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fituation la plus heureufe où l'on puiffe être; n'y ayant rien de fi commode pour un prince que d'être auprès d'un autre qui reçoit pour lui tous les coups & tous les outrages de la fortune. Et il eft rare que par la conquête d'un pareil état, on augmente autant en puiffance réelle, qu'on a perdu en puiffance relative.

C

LIVRE

X.

Des Loix, dans le rapport qu'elles ont avec la force offenfive.

CHAPITRE PREMIER,

De la force offenfive.

LA force offenfive eft réglée par le droit des

gens, qui eft la loi politique des nations confidérées dans le rapport qu'elles ont les unes avec les autres.

CHAPITRE II.

De la guerre.

LA vie des états eft comme celle des hommes.

Ceux-ci ont droit de tuer dans le cas de la défenfe naturelle; ceux-là ont droit de faire

la guerre pour leur propre confervation.

Dans le cas de la défense naturelle, j'ai droit

de tuer; parce que ma vie est à moi, comme la vie de celui qui m'attaque eft à lui : de même un état fait la guerre, parce que fa confervation eft jufte comme toute autre confer

vation.

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Entre les citoyens, le droit de la défenfe naturelle n'emporte point avec lui la néceffité de l'attaque. Au lieu d'attaquer, ils n'ont qu'à recourir aux tribunaux. Ils ne peuvent donc exercer le droit de cette défenfe, que dans les cas momentanés où l'on feroit perdu fi l'on attendoit le fecours des loix. Mais entre les fociétés, le droit de la défenfe naturelle entraîne quelquefois la néceffité d'attaquer, lorsqu'un peuple voit qu'une plus longue paix en mettroit un autre en état de le détruire; & que l'attaque eft, dans ce moment, le feul moyen d'empêcher cette deftruction.

Il fuit de là que les petites fociétés ont plus fouvent le droit de faire la guerre que les grandes, parce qu'elles font plus fouvent dans le cas de craindre d'être détruites.

Le droit de la guerre dérive donc de la néceffité & du jufte rigide. Si ceux qui dirigent la confcience, ou les confeils des princes, ne fe tiennent pas là, tout eft perdu; & lorfqu'on fe fondera fur des principes arbitraires de gloire, de bienféance, d'utilité, des flots de fang inonderont la terre,

Que l'on ne parle pas furtout de la gloire

du prince; fa gloire feroit fon orgueil; c'est une paffion, & non pas un droit légitime.

Heft vrai que la réputation de fa puiffance pourroit augmenter les forces de fon état; mais la réputation de fa juftice les augmenteroit tour de même.

CHAPITRE II I.

Du droit de conquête.

Du droit de la guerre dérive celui de con

quête, qui en eft la conféquence; il en doit donc fuivre l'efprit.

que

Lorfqu'un peuple eft conquis, le droit le conquérant a fur lui, fuit quatre fortes de loix; la loi de la nature, qui fait que tout tend à la confervation des efpèces; la loi de la lumière naturelle, qui veut que nous faffions à autrui ce que nous voudrions qu'on nous fit; la loi qui forme les fociétés politiques, qui font telles que la nature n'en a point borné la durée; enfin Ja loi tirée de la chofe même. La conquête eft une acquifition; l'efprit d'acquifition porte avec lui l'efprit de confervation & d'ufage, & non pas celui de destruction.

Un état qui en a conquis un autre, le traite d'une des quatre manières fuivantes. Il continue

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à le gouverner felon fes loix, & ne prend pour lui que P'exercice du gouvernement politique & civil; ou il lui donne un nouveau gouvernement politique & civil, ou il détruit la fociété & la difperfe dans d'autres, ou enfin il extermine tous les citoyens.

La première manière eft conforme au droit des gens que nous fuivons aujourd'hui; la quatrième est plus conforme au droit des gens des Romains fur quoi je laiffe à juger à quel point nous fommes devenus meilleurs. Il faut rendre ici hommage à nos tems modernes, à la raison préfente, à la religion d'aujourd'hui, à notre philofophie, à nos mœurs.

Les auteurs de notre droit public, fondés fur les hiftoires anciennes étant fortis des cas rigides, font tombés dans de grandes erreurs. Ils ont donné dans l'arbitraire; ils ont fuppofé dans les conquérans un droit, je ne fais quel, de tuer ce qui leur a fait tirer des conféquences terribles comme le principe; & établir des maximes que les conquérans eux-mêmes, lorfqu'ils ont eu le moindre fens, n'ont jamais prifes. Il eft clair que, lorfque la conquête eft faite, le conquérant n'a plus le droit de tuer; puifqu'il n'eft plus dans le cas de la défenfe naturelle, & de fa propre confervation.

Ce qui les a fait penfer ainsi, c'eft qu'ils ont cru que le conquérant avoit droit de détruire la fociété d'où ils ont conclu qu'il avoit celui

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