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confédérés. S'il fe rendoit trop puiffant dans l'un, il alarmeroit tous les autres; s'il fubjuguoit une partie, celle qui feroit libre encore pourroit lui réfifter avec des forces indépendantes de celles qu'il auroit ufurpées, & l'accabler avant qu'il eût achevé de s'établir.

S'il arrive quelque fédition chez un des membres confédérés, les autres peuvent l'appaifer. Si quelques abus s'introduifent quelque part, ils font corrigés par les parties faines. Cet état peut périr d'un côté, fans périr de l'autre; la confédération peut être diffoute, & les confédérés refter fouverains.

Compofé de petites républiques, il jouit de la bonté du gouvernement intérieur de chacune; &, à l'égard du dehors, il a, par la force de l'affociation, tous les avantages des grandes monarchies.

CHAPITRE

II.

Que la conftitution fédérative doit être composée d'états de même nature, furtout d'états républicains.

LES Cananéens furent détruits, parce que c'étoient de petites monarchies qui ne s'étoient pas confédérées, & qui ne fe défendirent pas

en commun. C'eft que la nature des petites monarchies n'eft pas la confédération.

La république fédérative d'Allemagne eft compofée de villes libres & de petits états foumis à des princes. L'expérience fait voir qu'elle eft plus imparfaite que celle de Hollande & de Suiffe.

L'efprit de la monarchie eft la guerre & l'agrandiffement; l'efprit de la république eft la paix & la modération. Ces deux fortes de gouvernemens ne peuvent, que d'une manière forcée, fubfifter dans une république fédérative.

Auffi voyons-nous dans l'hiftoire Romaine, que lorfque les Véiens eurent choisi un roi, toutes les petites républiques de Tofcane les abandonnèrent. Tout fut perdu en Grèce, lorfque les rois de Macédoine obtinrent une place parmi les amphictions.

La république fédérative d'Allemagne, compofée de princes & de villes libres, fubfifte, parce qu'elle a un chef, qui eft en quelque façon le magiftrat de l'union, & en quelque façon le monarque.

CHAPITRE

III.

Autres chofes requises dans la république fédérative.

DANS la république de Hollande, une pro

vince ne peut faire une alliance fans le confentement des autres. Cette loi eft très-bonne, & même néceffaire, dans la république fédérative. Elle manque dans la conftitution Germanique, où elle préviendroit les malheurs qui y peuvent arriver à tous les membres; par l'imprudence, l'ambition ou l'avarice d'un feul. Une république, qui s'eft unie par une confédération politique, s'eft donnée entière, & n'a plus rien à donner.

Il est difficile que les états qui s'affocient, foient de même grandeur, & aient une puiffance égale. La république des Lyciens étoit une affociation de vingt-trois villes; les grandes avoient trois voix dans le confeil commun; les médiocres, deux; les petites, une. La république de Hollande eft compofée de fept provinces, grandes ou petites, qui ont chacune une voix.

Les villes de Lycie payoient les charges felon la proportion des fuffrages. Les provinces de Hollande ne peuvent fuivre cette proportion; Al faut qu'elles fuivent celle de leur puiffance.

En Lycie, les juges & les magiftrats des

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villes étoient élus par le confeil commun, & felon la proportion que nous avons dite. Dans la république de Hollande ils ne font point élus par le confeil commun & chaque ville nomme fes magiftrats. S'il falloit donner an modèle d'une belle république fédérative, je prendrois la république de Lycie.

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CHAPITRE IV. Comment les états despotiques pourvoient à leur sûreté.

COMME les républiques pourvoient à leur

sûreté en s'uniffant, les états defpotiques le font en fe féparant, & en fe tenant pour ainfi dire feuls. Ils facrifient une partie du pays, ravagent les frontières & les rendent défertes; le corps de l'empire devient inacceffible.

Il eft reçu en géométrie, que plus les corps ont d'étendue, plus leur circonférence eft relativement petite. Cette pratique de dévafter les frontières, eft donc plus tolérable dans les grands états que dans les médiocres.

Cet état fait contre lui-même tout le mal que pourroit faire un cruel ennemi, mais un ennemi qu'on ne pourroit arrêter.

L'état defpotique fe conferve par une autre

forte de féparation, qui fe fait en mettant les provinces éloignées entre les mains d'un prince qui en foit feudataire. Le Mogol, la Perfe, les empereurs de la Chine ont leurs feudataires; & les Turcs fe font très-bien trouvés d'avoir mis, entre leurs ennemis & eux, les Tartares, les Moldaves, les Valaques, & autrefois les Tranfilvains.

CHAPITRE

V.

Comment la monarchie pourvoit à sa sûreté. LA monarchie ne fe détruit pas elle-même

comme l'état defpotique mais un état d'une grandeur médiocre pourroit être d'abord envahi. Elle a donc des places fortes qui défendent fes frontières, & des armées pour défendre fes places fortes. Le plus petit terrain s'y difpute avec art, avec courage, avec opiniâtreté. Les états defpotiques font entr'eux des invafions; il n'y a que les monarchies qui faffent la guerre.

Les places fortes appartiennent aux monarchies; les états defpotiques craignent d'en avoir. Ils n'ofent les confier à perfonne; car perfonne n'y aime l'état & le prince.

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