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cette garantie a été fidèlement prestée. Il en a été ainsi au début de notre nationalité. Il en a été de même lors de la crise franco-allemande qui s'est dénouée à nos frontières. Il n'est pas sans intérêt d'examiner ici certains cas d'infraction possible à la clause de garantie, où d'aucuns ont cru pouvoir signaler autant de déclinatoires plus ou moins fondés de l'accomplissement du devoir assumé dans cet ordre.

I. L'absence d'intérêt actuel à prester la garantie ne peut être invoquée par aucune Puissance comme une cause d'exonération de l'obligation assumée par elle. Pareille thèse aboutirait à abandonner à l'arbitraire appréciation des débiteurs consultant leur pur intérêt propre, l'exécution de leurs engagements juridiques. Ce serait la négation radicale des obligations en tant que lien de droit. Il convient certes de ne point méconnaître l'influence que peut exercer en fait l'intérêt plus ou moins grand des États sur leur empressement à se conformer aux obligations contractées par eux. Mais on peut nier qu'une sage et loyale politique puisse conduire au refus d'exécuter des engagements tels que celui-ci, substituant l'insécurité permanente des deux parts à une sécurité fondée sur un intérêt général et permanent. Il ne faudrait pas oublier d'ailleurs que pareille thèse aurait pour contre-partie la faculté pour l'Etat perpétuellement neutre de se délier de tous ses engagements particuliers, du moment qu'il trouverait quelque intérêt à le faire. Système aussi dangereux pour tous qu'antijuridique!

II. L'inaction de tel des garants ne peut pas davantage être érigée par tel autre en cause légitime d'exonération de la garantie. Nous avons vu, en effet, que la prestation est due in solidum par chacun. En fait, les

circonstances mettront le plus souvent d'elles-mêmes en évidence la Puissance ou les Puissances auxquelles il est expédient de faire appel, précisément à raison de la plus grande facilité et de l'intérêt plus grand qu'elles ont de prester une aide efficace. On ne peut donc conclure de l'attitude des unes à la justification de la même attitude chez les autres.

III. L'engagement d'un garant dans une guerre ou dans des difficultés graves avec d'autres États n'est pas de soi une cause d'exonération de la garantie, mais il peut influer sur le mode de prestation de l'obligation. Les arrangements de 1870 ont démontré que ni les garants ayant charge de guerre ni les autres titulaires de la garantie ne considèrent cette belligérance comme libératoire en soi. Certes on peut imaginer des hypothèses où un État aux prises avec tel conflit se trouve dans l'impuissance momentanée de faire face à une suffisante garantie individuelle. C'est une des raisons d'être de la multiplicité des garants. Les faits ont d'ailleurs montré que, même dans ce cas, une certaine coopération du belligérant peut être ménagée à l'exercice de la garantie.

et

Ajoutons que c'est en vue de telles situations non en prévision d'un refus arbitraire de la garantie que la Belgique s'est efforcée d'organiser un système défensif qui se suffise autant que possible à lui-même.

IV. Un des garants ne peut subordonner son devoir de respect et de garantie de la neutralité à la condition que cette neutralité sera respectée par l'autre garant. Nous avons déjà remarqué que cette restriction ayant paru être émise au début de la guerre de 1870, la Belgique a obtenu à ce sujet des déclarations conformes au respect des traités. Et en effet, la violation de notre territoire par

un des belligérants n'a nullement pour conséquence de donner toute licence à l'autre, mais de créer au contraire à celui-ci, s'il est garant, de nouveaux devoirs, en harmonie d'ailleurs avec les exigences de sauvegarde personnelle dont il entendrait, dans certains cas, se réclamer.

V. Les garants ne peuvent s'exonérer de l'obligation de garantie en alléguant une violation quelconque du status garanti. Nous verrons, en effet, que les infractions à ce status de la part du neutre sont de nature diverse et sont loin d'entrainer toutes les mêmes conséquences. Et ces infractions ne suppriment pas en tout cas les obligations réciproques entre co-garants.

VI. Les garants peuvent bien moins encore retirer ou menacer de retirer la garantie à raison de différends sur des points qui ne touchent pas au status garanti. Pareil procédé tendrait à constituer un moyen de pression illégitime sur l'État garanti en même temps qu'il pourrait revêtir le caractère d'une offense à l'égard des autres garants, aux dépens de qui l'on tenterait de supprimer d'autorité propre et sans fondement juridique pertinent une institution reconnue comme étant d'intérêt général.

CHAPITRE X.

Le droit commun des neutres régulateur, en temps de guerre, de la neutralité permanente. Les points saillants qui se rattachent à la situation géographique et commerciale de la Belgique.

Le système des rapports entre belligérants et pacigérants n'est pas différent pour la neutralité permanente et pour la neutralité ordinaire. On peut seulement constater

dans le premier cas la tendance à une application plus parfaite de ce régime dans ses conséquences régulières. Cela résulte de ce que nous nous trouvons en présence d'une neutralité de principe mieux dégagée en soi des éléments hétérogènes, qui peuvent altérer certaines neutralités occasionnelles ou qui accusent quelque vestige d'anciennes pratiques de plus en plus abandonnées.

Nous n'avons pas dessein de traiter ici de la neutralité commune. Nous avons, dans notre Étude sur le droit de la paix et de la guerre, essayé de poser le problème dans sa vraie lumière et de fixer le principe régulateur des solutions fondamentales. L'exposé de la théorie sur ce point et la discussion des cas controversés se rencontrent dans tous les manuels. Nous nous bornerons à signaler les difficultés saillantes, qui tiennent à la situation géographique et commerciale de la Belgique, et que la guerre entre deux États limitrophes a surtout mises en relief.

Dans la solution à donner à ces difficultés, le neutre à titre permanent doit user d'une prudence spéciale d'autant plus grande que les déviations du status international de la neutralité constituent pour lui une « hétéronomie » plus grande. Il doit se rappeler qu'en droit des gens, il n'y a pas que des enchaînements logiques de règles juridiques; il y a des plaintes qu'il n'est pas expédient d'ignorer, fussent-elles injustifiées, lorsqu'elles ont pour organes des États puissants. Sous le bénéfice de ces observations, il importe de maintenir qu'il n'y a pas deux régimes de la paix juridique en temps de guerre, l'un, plus large, applicable aux États puissants, l'autre, rigoureux, applicable aux États neutres et secondaires.

1.- La pénétration de belligérants sur le territoire

neutre.

Le procédé du passage des belligérants par territoire neutre a subi, en droit des gens, des vicissitudes. Il a été exigé autrefois comme un droit. Plus tard il a été admis comme une licence laissée au neutre, pourvu qu'elle fût accordée aux deux parties. Dans la suite, cette faculté a été restreinte au cas où elle résultait d'un traité conclu ou d'une servitude constituée avant la guerre. Aujourd'hui le droit des gens se prononce pour le refus absolu aux deux parties et dans tous les cas. La concession du passage est généralement considérée comme un acte de connivence guerrière; et la faveur, fût-elle accordée aux deux belligérants, n'est pas égale pour cela.

La pénétration de belligérants sur le territoire neutre n'est pas toujours liée à un procédé de passage; elle offre parfois le caractère d'un refuge, mais ce refuge pourrait dégénérer en passage s'il n'y était mis ordre à certains égards.

Nous examinerons bientôt, à propos des atteintes portées à la Constitution internationale de la Belgique, les principaux cas de pénétration de militaires sur le territoire national. Signalons, à ce sujet, la lettre adressée le 6 août 1870, par M. le baron d'Anethan, Ministre des Affaires étrangères, à son collègue de la Guerre, concernant les instructions à donner aux chefs de corps de notre armée massée sur la frontière. Les instructions conformes envoyées à ces derniers datent du 27 août.

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