la conduite des femmes. Les cenfeurs n'avoient l'oeil fur elles que comme fur le refte de la république. L'inftitution du tribunal domeftique fuppléa à la magiftrature établie chez les Grecs.

Le mari affembloit les parens de la femme;, & la jugeoit devant eux. Ce tribunal maintenoit les mœurs dans la république. Mais ces mêmes mœurs maintenoient ce tribunal. Il devoit juger non-feulement de la violation des loix, mais aufü de la violation des moeurs. Or, pour juger de la violation des mœurs, il faut en avoir.

Les peines de ce tribunal devoient être arbitraires, & l'étoient en effet; car tout ce qui regarde les mœurs, tout ce qui regarde les règles de la modeftie, ne peut guère être compris fous un code de loix. Il est aisé de régler par des loix ce qu'on doit aux autres; il eft difficile d'y comprendre tout ce qu'on fe doit à foi-même.

Le tribunal domeftique regardoit la conduite générale des femmes: mais il y avoit un crime, qui, outre l'animadverfion de ce tribunal, étois encore foumis à une accufation publique : c'étoit l'adultère; foit que dans une république une fi grande violation de mœurs intérefsât le gouver nement, foit que le déréglement de la femme pût faire foupçonner celui du mari, foit enfin que l'on craignît que les honnêtes - gens même n'aimaffent mieux cacher ce crime que le punir, l'ignorer que le venger.

CHAPITRE

XI.

Comment les inftitutions changèrent à Rome avec le gouvernement.

COMM

OMME le tribunal domeftique fuppofoit des mœurs, l'accufation publique en fuppofoit auffi, & cela fit que ces deux chofes tombèrent avec les mœurs, & finirent avec la république.

*

L'établiffement des queftions perpétuelles, c'est-à-dire, du partage de la jurisdiction entre les préteurs, & la coutume qui s'introduifit de plus en plus que ces préteurs jugeaflent euxmêmes toutes les affaires, affoiblirent l'ufage du tribunal domestique; ce qui paroît par la Surprise des hiftoriens, qui regardent comme des

faits finguliers & comme un renouvellement de la pratique ancienne, les jugemens que Tibère fix rendre par ce tribunal.

L'établiffement de la monarchie & le changement des moeurs firent encore ceffer l'accufation publique. On pouvoit craindre qu'un mal-honnête homme, piqué des mépris d'une femme, indigné de fes refus, outré de fa vertu même, ne formât le deffein de la perdre. La loi Julie ordonna qu'on ne pourroit accufer une femme adultère, qu'après avoir accufé fon mari de favorifer fes déréglemens; ce qui reftreignit beaucoup cette accufation, & l'anéantit, pour ainfi dire.

Sixte-Quint fembla vouloir renouveller l'accufation publique. Mais il ne faut qu'un peu de réflexion pour voir que cette loi, dans une monarchie telle que la fienne, étoit encore plus déplacée que dans toute autre.

CHAPITRE XII.

'De la tutelle des femmes chez les Romains.

LES

Es inftitutions des Romains mettoient les femmes dans une perpétuelle tutelle, à moins qu'elles ne fuffent fous l'autorité d'un mari, Cette tutelle étoit donnée au plus proche des pareng

par mâles; & il paroît, par une expreffion vulgaire, qu'elles étoient très-gênées. Cela étoit bon pour la république, & n'étoit point néceffaire dans la monarchie.

Il paroît, par les divers codes des loix des Barbares, que les femmes, chez les premiers Germains, étoient auffi dans une perpétuelle tutelle. Cet ufage paffa dans les monarchies qu'ils - fondèrent; mais il ne fubfifta pas.

2

[ocr errors]

CHAPITRE XII I.

Des peines établies par les Empereurs contre les débauches des femmes.

LA loi Julie établit une peine contre l'adultère.

Mais, bien loin que cette loi, & celle que l'on fit depuis là-deffus, fuffent une marque de la bonté des mœurs, elles furent, au contraire, une marque de leur dépravation.

Tout le fyftême politique à l'égard des femmes changea dans la monarchie. Il ne fut plus queftion d'établir chez elles la pureté des mœurs, mais de punir leurs crimes. On ne faifoit de nouvelles loix pour punir ces crimes, que parce qu'on ne puniffoit plus les violations, qui n'étoient point ces crimes.

L'affreux débordement des mœurs obligeoit

bien les empereurs de faire des loix pour arrêter, à un cerrain point, l'impudicité: mais leur intention ne fut pas de corriger les mœurs en général. Des faits pofitifs, rapportés par les hiftoriens, prouvent plus cela que toutes ces loix ne fauroient prouver le contraire. On peut voir dans Dion la conduite d'Augufte à cet égard; & comment il éluda, & dans fa préture & dans fa cenfure, les demandes qui lui furent faites.

On trouve bien dans les hiftoriens des jugemens rigides, rendus fous Augufte & fous Tibère, contre l'impudicité de quelques dames Romaines: mais en nous faifant connoître l'efprit de ces règnes, ils nous font connoître l'efprit de ces jugemens.

[ocr errors]

Augufte & Tibère fongèrent principalement à punir les débauches de leurs parentes. Ils ne punifloient point le déréglement des mœurs, mais un certain crime d'impiété ou de lèse - majefté qu'ils avoient inventé, utile pour le respect, ucile pour leur vengeance. De-là vient que les auteurs Romains s'élèvent fi fort contre cette tyrannie.

La peine de la loi Julie étoit légère. Les empereurs voulurent que dans les jugemens on augmentât la peine de la loi qu'ils avoient faite, Cela fut le fujet des invectives des hiftoriens. ais n'examinoient pas fi les femmes méritoient d'être punies, mais fi l'on avoit violé la lei pour les punis

« PrécédentContinuer »