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Il faut que les loix favorisent tout le commerce que la conftitution de ce gouvernement peur donner; afin que les fujets puiffent, fans périr, fatisfaire aux befoins toujours renaiffans du prince & de fa cour.

Il faut qu'elles mettent un certain ordre dans la manière de lever les tributs, afin qu'elle ne foit pas plus pefante que les charges mêmes.

La pefanteur des charges produit d'abord le travail, le travail l'accablement, l'accablement Pefprit de pareffe.

CHAPITRE X.

De la promptitude de l'exécution dans la monarchie.

LE

E gouvernement monarchique a un grand avantage fur le républicain: les affaires étant menées par un feul, il y a plus de promptitude dans l'exécution. Mais comme cette prompti. tude pourroit dégénérer en rapidité, les loix y mettront une certaine lenteur. Elles ne doivent pas feulement favorifer la nature de chaque conftitution, mais encore remédier aux abus qui pourroient réfulter de cette même nature.

Le cardinal de Richelieu veut que l'on évite dans les monarchies les épines des compagnies

ce

:

qui forment des difficultés fur tout. Quand cet homme n'auroit pas eu le defpotifme dans le cœur, il l'auroit eu dans la tête.

Les corps qui ont le dépôt des loix, n'obéiffent jamais mieux que quand ils vont à pas tardifs, & qu'ils apportent dans les affaires du prince cette réflexion qu'on ne peut guère attendre du défaut de lumières de la cour fur les loix de P'état, ni de la précipitation de ses confeils.

Que feroit devenue la plus belle monarchie du monde, fi les magiftrats, par leurs lenteurs, par leurs plaintes, par leurs prières, n'avoient arrêté le cours des vertus mêmes de fes rois, lorfque ces monarques, ne confultant que leur grande ame auroient voulu récompenfer fans mefure des fervices rendus avec un courage & une fidélité auffi fans mefure?

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CHAPITRE XI.

De l'excellence du gouvernement monarchique.

LE

E gouvernement monarchique a un grand avantage fur le defpotique. Comme il eft de fa nature qu'il y ait fous le prince plufieurs ordres qui tiennent à la conftitution, l'état eft

la

plus fixe, la conftitution plus inébranlable, perfonne de ceux qui gouvernent plus affurée.

Cicéron croit que l'établiffement des tribuns de Rome fut le falut de la république. . En effet, dit-il, la force du peuple qui n'a point » de chef eft plus terrible. Un chef fent que » l'affaire roule fur lui, il y pense: mais le peuple dans fon impétuofité ne connoît point » le péril où il fe jette. On peut appliquer cette réflexion à un état defpotique, qui eft un peuple fans tribuns, & à une monarchie où le peuple a en quelque façon des tribuns.

En effet, on voit par-tout que dans les mouvemens du gouvernement defpotique, le peuple mené par lui-même porte toujours les chofes auffi loin qu'elles peuvent aller; tous les défordres qu'il commet font extrêmes au lieu que dans les monarchies, les chofes font très-rarement portées à l'excès. Les chefs craignent pour euxmêmes, ils ont peur d'être abandonnés ; les puiffances intermédiaires dépendantes ne veulent pas que le peuple prenne trop le deffus. Il eft rare que les ordres de l'état foient entiérement corrompus. Le prince tient à ces ordres ; & les féditieux qui n'ont ni la volonté ni l'espérance de renverfer l'état, ne peuvent ni ne veulent renverfer le prince.

Dans ces circonftances, les gens qui ont de la fageffe & de l'autorité s'entremettent; on prend des tempéramens, on s'arrange, on fe corrige;

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les loix reprennent leur vigueur & le font écouter.

Auffi toutes nos hiftoires font-elles pleines de guerres civiles fans révolutions; celles des états defpotiques font pleines de révolutions fans guerres civiles.

Ceux qui ont écrit l'hiftoire des guerres civiles de quelques états, ceux mêmes qui les ont fomentées, prouvent affez combien l'autorité que les princes laiffent à de certains ordres pour leur fervice, leur doit être peu suspecte; puisque dans l'égarement même; ils ne foupiroient qu'après les loix & leur devoir, & retardoient la fougue & l'impétuofité des factieux plus qu'ils ne pouvoient la fervir.

Le cardiaal de Richelieu, penfant peut-être qu'il avoit trop avili les ordres de l'état, a recours pour le foutenir aux vertus du prince & de fes miniftres; & il exige d'eux tant de chofes, qu'en vérité il n'y a qu'un ange qui puiffe avoir tant d'attention, tant de lumières, tant de fermeté, tant de connoiffances; & on peut à peine fe flatter que d'ici à la diffolution des monarchies, il puiffe y avoir un prince & des miniftres pareils.

Comme les peuples qui vivent fous une bonne police, font plus heureux que ceux qui, fans règle & fans chefs, errent dans les forêts; aufli les monarques qui vivent fous les loix fondamentales de leur état, font-ils plus heureux

que les princes defpotiques, qui n'ont rien qui puiffe régler le cœur de leurs peuples ni le leur.

CHAPITRE XI I. Continuation du même fujet.

QU'ON

n'aille point chercher de la magna. nimité dans les états defpotiques; le prince n'y donneroit point une grandeur qu'il n'a pas luimême chez lui il n'y a pas de gloire.

C'est dans les monarchies que l'on verra autour du prince les fujets recevoir fes rayons; c'eft là que chacun tenant, pour ainfi dire, un plus grand efpace, peut exercer ces vertus qui donnent à l'ame, non pas de l'indépendance, mais de la grandeur.

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