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civil de celle qui commande, comme l'ariftocratie de Pologne, où les paysans font efclaves de la nobleffe.

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CHAPITRE IV.

Des Loix, dans leur rapport avec la nature
du gouvernement monarchique.
LES pouvoirs intermédiaires fubordonnés &
dépendans conftituent la nature du gouverne
ment monarchique, c'eft-à-dire, de celui où un
feul gouverne par des loix fondamentales. J'ai
dit les pouvoirs intermédiaires, fubordonnés &
dépendans en effet, dans la monarchie le prince
eft la fource de tout pouvoir politique & civil.
Ces loix fondamentales fuppofent néceffaire ent
des canaux moyens par où coule la puiffance:
car s'il n'y a dans l'état que la volonté momen-
tanée & capricieufe d'un feul, rien ne peut être
fixe, & par conféquent aucune loi fondamentale.

Le pouvoir intermédiaire fubordonné le plus naturel, eft celui de la nobleffe. Elle entre en quelque façon dans l'effence de la monarchie, dont la maxime fondamentale eft: point de monar que, point de nobieffe; point de noblesse, point de monarque; mais on a un defpote.

Tome I.

B

Il y a des gens qui avoient imaginé dans quel ques états en Europe, d'abolir toutes les juftices des feigneurs. Ils ne voyoient pas qu'ils vouloient faire ce que le parlement d'Angleterre a fait. Aboliffez dans une monarchie les prérogatives des feigneurs, du clergé, de la nobleffe & des villes; vous aurez bientôt un état populaire, ou bien un état defpotique.

Les tribunaux d'un grand état en Europe frappent fans ceffe depuis plufieurs fiècles, fur Ja jurifdiction patrimoniale des feigneurs & fur l'eccléfiaftique. Nous ne voulons pas cenfurer des magiftrats fi fages: mais nous laiffons à décider jufqu'à quel point la conftitution en peut être changée.

Je ne fuis pas entêté des privilèges des eccléfiaftiques; mais je voudrois qu'on fixât bien une fois leur jurifdiction. Il n'eft point queftion de favoir fi on a eu raifon de l'établir: amais fi elle eft établie; fi elle fait une partie des foix du pays, & fi elle y eft par-tout relative; fi entre deux pouvoirs que l'on reconnoît indépendans, les conditions ne doivent pas être réciproques; & s'il n'eft pas égal à un bon fujet de défendre la juftice du prince, ou les limites qu'elle s'eft de tout tems prefcrites.

Autant que le pouvoir du clergé eft dangereux dans une république, autant eft-il convenable dans une monarchie, fur-tout dans celles qui vont au defpotisme. Où en feroient l'Espagne

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& le Portugal depuis la perte de leurs loix, fans ce pouvoir qui arrête feul la puiffance arbitraire? barrière toujours bonne, lorfqu'il n'y en a point d'autre : car, comme le defpotifme caufe à la nature humaine des maux effroyables, le mal même qui les limite eft un bien.

Comme la mer, qui femble vouloir couvrig toute la terre, eft arrêtée par les herbes & les moindres graviers qui fe trouvent fur le rivage, ainfi les monarques, dont le pouvoir paroît fans bornes, s'arrêtent par les plus petits obstacles, & foumettent leur fierté naturelle à la plainte & à la prière.

Les Anglois, pour favorifer la liberté, ont ôté toutes les puiffances intermédiaires qui for. moient leur monarchie. Ils ont bien raifon de conferver cette liberté; s'ils venoient à la per dre, ils feroient un des peuples les plus efclaves de la terre.

M. Law, par une ignorance égale de la conftitution républicaine & de la monarchique, fut un des plus grands promoteurs du defpotifme que l'on eût encore vu en Europe. Outre les changemens qu'il fit fi brufques, fi inufités, fi inouis, il vouloit ôter les rangs intermédiaires, & anéantir les corps politiques : il diffolvoit la monarchie par fes chimériques rembourfemens, & fembloit vouloir racheter la conftitution même. Il ne fuffit pas qu'il y ait dans une monarchie

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des rangs intermédiaires, il faut encore un dépôt de loix. Ce dépôt ne peut être que dans les corps politiques, qui annoncent les loix lorfqu'elles font faites, & les rappellent lorfqu'on les oublie. L'ignorance naturelle à la nobleffe, fon inattention, fon mépris pour le gouvernement civil, exigent qu'il y ait un corps qui faffe fans ceffe fortir les loix de la pouffière où elles feroient enfevelies. Le confeil du prince n'eft pas un dépôt convenable. Il eft par fa nature le dépôt de la volonté momentanée du prince qui exécute, & non pas le dépôt des loix fondamentales. De plus, le confeil du monarque change fans ceffe; il n'eft point permanent il ne fauroit être nombreux, il n'a point à un affez haut degré la confiance du peuple; il n'eft donc pas en état de l'éclairer dans les tems difficiles, ni de le ramener à l'obéiffance.

Dans les états defpotiques, où il n'y a point de loix fondamentales, il n'y a pas non plus de dépôt de loix. De-là vient que dans ces pays la religion a ordinairement tant de force; c'eft qu'elle forme une espèce de dépôt & de permanence & fi ce n'eft pas la religion, ce font les coutumes qu'on y vénère au lieu des loix,

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CHAPITRE V.

Des Loix relatives à la nature de l'état defpotique.

IL réfuite de la nature du pouvoir defpotique,

que l'homme feul qui l'exerce, le faffe de même exercer par un feul. Un homme à qui fes cinq fens difent fans ceffe qu'il eft tout, & que les autres ne font rien, eft naturellement pareffeux, ignorant, voluptueux. Il abandonne donc les affaires. Mais, s'il les confioit à plufieurs, il y auroit des difputes entr'eux; on feroit des brigues pour être le premier efclave; le prince feroit obligé de rentrer dans l'adminiftration. Il est donc plus fimple qu'il l'abandonne à un vizir qui aura d'abord la même puiffance que lui. L'établissement d'un vizir eft dans cet état une loi fondamentale.

On dit qu'un pape, à fon élection, pénétré de fon incapacité, fit d'abord des difficultés infinies. Il accepta enfin, & livra à fon neveu toutes les affaires. Il étoit dans l'admiration, & difoit : « Je n'aurois jamais cru que cela eût été fi aifé. » Il en eft de même des princes d'Orient. Lorsque de cette prifon, où des eunuques leur ont affoibli le cœur & l'efprit, & fouvent leur ont laiffé Ignorer leur état même, on les tire pour lea

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