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maison. Clifford, ami de Gayville, est obligé d'accepter de sa part un duel au sujet de miss Alton: mais, au moment où ils tirent l'épée, une explication a lieu, et Gayville apprend que miss Alton est la soeur de son ami.

Le père de miss Alscrip, qui avoit été procureur, a produit, pour préparer le contrat de mariage de sa fille avec le lord Gaynville, des titres dont l'examen a prouvé qu'une terre considérable, assignée pour cette dot, appartient à la famille Clifford, et sur-tout à la sœur, qui avoit pris le nom de miss Alton. Diverses explications amènent son mariage avec lord Gayville. Clifford épouse lady Émily, qui avoit joué un rôle dans la pièce, et l'héritière est abandonnée à son père, qui va reprendre son

ancien état.

JOHN TOBIN.

The Honey moon. - La Lune de miel, 1805.

Cet ouvrage est le plus moderne de tous ceux qui ont été admis dans la collection. John Tobin, son auteur, mourut très-jeune, et il faut le plaindre de ce qu'il ne put jouir de son succès, sa pièce n'ayant été jouée qu'après sa mort; et le plaindre d'autant plus, qu'il n'avoit qu'éprouvé des revers littéraires pendant sa vie.

Le sujet est plus piquant par le choix que par l'exécution; le titre de Lune de miel annonce le premier mois du mariage.

La pièce est gaie; elle offre des situations plaisantes: mais elle n'a guère d'autre mérite que ce comique qu'amènent des antécédens forcés; on peut regretter de n'y point rencontrer ces développemens de caractères qui distinguent les bonnes comédies.

La scène se passe en Espagne. Le riche duc d'Aranza, épris d'une jeune personne qui à un caractère altier et exigeant, l'obtient en mariage. Il s'est montré amant soumis, et son épouse ne l'a accepté que comme une victime future de ses caprices et de son orgueil: mais le duc a eu l'espoir et a formé le projet de corriger son épouse; et, à cet effet, après la noce, il la conduit dans une chaumière propre, munie de ce qui est nécessaire à ceux qui l'habitent; et là il lui déclare qu'il n'est pas duc, qu'il n'est pas propriétaire de beaux châteaux et de vastes domaines, ni possesseur d'une grande fortune, comme elle a pu le croire, et qu'ainsi il faut que celle que l'hymen associe à son sort se soumette et consente à vivre en femme de propriétaire qui a seulement de l'aisance et qui place toutes ses jouissances dans le bonheur domestique. On juge du désespoir de la duchesse; elle ignore même en quel pays elle se trouve : cependant, quoique surveillée, elle parvient à faire passer une lettre à son père.

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Depuis le second acte jusqu'à la fin du quatrième, son mari la fait successivement passer par diverses épreuves, durant lesquelles elle conserve son caractère hautain et s'abandonne à ses regrets. En ouvrant le cinquième, elle paroît résignée à son sort: son père arrive, après avoir été malade en route, et avoir cherché long-temps sa demeure, pour la délivrer et la venger; mais elle lui déclare qu'elle est actuellement contente et heureuse. Le père insiste, et fait citer le mari devant le duc dont le nom a servi à la fraude. On se rend chez le duc d'Aranza : quel étonnement de chacun, quand le mari, terminant son rôle, paroît en costume de duc et déclare qu'il a assuré le bonheur de son épouse, en corrigeant son caractère ! Elle en convient, et tous espèrent un avenir heureux.

A cette action principale sont jointes deux sous-intrigues. Une sœur de la duchesse éprouve son amant d'une manière différente; et l'autre, déguisée en page, triomphe des froideurs d'un autre amant qui avoit juré haine à toutes les femmes.

Cette comédie, quoique amusante, est loin de mériter d'être placée au rang des chefs-d'œuvre. Les épreuves auxquelles le duc assujettit son épouse auroient pu fournir des situations plus comiques, et même devenir intéressantes; mais l'auteur a manqué d'art, en cela même qu'il a voulu rapprocher et réunir tous les détails que le sujet pouvoit fournir, en s'affranchissant des règles.

Si le mariage avoit précédé depuis quelque temps l'action de cette comédie, il eût été facile de graduer, d'une manière plus franche et sur-tout plus vraisemblable, les épreuves successives et l'amandement de la femme, dont le caractère et la situation n'offrent pas assez de nuances pour ne pas surprendre le spectateur, quand elle déclare être heureuse de son sort.

Je ne crois pas inutile de citer ici un bon mot sur les médecins, qui se trouve dans la Lune de miel.

Le père est retenu dans une auberge par un mauvais médecin qui', pour gagner un plus grand salaire, déclare que le malade ne peut se mettre en route sans péril pour sa santé; et ce médecin dit: «Guérir » les hommes est peut-être au-dessus de notre science; mais il seroit » désolant de ne pouvoir pas du moins les tenir malades. >>

Cette saillie plaisante, ce mot piquant auroit pu venir à Molière ; mais il ne l'auroit pas mis dans la bouche du médecin lui-même: on se moque d'autant plus de ceux qu'il met en scène, qu'eux-mêmes ne se moquent pas de leur art.

Tels sont les ouvrages comiques choisis et publiés par l'éditeur des

Chefs-d'œuvre du théâtre anglais. On aura remarqué qu'il n'a admis aucun ouvrage de Dryden, de Congrève, ni autres auteurs aussi renommés que quelques-uns de ceux qui grossissent le recueil.

Mais ce qui manque sur-tout, c'est un discours sur l'origine, les progrès et l'état de l'art dramatique en Angleterre, considéré dans ses rapports successifs avec les mœurs, le gouvernement et la littérature du pays, et où l'on eût caractérisé l'influence que Shakespear a exercée sur cet art parmi ses compatriotes.

RAYNOUARD.

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MOTENEBBI, der grösste arabische dichter zum ersten mahle ganz übersetzt von Joseph von Hammer. Moténebbi, le plus grand des poëtes arabes, traduit pour la première fois en entier, par M. Joseph de Hammer, &c. Vienne, 1824. Ivj et 427 pages in-8.°

Commentatio de Motenabbio, poeta arabum celeberrimo, ejusque carminibus, auctore Petro à Bohlen. Bonnæ, 1824, x et 136 pages in-8.o

Jusqu'ici l'Europe savante n'avoit connu, si l'on en excepte un très-petit nombre d'orientalistes de profession, que quelques morceaux choisis des poésies de Moténabbi, ou, comme préfère écrire M. de Hammer, Moténebbi, et par conséquent n'avoit pu juger en parfaite connoissance de cause entre les admirateurs de ce poëte, et les critiques qui, sans méconnoître ses talens et son mérite, sont cependant bien éloignés de lui accorder le premier rang entre les Arabes qui se sont rendus célèbres par la culture de la poésie. Aujourd'hui, grâces à la traduction complète du recueil de ses poëmes que vient de publier M. de Hammer, et à la notice historique et philologique de ces mêmes poëmes, par laquelle un jeune élève de l'université de Bonn, M. Pierre de Bohlen, vient de signaler son entrée dans la carrière des lettres orientales, chacun pourra se faire une opinion des beautés et des défauts sur lesquels se fondent les admirateurs et les censeurs de Moténabbi, pourvu toutefois que la traduction de M. de Hammer soit faite de manière à donner une idée juste de l'original. Cela ne suffit pas, il est vrai, pour déterminer le rang que doit assigner à Moténabbi, parmi Es poetes arabes, une critique impartiale, parce que ceux auxquels il

faudroit le comparer, n'ont pas, comme lui, l'avantage d'avoir été traduits en entier. Mais du moins on pourra juger si, pour la noblesse des sentimens, la justesse et l'élévation des pensées, la force et l'élégance du style, la richesse de l'imagination, la vérité et la grandeur des images, il mérite d'être préféré aux auteurs des Moallakas, et à ces poëtes contemporains de Mahomet, dont quelques ouvrages nous sont tels que Schanfara, Nabéga Dhobyani, Taabbata-scharran, Ascha, Caab ben-Zoheir, ou même aux poëtes plus modernes, tels que Bokhtori, Abou'lola, Ebn-Doreid, Tograï, Bousiri, Omar ben-Faredh, &c. M. de Hammer n'hésite point à décider cette question en faveur de Moténabbi; et le titre qu'il a donné à sa traduction n'est point une exagération due au desir de prévenir les lecteurs en faveur d'un travail qui lui a coûté beaucoup de peine; c'est l'expression simple et exacte d'une forte conviction, le résumé d'un jugement dont les motifs sont exposés fort au long dans la préface de sa traduction; et nous nous plaisons à convenir que la grande érudition de M. de Hammer donne beaucoup de poids à son jugement. On se tromperoit si l'on pensoit que M. de Bohlen, en appelant Moténabbi poëte arabe trèscélèbre [poeta Arabum celeberrimo ], ait partagé l'enthousiasme de M. de Hammer, et exprimé le même jugement que lui: au contraire, obligé, par la nature même de son travail, à comparer souvent les pensées, les expressions, les images de Moténabbi, avec celles de beaucoup de poëtes arabes, et à séparer ce qui lui appartient en propre des emprunts fréquens qu'il a faits à ceux qui l'avoient précédé dans la même carrière, il se place bien plutôt dans les rangs des censeurs de Moténabbi, qu'au nombre de ceux qui lui décernent le sceptre de la poésie arabe. M. de Bohlen, il est vrai, n'a pas encore acquis le droit de faire prévaloir son opinion, par l'autorité de son nom et par des services rendus à la littérature orientale; mais il marche accompagné d'un cortége de preuves que chacun peut apprécier, et auxquelles il est, ce nous semble, bien difficile de ne pas se rendre. En vain, pour inspirer ici plus de confiance aux lecteurs, voudrions-nous dissimuler notre propre opinion. Déjà plus d'une fois nous avons eu occasion, soit dans ce journal, soit ailleurs, de nous prononcer sur le genre de mérite des poésies de Moténabbi, et sur la place assez inférieure qu'il nous paroît occuper parmi les poëtes arabes, bien loin de Schanfara, de Lébid, d'Antara et de leurs contemporains, mais incontestablement audessus d'Omar ben-Faredh et de toute la classe des poëtes mystiques. Toutefois les critiques qui voudront juger par eux-mêmes en cette matière, doivent se familiariser d'abord avec les idées, le génie et le

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style de la poésie orientale; ils ne doivent pas condamner légèrement et soumettre à un anathême commun tout ce qui répugne à notre goût, uniquement formé sur les modèles d'Athènes et de Rome, et nous desirons qu'ils se rappellent les observations générales que nous avons consignées dans ce journal (1), en rendant compte de l'édition donnée par M. Mesnil, de la Moallaka d'Antara. Ils ne doivent pas oublier, d'un autre côté, que la traduction la plus fidèle des poëtes arabes, et nous croyons en avoir déjà fait plusieurs fois l'observation, n'est et ne peut être souvent qu'une paraphrase longue et fastidieuse, sous le poids de laquelle disparoissent la précision, la force, la finesse, la grâce de l'original, avec tous les charmes du parallélisme, du rhythme et de toutes les figures qui appartiennent exclusivement au langage.

Mais, avant d'aller plus loin, il convient de dire un mot de Moténabbi et du recueil de ses poésies.

Je ne veux point raconter ici la vie de Moténabbi. M. de Hammer a donné en allemand, à la suite de sa préface, la biographie de ce poëte, traduite de l'Histoire des hommes illustres d'Ebn Khilcan, et M. P. de Bohlen a ajouté, à ce que disent de notre poëte ce biographe et Abou'lféda, beaucoup de particularités tirées de ses poésies et des écrivains qui les ont commentées. Il me suffira de dire que, né dans un faubourg de Coufa, nommé Kenda, en l'an 303 de l'hégire (915 de J. C.), il vint jeune en Syrie, et qu'il étudia à Damas. II paroît que cette ville fut sa résidence la plus ordinaire, et que cependant il habita tantôt Alep, tantôt Laodicée ou Antioche. Ayant voulu jouer le rôle de prophète, ce qui, suivant l'opinion la plus vraisemblable, quoi qu'en disent quelques-uns de ses commentateurs, lui a valu le surnom de Moténabbi sous lequel il est généralement connu, il fut mis en prison. Ce fut après cette aventure qu'il s'attacha, en l'année 337, à Seïf-eddaula, à la cour duquel il fut comblé d'honneurs et de présens, mais où il devint l'objet de l'envie, et où il se fit des ennemis redoutables par son orgueil démesuré. Mécontent du prince qui ne le protégeoit pas autant qu'il croyoit le mériter, contre ses rivaux et ses envieux, il le quitta en 346, et vint en Egypte vendre ses adulations à un esclave noir, nommé Cafour, qui exerçoit l'autorité souveraine au nom d'un jeune prince, héritier du pouvoir de la famille d'Ikhschid. Il ne tarda pas à se brouiller avec son nouveau protecteur, duquel il avoit espéré obtenir un gouvernement, et aux flatteries les plus basses snccédèrent des satires amères. Cafour ne s'en vengea, à

(1) Journal des Savans, cahier de mars 1817.

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