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cieux effets dans la démocratie, autant en ont-elles de bons dans le gouvernement ariftocratique. Les premières font perdre l'efprit de citoyen, les autres y ramènent.

Si l'on ne diftribue point les revenus au peuple, il faut lui faire voir qu'il font bien adminiftrés: les lui montrer, c'eft en quelque manière l'en faire jouir. Cette chaîne d'or que l'on tendoit à Venife, les richeffes que l'on portoit à Rome dans les triomphes, les tréfors que l'on gardoit dans le temple de Saturne, étoient véritablement les richeffes du peuple.

Il eft fur tout effentiel dans l'aristocratie, que les nobles ne lèvent pas les tributs. Le premier ordre de l'état ne s'en mêloit point à Rome; on en chargea le fecond, & cela même eut dans la fuite de grands inconvéniens. Dans une aristocratie où les nobles lèveroient les tributs, tous les particuliers feroient à la difcrétion des gens d'affaires; il n'y auroit point de tribunal fupérieur qui les corrigeât. Ceux d'entr'eux prépofés pour ôter les abus, aimeroient mieux jouir des abus. Les nobles feroient comme les princes des états defpotiques, qui confifquent les biens de qui il leur plaît.

Bientôt les profits qu'on y feroit, feroient regardés comme un patrimoine, que Pavarice étendroit à fa fantaisie. On feroit tomber les fermes, on réduiroit à rien les revenus publics. C'est par-là que quelques états, fans avoir reçu

d'échec qu'on puiffe remarquer, tombent dans une foibleffe dont les voifins font furpris, & qui étonne les citoyens mêmes.

Il faut que les loix leur défendent auffi le commerce des marchands fi accrédités feroient toutes fortes de monopoles. Le commerce est la profeffion des gens égaux: & parmi les états defpotiques, les plus miférables font ceux où le prince eft marchand.

Les loix de Venife défendent aux nobles le commerce, qui pourroit leur donner, même innocemment, des richeffes exorbitantes.

Les loix doivent employer les moyens les plus efficaces pour que les nobles rendent justice au peuple. Si elles n'ont point établi un tribun, il faut qu'elles foient un tribun elles-mêmes.

Toute forte d'afyle contre l'exécution des loix perd l'aristocratie, & la tyrannie en est tout près.

Elles doivent mortifier dans tous les tems l'orgueil de la domination. Il faut qu'il y ait pour un tems ou pour toujours un magiftrat qui faffe trembler les nobles, comme les éphores à Lacédémone, & les inquifiteurs d'état à Venife; magiftratures qui ne font foumifes à aucunes formalités. Ce gouvernement a befoin de refforts bien violens. Une bouche de pierre s'ouvre à tout délateur à Venife; vous diriez que c'eft celle de la tyrannie.

Ces magiftratures tyranniques dans l'aristocratie, ont du rapport à la cenfure de la

démocratie, qui par sa nature n'est pas moins indépendante. En effet, les cenfeurs ne doivent point être recherchés fur les chofes qu'ils ont faites pendant leur cenfure; il faut leur donner de la confiance, jamais du découragement. Les Romains étoient admirables; on pouvoit faire rendre à tous les magiftrats raifon de leur conduite, excepté aux cenfeurs.

Deux chofes font pernicieufes dans l'ariftocratie; la pauvreté extrême des nobles, & leurs richeffes exorbitantes. Pour prévenir leur pauvreté, il faut fur-tout les obliger de bonne heure à payer leurs dettes. Pour modérer leurs richeffes, il faut des difpofitions fages & infenfibles; non pas des confifcations, des loix agraires, des abolitions de dettes, qui font des maux infinis.

Les loix doivent ôter le droit d'afneffe entre les nobles, afin que par le partage continuel des fucceffions, les fortunes fe remettent toujours dans l'égalité.

Il ne faut point de fubftitutions, de retraits lignagers, de majorats, d'adoptions. Tous les moyens inventés pour perpétuer la grandeur des familles dans les états monarchiques, ne fauroient être d'ufage dans l'ariftocratie.

Quand les loix ont égalifé les familles, il leur refte à maintenir l'union entr'elles. Les différends des nobles doivent être promptement décidés; fans cela, les conteftations entre les perfonnes deviennent des conteftations entre les familles.

Des arbitres peuvent terminer les procès, ou les empêcher de naître.

Enfin, il ne faut point que les loix favorisent les diftinctions que la vanité met entre les familles, fous prétexte qu'elles font plus nobles ou plus anciennes ; cela doit être mis au rang des peti teffes des particuliers.

On n'a qu'à jetter les yeux fur Lacédémone; on verra comment les éphores furent mortifier les foibleffes des rois, celles des grands & celles du peuple,

CHAPITRE IX.

Comment les loix font relatives à leur principe dans la monarchie.

L'HONNEUR étant le principe de ce gouver, nement, les loix doivent s'y rapporter.

Il faut qu'elles y travaillent à foutenir cette nobleffe, dont l'honneur eft, pour ainfi dire, l'enfant & le père.

non

Il faut qu'elles ia rendent héréditaire pas pour être le terme entre le pouvoir du prince & la foibleffe du peuple, mais le lien de tous les deux.

Les fubftitutions qui confervent les biens dans les familles, feront très-utiles dans ce gouver

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nement, quoiqu'elles ne conviennent pas dans les autres.

Le retrait lignager rendra aux familles nobles les terres que la prodigalité d'un

aliénées.

parent aura

Les terres nobles auront des privilèges comme les perfonnes. On ne peut pas féparer la dignité du monarque de celle du royaume; on ne peut guère féparer non plus la dignité du noble de celle de fon fief.

Toutes ces prérogatives feront particulières à la nobleffe, & ne pafferont point au peuple, fi l'on ne veut choquer le principe du gouverne ment, fi l'on ne veut diminuer la force de la nobleffe & celle du peuple.

Les fubftitutions gênent le commerce; le retrait lignager fait une infinité de procès néceffai. res; & tous les fonds du royaume vendus, font au moins en quelque façon fans maître pendant un an. Des prérogatives attachées à des fiefs, donnent un pouvoir très à charge à ceux qui les fouffrent. Ce font des inconvéniens particuliers de la nobleffe, qui difparoiffent devant l'utilité générale qu'elle procure. Mais quand on les communique au peuple, on choque inu tilement tous les principes.

On peut, dans les monarchies, permettre de laiffer la plus grande partie de fes biens à up feul de fes enfans; cette permiffion n'eft même bonne que là...

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