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pour la vie, comme cela fe pratiquoit à Rome, à Lacédémone & à Athènes même. Car il ne faut pas confondre ce qu'on appelloit le fénat à Athènes, qui étoit un corps qui changeoit tous les trois mois, avec l'aréopage, dont les membres étoient établis pour la vie, comme des modèles perpétuels.

* Maxime générale: Dans un fénat fait pour être la règle, &, pour ainfi dire, le dépôt des mœurs, les fénateurs doivent être élus pour la vie; dans un fénat fait pour préparer les affaires, les fénateurs peuvent changer..

L'efprit, dit Ariftote, vieillit comme le corps. Cette réflexion n'eft bonne qu'à l'égard d'un magiftrat unique, & ne peut être appliquée à une affemblée de fénateurs.

Outre l'aréopage, il y avoit à Athènes des gardiens des mœurs, & des gardiens des loix. A Lacédémone, tous les vieillards étoient cenfeurs. A Rome, deux magiftrats particuliers avoient la cenfure. Comme le fénat veille fur le peuple, il faut que des cenfeurs aient les yeux fur le peuple & fur le fénat. Il faut qu'ils rétabliffent dans la république tout ce qui a été corrompu, qu'ils notent la tiédeur, jugent les négligences, & corrigent les fautes, comme les loix puniffent les crimes.

La loi romaine qui vouloit que l'accufation de l'adultère fût publique, étoit admirable pour maintenir la pureté des mœurs, elle intimidois

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les femmes, elle intimidoit auffi ceux qui devoient veiller fur elles.

Rien ne maintient plus les mœurs qu'une extrême fubordination des jeunes gens envers les vieillards. Les uns & les autres feront contenus; ceux-là par le refpect qu'ils auront pour les vieillards, & ceux-ci par le refpe&t qu'ils auront pour eux-mêmes.

⚫ Rien ne donne plus de force aux loix, que la fubordination extrême des citoyens aux magiftrats.

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La grande différence que Lycurgue a mife » entre Lacédémone & les autres cités, dit Xénophon, confifte en ce qu'il a fur-tout fait que les citoyens obéiffent aux loix; ils courent lorfque le magiftrat les appelle. Mais à Athènes » un homme riche feroit au défefpoir que l'on » crût qu'il dépendît du magiftrat,

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L'autorité paternelle eft encore très-utile pour maintenir les mœurs. Nous avons déjà dit que dans une république il n'y a pas une force fi réprimante que dans les autres gouvernemens. Il faut donc que les loix cherchent à y fuppléer: elles le font par l'autorité paternelle.

A Rome, les pères avoient droit de vie & de mort fur leurs enfans. A Lacédémone, chaque père avoit droit de corriger l'enfant

d'un autre.

La puiffance paternelle fe perdit à Rome avec la république. Dans les monarchies où l'on n'a]

D. S

que faire de mœurs i pures, on veut que chacun vive fous la puiffance des magistrats.

Les loix de Rome qui avoient accoutumé les jeunes gens à la dépendance, établirent une longue minorité, Peut-être ayons-nous eu tort de prendre cet ufage: dans une monarchie, on n'a pas befoin de tant de contrainte.

Cette même fubordination dans la république y pourroit demander que le père reftât pendant fa vie le maître des biens de fes enfans, comme Il fut réglé à Rome. Mais cela n'eft pas de Pefprit de la monarchie.

CHAPITRE VIII.

Comment les Loix doivent se rapporter. au principe du gouvernement dans l'ariftocratie.

SI dans l'ariftocratie le peuple est vertueux,

on y jouira à peu près du bonheur du gouver nement populaire, & l'état deviendra puiffant. Mais comme il eft rare que là où les fortunes des hommes font inégales, il y ait beaucoup de vertu; il faut que les loix tendent à donner autant qu'elles peuvent un efprit de modération, & cherchent à rétablir cette égalité que la conftitution de l'état ôte néceffairement.

L'efprit de modération eft ce qu'on appelle la vertu dans l'ariftocratie; il y tient la place de l'efprit d'égalité dans l'état populaire.

Si le fafte & la fplendeur qui environnent les rois, font une partie de leur puiffance, la modeftie & la fimplicité des manières font la force des nobles ariftocratiques. Quand ils n'affectent aucune distinction, quand ils fe con fondent avec le peuple, quand ils font vêtus comme lui, quand ils lui font partager tous leurs plaifirs, il oublie fa foibleffe.

Chaque gouvernement a fa nature & fon principe. Il ne faut donc pas que l'ariftocratie prenne. la nature & le principe de la monarchie; ce qui arriveroit, fi les nobles avoient quelques prérogatives perfonnelles & particulières, diftinctes de celles de leur corps: les privilèges doivent être pour le fénat, & le fimple respect pour les Lénateurs.

Il y a deux fources principales de défordres dans les états aristocratiques : l'inégalité extrême entre ceux qui gouvernent & ceux qui font gouvernés; & la même inégalité entre les différens membres du corps qui gouverne. De ces deux inégalités résultent des haines & des jaloufies que les loix doivent prévenir ou arrêter.

La première inégalité fe trouve principalement lorfque les privilèges des principaux ne font honorables que parce qu'ils font honteux au peuple. Telle fut à Rome la loi qui défendoit

aux patriciens de s'unir par mariage aux plébéiens; ce qui n'avoit d'autre effet que de rendre d'un côté les patriciens plus fuperbes, & de l'autre plus odieux. Il faut voir les avantages qu'en tirèrent les tribuns dans leurs harangues.

Cette inégalité le trouvera encore, fi la condition des citoyens eft différente par rapport aux fubfides; ce qui arrive de quatre manières: lorfque les nobles fe donnent le privilège de n'en point payer; lorfqu'ils font des fraudes pour s'en exempter; lorfqu'ils les appellent à eux fous prétexte de rétributions ou d'appointemens pour les emplois qu'ils exercent; enfin, quand ils rendent le peuple tributaire, & fe partagent les impôts qu'ils lèvent fur eux. Ce dernier cas eft Tare; une aristocratie en cas pareil est le plus dur de tous les gouvernemens.

Pendant que Rome inclina vers l'aristocratie, elle évita très-bien ces inconvénieus. Les magiftrats ne tiroient jamais d'appointemens de leur magiftrature. Les principaux de la république furent taxés comme les autres: ils le furent même plus, & quelquefois ils le furent feuls. Enfin, bien loin de fe partager les revenus de P'état, tout ce qu'ils purent tirer du tréfor public, tout ce que la fortune leur envoya de richeffes, ils le diftribuèrent au peuple pour fe faire pardonner leurs honneurs.

C'est une maxime fondamentale, qu'autant que les diftributions faites au peuple ont de perni

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