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tains égards sa liberté d'action. Il est plus difficile d'admettre qu'un engagement pris soit atténué au point d'en énerver la teneur.

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LES TITULAIRES DE LA GARANTIE ET SON MODE
DE DÉBITION.

La prestation exigible en matière de garantie est juridiquement une et indivisible.

Une, c'est-à-dire que, quel que soit le nombre de ses débiteurs, il est donné à l'exigence juridique à satisfaire plein apaisement, parfaite saturation, par cette prestation faite une seule fois, à la différence des cas où une même prestation est due autant de fois qu'il y a de débi

teurs.

Indivisible, en ce sens qu'il n'est satisfait à l'exigence juridique en question que par la prestation faite dans son intégralité, pour le tout, in solidum, dans la consolidation des éléments qui la composent, à la différence des cas où la prestation se morcelle juridiquement en fractions indépendantes, afférentes aux divers débiteurs.

Après avoir reconnu le double caractère unitaire et intégral de la prestation constitutive de la garantie, observons que le Traité de garantie de 1859 nous met en présence d'un créancier de la garantie et de plusieurs débiteurs.

Le titulaire propre du droit à la garantie est la Belgique et ce droit consiste dans le pouvoir juridique de réclamer, en la mesure du trouble dont le bien garanti est affecté et des exigences d'un concours efficace dans cet ordre, la prestation constitutive de la garantie dans l'unité intégrale de ses éléments. Ce n'est pas, en effet,

à des fractions de sécurité abandonnées à l'aléa divisionnaire, à des parcelles séparées et indépendantes de garantie, que la Belgique a droit, mais à une pleine garantie, doublement affirmée telle et par le titre positif qui la consolide ainsi dans son exigibilité, le traité, et par l'économie propre des satisfactions juridiques auxquelles elle doit absolument répondre.

En ce qui concerne les titulaires multiples appelés à faire face à la garantie, on peut concevoir chez eux plusieurs degrés ou modes d'engagement. La réalisation du résultat unitaire et intégral que nous venons de caractériser peut être conçue comme exclusivement réservée à l'action de tous procédant en commun ou de concert. Elle peut, d'autre part, être conçue comme légitimement exigible soit de cette action collective, soit de l'action combinée ou conjointe de quelques-uns, soit de l'action individuelle de chacun, toujours sous l'empire de la loi d'indivisibilité qui s'y attache. La question de savoir quel est le droit à ce point de vue est une question d'intention des parties contractantes, à résoudre par le Traité et par tous les éléments justement interprétatifs de cet acte.

En ce qui concerne la Belgique, le droit pour l'État garanti de faire appel à l'ensemble de ses garants n'est pas contesté. Le droit de faire directement appel à un ou à plusieurs d'entre eux est également incontestable.

I. Le caractère individuel de la garantie stipulée résulte d'abord à l'évidence du texte même du Traité de garantie de 1839 ainsi conçu : « S. M. l'Empereur d'Autriche, etc., S. M. le Roi des Français, etc., déclarent que les articles ci-annexés se trouvent placés sous la garantie de Leurs dites Majestés », c'est-à-dire de S. M. l'Empereur d'Autriche, de S. M. le Roi des Fran

çais, etc. En réalité, il y a dans l'instrument de 1839 un engagement de garantie liant personnellement et individuellement chacune des grandes Puissances vis-à-vis de la Belgique.

II. L'expression de «< quintuple traité » appliquée à cet instrument se trouve officiellement consacrée par l'Angleterre, la France et la Prusse agissant au nom de la Confédération de l'Allemagne du Nord, dans l'article 3 des traités réglementaires de la garantie en 1870.

III. Cette interprétation est confirmée par des précédents dont l'autorité n'a jamais été contestée, et qui nous montrent, en effet, la garantie séparément requise et prestée, comme par exemple dans l'appel en garantie de la Belgique en 1832 et dans l'action organisée d'une partie seulement des Puissances en 1832 et en 1870.

IV. Toute autre interprétation irait d'ailleurs à l'encontre du résultat manifestement et absolument voulu. Elle aurait en effet, en quelque sorte fatalement, pour conséquence soit de rendre la garantie impraticable faute de sa prestation en temps utile, soit même de la rendre illusoire, subordonnée qu'elle serait au mauvais vouloir ou à l'inertie d'un seul garant.

L'argument est d'autant plus saisissant que la seule hypothèse en perspective quant à la prestation de la garantie pour la Belgique est précisément le cas de guerre entre quelques-unes des Puissances garantes, éventualité où l'accord entre ces Puissances et l'efficacité du secours peuvent être gravement compromis.

V. Remarquons encore que lors de la Conférence de Londres de 1867, le caractère individuel de la garantie donnée par les Puissances à la Belgique a été reconnu et accusé à l'occasion de la distinction faite par la Confé

rence entre la garantie individuelle et la garantie collective, en vue de placer le grand-duché de Luxembourg à titre spécial sous ce dernier mode de sanction.

VI. Remarquons enfin qu'en donnant ainsi un caractère individuel à l'obligation de prester la garantie, les Puissances ont fait œuvre aussi sage que nécessaire, la Belgique gardant ainsi toute latitude pour tenir compte, dans l'appel à ses garants, des opportunités de situations, de circonstances, de temps et d'intérêts qui peuvent influer sur l'exercice de cet appel.

Nous venons de mettre en évidence le droit pour la Belgique de faire directement et séparément appel à chacun de ses garants. La prestation exigible pour le tout de chacun peut a fortiori être demandée à l'action conjointe de plusieurs ou de tous. C'est en se plaçant à ce point de vue que l'on reconnaît à la garantie un double caractère à la fois individuel et collectif ou, si l'on veut, séparé et conjoint.

Quant aux liens réciproques entre co-garants, ils résultent de leur participation commune et solidarisée au Traité et de la manière dont ils se sont considérés comme comptables les uns envers les autres dans cet ordre.

Il arrive que les Puissances parlent expressément dans des actes internationaux de garantie collective: c'est le cas de l'article 2 du Traité de Londres de 1867 concernant le grand-duché de Luxembourg. Sauf intention contraire clairement manifestée et qui semble peu admissible en bonne foi, il ne faudrait pas tirer de cette expression la conséquence que la défaillance d'un des co-garants à prester la garantie libérerait les autres de leur obligation. Il y a une autre signification, toute naturelle, à lui assigner. Il faut l'entendre dans ce sens que nulle

exécution isolée de la garantie n'est autorisée avant que les co-garants n'aient été requis d'agir collectivement, et que la défaillance d'un des garants ainsi requis donne lieu à une action récursoire immédiate de ses co-garants envers lui, sans préjudice du devoir d'exécution qui demeure obligatoire pour chacun en bonne foi.

La garantie luxembourgeoise est, comme la garantie belge, une garantie réelle, dont la prestation n'est nullement subordonnée à la défaillance possible de quelque garant.

La différence de procédure qui accuse leur diversité n'est pas sans fondement: on comprend parfaitement que, l'Etat luxembourgeois étant un État en minorité perpétuelle au point de vue de sa défense extérieure, et la garantie à son égard devant revêtir le caractère d'une mesure de protection totale, il y ait lieu, en première ligne, de réunir ses garants en conseil de famille, sans qu'aucun d'eux n'absorbe la tutelle. La situation n'est pas la même en ce qui concerne la Belgique.

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A quel moment la garantie devient-elle juridiquement exigible? Quand y a-t-il en droit casus auxilii?

Lorsqu'il y a trouble effectif ou imminent à la jouissance des biens garantis, c'est-à-dire à l'indépendance ou à la neutralité de la Belgique ou aux autres stipulations du Traité de 1839. Il n'est pas nécessaire qu'il y ait lésion de droit consommée, sinon la garantie serait dans bien des cas illusoire. Mais il ne suffit pas, d'autre part, d'une simple menace sans aucun rapport avec une réalisation imminente.

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