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quoiqu'il se soit dégagé du gaz et beaucoup de lumière: l'auteur dit qu'il n'y a pas eu de fulmination, parce que l'oxigène de l'atmosphère n'a pu être soutiré par le carbone de l'acide cyanique, et que conséquemment il ne s'est pas produit le vide qui est nécessaire pour que toute fulmination ait lieu.

Nous remarquerons d'abord qu'il n'est pas étonnant que la décomposition de l'orate d'ammoniaque, du cyanate d'argent, s'opère sans bruit quand les matières sont chauffées dans des tubes fermés, puisque un volume d'oxigène et deux volumes d'hydrogène qui détonent fortement à l'air libre, ne font point entendre de bruit quand on les brûle au moyen de l'étincelle électrique dans un eudiomètre au-dessus du mercure ou de l'eau, et cela parce que l'ébranlement que l'air reçoit par l'intermède de cette eau ou de ce mercure est très-foible, la force expansive de la vapeur d'eau produite s'étant déployée sur une masse de liquide beaucoup plus grande que la sienne. En second lieu, noùs remarquerons que, dans la description que l'auteur fait de son expérience, on ne voit pas de raison pour que la fulmination ne se soit pas opérée comme elle auroit eu lieu à l'air fibre: en effet, puisque le bec de la cornue où le cyanate a été chauffé plongeoit dans l'eau, la cornue contenoit un gaz ; et l'auteur ne disant pas avoir remplacé les six litres d'air qu'elle contenoit avant l'experience par un fluide élastique dépourvu de gaz oxigène, le lecteur doit penser que le cyanate a été décomposé dans un volume d'air que par approximation nous réduirons à cinq litres sous une pression de o",760 de mercure, et à la température de zéro; cela suppose 1075 centimètres cubes d'oxigène. Or les 0,1200 de cyanate contiennent of,0092, ou plutôt 8,4 centimètres cubes de carbone, lesquels demandent un volume double d'oxigène pour se convertir en acide carbonique; mais il y a déjà 8,4 centimètres cubes d'oxigène dans 0,12 de cyanate, conséquemment cette quantité de matière fulminante ne peut soutirer à l'atmosphère ou à l'air de la cornue que 8,4 centimètres cubes d'oxigène; conséquemment s'il n'y a pas eu de fulmination dans l'expérience précédente, comme le prétend le capitaine Brianchon, le lecteur ne peut admettre que cela ait été faute d'oxigène, sur-tout quand il ne trouve aucune expérience qui prouve que les 1075 centimètres d'oxigène contenus dans la cornue aient été retrouvés à l'état libre après la décomposition du cyanate.

Examinons maintenant si ce que nous savons de l'intensité du bruit qui peut être produit par l'air lorsque ce fluide se précipite dans un espace vide, est conforme à la nouvelle théorie de l'auteur. 0,06 de

cyanate chauffés dans un verre de montre le brisent en fulminant violemment or, cette quantité de cyanate ne peut absorber que 4,2 centimètres cubes d'oxigène atmosphérique; d'après cela la vitesse de l'air qui se précipite dans un vide aussi petit est-elle suffisante pour qu'on lui attribue le bruit de la fulmination et le brisement du verre! Et ajoutons premièrement qu'en admettant un vide produit dans la couche d'air qui enveloppe la matière fulminante par la soustraction de l'oxigène, il reste toujours dans cette couche les de son volume primitif d'azote qui doivent réduire à la vîtesse que l'air auroit s'il se précipitoit dans le vide absolu; deuxièmement, que nous ne connoissons aucun cas où du carbone venant à se combiner avec du gaz oxigène, celui-ci perde son état gazeux au moment de la combinaison, puisque le gaz acide carbonique a le même volume que l'oxigène qu'il contient : c'est pourtant ce qu'il faut admettre dans la nouvelle théorie de la fulmination du cyanate d'argent ; et troisièmement enfin, que si l'on calcule, d'après la loi de Mariotte, la hauteur d'une colonne de mercure nécessaire pour amener un volume d'azote gazeux, au volume que le même poids d'azote a dans sa combinaison avec l'iode, on verra que le choc produit par l'expansion subite de l'azote ainsi condensé, soit contre le verre, soit contre l'air, sera, au choc produit par l'air qui se précipite dans le vide occasionné dans une couche d'air par la simple soustraction de l'oxigène, comme la longueur de la première colonne de mercure est à la cinquième partie de la longueur de la colonne de vingt-huit pouces, sous la pression de laquelle l'air se précipite dans le vide dont nous parlons.

Nous bornerons à ce que nous venons de dire nos observations, quoiqu'il nous fût facile d'en ajouter d'autres, sur-tout relativement au rôle que l'auteur fait jouer dans la fulmination à l'oxigène, qu'il admet dans tous les mixtes fulminans, pour commencer le mouvement et déterminer l'appel des colonnes d'air. Nous engageons le capitaine Brianchon à continuer son travail, à revoir chacun des élémens de la théorie de la détonation en les soumettant à l'expérience, et au calcul quand ils en sont susceptibles; par ce moyen il établira des explications qu'il ne sera plus permis de mettre en discussion.

E. CHEVREUL.

ANATOMIE COMPARÉE DU CERVEAU dans les quatre classes des aniniaux vertébrés, appliquée à la physiologie et à la pathologie du système nerveux; par T. R. A. Serres, médecin ordinaire de l'hôpital de la Pitié, professeur agrégé de la faculté de médecine de Paris, &c.

Démocrite, Anaxagoras, disséquoient déjà le cerveau il y a près de trois mille ans; Haller, Vicq d'Azir et vingt anatomistes vivans l'ont disséqué de nos jours: mais, chose admirable! il n'en est aucun qui n'ait encore laissé des découvertes à faire à ses successeurs. CUVIER.

ouvrage qui a remporté le prix à l'Institut royal de France; tome I., in-8. de 700 pages en tout, principal texte, introduction et préface compris; avec un atlas de 16 planches, grand in-4.o, représentant 300 sujets, dessinés et lithographiés par Fertel, sous les yeux de l'auteur, et accompagnés d'une explication. A Paris, chez Gabon et compagnie, fibraires, rue de l'École-de-Médecine, et à Montpellier, chez les mêmes libraires, 1824.

L'ACADÉMIE royale des sciences avoit proposé, pour sujet d'un grand prix, l'anatomie comparée du cerveau dans les quatre classes des animaux vertébrés; ce prix a été décerné à M. Serres, auteur de l'ouvrage que nous allons faire connoître. Dans un discours préliminaire, qui est étendu, il fait sentir le besoin que la science avoit et qu'elle a encore de poursuivre des recherches sur l'anatomie du cerveau. Il y a long-temps qu'on a commencé à s'en occuper, et qu'on a connu P'utilité dont est pour cela l'anatomie comparée. Cependant les bases de cette partie de la science ne sont pas, dit l'auteur, encore posées, les élémens de l'encéphale ne sont pas déterminés, même chez les animaux vertébrés; on ignore de quelles parties se compose cet organe chez les poissons, les reptiles, les oiseaux; on n'est pas plus avancé sur leurs rapports et leurs connexions. M. Serres va jusqu'à dire sur ce dernier objet qu'on n'a que des idées erronées, parce qu'on comparoit toujours les unes aux autres des parties hétérogènes. Il manque, selon lui, une bonne détermination des élémens de l'encéphale dans les quatre classes des animaux vertébrés. Autrefois les préjugés ne permettoient pas de disséquer le cadavre de l'homme; son anatomie fut

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déduite de celle des animaux : plus tard, on put disséquer le corps de l'homme, auquel on rapporta tout. De l'examen de l'encéphale des quadrupedes, on passa à celui des oiseaux, puis des poissons, où l'on trouva des différences. Les anatomistes s'attachèrent d'abord aux formes extérieures; ils établirent des systèmes sur la préexistence des germes et de leur éternel emboîtement. De deux opinions qui se formèrent, l'une supposoit que tous les germes qui sont nés et qui doivent naître sont contenus dans le premier; l'autre avançoit que, malgré leur incomparable petitesse, les germes étoient en miniature des animaux parfaits. M. Serres, loin d'admettre de semblables hypothèses, pense que les organes des embryons, avant d'arrêter leurs formes permanentes, traversent une multitude de formes fugitives et de plus en plus simples. S'étant livré depuis douze ans à l'étude de l'organogénie, il présente l'ensemble des principaux faits auxquels il est arrivé. Il met sous les yeux du lecteur les principes philosophiques qui l'ont dirigé et les applications principales qui en ont été faites dans les sciences anatomiques. « Plus les sciences, dit-il, se perfectionnent, plus elles » se concentrent, plus elles se rapprochent de la nature. Les hommes » de génie qui en surprennent le secret se distinguent des observateurs » ordinaires par le talent de saisir les principes généraux, et par celui » plus singulier encore d'enchaîner les idées entre elles par la force » des analogies. » (II cite à cette occasion Descartes, Bacon, Galilée, Newton, Haller, Buffon, Lavoisier, &c.) « C'est, ajoute-t-il, un petit » nombre de principes généraux et féconds qui, dans les sciences phy» siques, semble avoir donné la clef de l'univers, et qui, par une » mécanique simple, explique l'ordre de l'architecture divine: pourquoi » n'en seroit-il pas de même dans les sciences anatomiques et phy» siologiques? » Le but auquel M. Cuvier prétend que doit tendre celui qui cultive les sciences naturelles, est de connoître les rapports généraux et les lois fixes de la formation. M. le professeur Duméril, embrassant les rapports des vertèbres et de leurs muscles, a émis l'idée que le crâne des animaux n'étoit qu'une grande vertèbre; et le cerveau, que la moelle épinière renflée : cette idée, d'abord repoussée, est devenue classique. M. Geoffroy de Saint-Hilaire, après trente ans de méditations, a proclamé l'unité de composition; M. Cuvier, qui jouit d'une célébrité justement acquise, rassemblant et réunissant des ossemens épars, des fragmens mutilés, trouvés dans les entrailles de la terre, a évoqué pour ainsi dire les restes d'un monde primitif submergé par le déluge. C'est pour marcher sur les traces de ces savans que M. Serres a entrepris l'ouvrage que nous analysons.

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Loin d'être de l'opinion de Haller et d'Albinus, qui admettent comme loi générale le développement central des animaux, il fait reposer toute la zoogénie sur le développement excentrique, d'où dérivent toutes les lois de la formation des organes, et par conséquent Ja névrologie, sur laquelle l'académie avoit appelé l'attention des concurrens. Ce principe étant établi, l'auteur explique la formation des nerfs et celle de la moelle épinière, &c.

On a regardé le système nerveux comme l'organe par lequel s'exécutent les sensations et les volontés de l'ame, dont on a cherché à expliquer l'harmonie par les esprits animaux, sorte d'abstraction à laquelle on donne un corps plus subtil qu'aucun fluide, et qu'on loge dans l'encéphale. M. Serres rejette l'existence de ce fluide imaginaire.

Il entre dans des détails sur l'organe encéphalique dans les quatre classes d'animaux vertébrés, dont les formes permanentes sont produites par le balancement respectif de ses diverses parties, et par l'influence réciproque que ces parties exercent les unes sur les autres.

Le phénomène qui lui paroît le plus curieux dans la formation de l'encéphale, est la marche opposée du cervelet et des hémisphères cérébraux; le cervelet se dirige d'arrière en avant, et les hémisphères suivent une progression inverse et se portent de devant en arrière. Aucun autre organe n'a offert une marche analogue: M. Serres fut long-temps à en découvrir la raison; enfin, il la trouva et la voici telle qu'il la donne. « Les carotides internes, sous l'influence desquelles » se développent les hémisphères cérébraux, se dirigent de devant en » arrière; les vertébrales, qui forment le cervelet, se portent au >> contraire d'arrière en avant: on voit donc que le cervelet et le >> cerveau devoient nécessairement suivre une direction opposée chez » tous les embryons et chez tous les animaux vertébrés. >>

M. Serres développe l'organisation insolite des monstres, qu'il déduit des conditions diverses d'existence de leur système sanguin artériel. Quelque singulières et bizarres que paroissent leurs associations organiques, elles sont toujours assujetties à une règle inviolable, celle de la connexion des parties.

Les notions préliminaires que nous venons de présenter ont paru l'auteur nécessaires pour donner la clef des faits dont se compose son

ouvrage.

Il est divisé en deux parties: l'une traite de l'anatomie comparative de l'encéphale des embryons dans les quatre classes des animaux vertébrés; la deuxième, de la névrologie comparative appliquée à la déter

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