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asiatique; et cette compagnie, persuadée de l'utilité d'une version critique de Mencius, voulut publier celle-ci à ses frais. En outre, M. le comte de Lasteyrie, avec cet empressement qu'on lui connoît pour tout ce qui peut être avantageux aux lettres et aux sciences, s'est chargé de son côté de faire lithographier le texte, et c'est par cet heureux concours d'intentions bienveillantes que M. Julien s'est trouvé en état de publier le fruit de ses veilles. Il y aura en tout quatre livraisons, dont la première, texte et traduction, est déjà entre les mains du public. II faut remarquer que le Mencius est le premier ouvrage qui ait paru sous les auspices de la société asiatique. C'est le second livre chinois qui ait vu le jour en France avec une traduction littérale; et si, comme on doit l'espérer, le jeune et laborieux éditeur met à achever son entreprise autant de zèle et de talens qu'il en a montré d'abord, son livre pourra, sans contestation, être mis à côté de tout ce que les différentes branches de la littérature orientale ont produit jusqu'ici de plus solide et de plus estimable.

J. P. ABEL-RÉMUSAT.

LES POËTES FRANÇAIS, depuis le X11. siècle jusqu'à Malherbe, avec une notice historique et littéraire sur chaque poëte; tomes III, IV, V et VI, in-8., Paris, imprimerie de Crapelet, 1824.

DEUXIÈME ET DERNIER EXTRAIT.

DANS le journal de juillet 1824 (1), j'ai rendu compte des deux premiers volumes qui commençoient cette importante collection, Les quatre que j'annonce aujourd'hui la complètent : ainsi l'éditeur a rassemblé en six volumes le choix des poésies qu'il a jugées dignes de faire connoître l'état et les progrès de cette partie de notre littérature, et il y a joint les notices relatives aux poëtes français depuis le x11.° siècle jusqu'à Malherbe.

Ils sont au nombre d'environ deux cents; mais je dois dire que le terme auquel l'éditeur a dû s'arrêter, en le désignant par ces mots jusqu'à Malherbe, n'a pas été fixé rigoureusement. Malherbe est mort en octobre 1628, et cependant l'éditeur a inséré des pièces de Maynard, mort en 1646, de Malleville, mort en 1649, de Racan, mort en 1670,

(1) Pag. 406 et suiv.

de Desbarreaux, mort en 1673, tandis qu'on ne trouve rien de Rotrou, mort en 1650, et dont quelques vers, tirés du petit recueil intitulé Œuvres diverses, n'auroient pas déparé la collection. Au reste, je fais ici une observation plutôt qu'une critique, car il y a telle pièce de ces poëtes qu'on seroit fâché de ne pas y trouver.

Le troisième volume contient plusieurs pièces de Clément Marot; elles sont trop connues pour en rien citer: mais on lira avec plaisir diverses poésies de ce roi chevalier, justement surnommé le père des lettres, qui aida aux succès de la langue française, lorsque, par son ordonnance de 1539, il exigea que « tous arrêts fussent prononcés, » enregistrés et délivrés aux parties, en langage paternel françois et non >> aultrement. »>

-Les vers suivans sont dignes de l'auteur des épitaphes de la belle Laure et d'Agnès Sorel :

CHANSON.

Ores que l'ai sous ma loy,
Plus je regne aymant que roy.
C'est fortune qui guerdonne
Du sceptre, empire et couronne;
Mais le cœur d'elle est le trône

Où veut s'asseoir mon amour;

Adieu visages de cour:

Pour cœurs faulx sont les faulx biens;

En elle sont tous les miens,

Ores que l'ai sous ma loy,

Plus je regne aymant que roy.

Parmi les ouvrages de François I." publiés dans cette collection; il en est un qui, à certains égards, mérite une distinction particulière. Le recueil des annales poétiques contient diverses pièces de ce prince, mais ne rapporte rien de l'épître à M. d'Heilli, depuis duchesse d'Etampes; et ce qui est plus surprenant, c'est que M. Gaillard, qui, dans son Histoire de François I.", en sept volumes, a eu soin d'indiquer et de juger ses poésies, ne parle point de cette épître. C'est cependant la pièce la plus considérable de ce prince: elle contient environ cinq cents vers, plus intéressans toutefois par le récit des faits, par les sentimens, que par l'expression.

Comme l'éditeur n'indique pas l'ouvrage manuscrit ou imprimé d'où elle est tirée, j'ai fait les recherches convenables pour m'assurer qu'elle `est véritablement de ce prince (1).

(1) Il existe à la Bibliothèque du Roi deux manuscrits où cette épître se

Écrite après la bataille de Pavie, cette épître en rapporte diverses circonstances. Voici des passages qui expriment honorablement les sentimens chevaleresques du Roi.

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Bien monstrasmes, et chacun le peult veoir,
Que peu prysons la vye pour (*) devoir....
Après divers détails, il continue ainsi :
Autour de moy en regardant ne veiz
Que peu de gens nostres, à mon advis;
Et à ceulx-là confortai sans doubtance
De demourer plustost en espérance
D'honneste mort ou de prise en effect,
Qu'envers honneur de nous riens fust forfaict;
Dont combatans furent tous morts ou pris,
Ce peu de gens qui méritent grant pris.

Et la je fus longuement combatu

Et mon cheval mort sus moi abbatu.

VARIANTES

du manuscrit 34.

(*) le

J'ai précédemment annoncé que l'épître est adressée à la demoiselle

d'Heilli :

Assez souvent si me fut demandée

La myenne foy qu'à toy seulle ay donnée,

Mais nul ne peult se vanter de l'avoir,

En te gardant d'amitié le devoir,

Encore (*) que nul salut espérasse,
Et de ma vye en tout désespérasse;
Je te promets que j'eus bien la puissance
D'esvertuer ma debile (*) deffense....

(*) encores

(*) debille

trouve parmi les pièces attribuées à François I.er: 1.° un vol. in-8. vélin, fonds de Cangé, sans numéro, coté 34 de la Bibliothèque du Roi, intitulé, les Euvres de François, premier de ce nom. Ily en a aussi de la duchesse d'Alençon, depuis reine de Navarre, sa sœur, et les pièces les plus considérables de ce recueil regardent ce prince, Louise de Savoie sa mère et la duchesse d'Alençon sa sœur. La première pièce est celle qui, dans la collection, est intitulée Epitre à Mlle d'Heilli, &c.; mais il n'y a dans le manuscrit aucune indication de la personne à qui ce prince l'adresse. 2.o Un vol. in-4.°, vélin, n.o 370 des manuscrits de Baluze, contient, entre autres, diverses pièces de François I.er Cette épître s'y trouve; mais il y manque les trente-cinq premiers vers. Elle a été imprimée d'après ce manuscrit, pag. 337 de l'Histoire justifiée contre les romans, l'abbé Lenglet du Fresnoy, 1735, in-12. Il m'a paru que c'est d'après le manuscrit n.o 34 que l'éditeur de la collection a publié cette épître. J'ai indiqué quelques légères variantes.

par

M

1

De toutes parz lors despouillé (*) je fuz ;
Rien n'y servit deffense ni refuz,
Et la manche, de moy tant estimée,
Par pouvre main fut toute despécée.
Las! quel regret en mon cœur fut houtté
Quant sans deffense ainsi me fut osté
L'heureux présent par lequel te promis
Point ne fouyr devant mes ennemis!..
Las que diray! Cela ne veulx nyer;

Vaincu je fuz et rendu prisonnier.

Parmy le camp en tous lieux fuz mené
Pour me monstrer çà et là pourmené.
O quel regret je soutins à cette (*) heure
Quant je congnus (*) plus ne faire demeure
Avecques moy la tant doulce espérance
De mes amys retourner veoir en France!
Trop fort doubtant que l'amour de ma mère
Ne peust souffrir ceste nouvelle amère.

Il parle ensuite de son amour :

Mais si le temps quelque jour veult permettre
Qu'en liberté me puisse veoir remettre....

Alors sera converti la couleur (*)

De nostre mal en plaisir pour doulleur,
Alors verrons triomphant le plaisir,
Tant achepté par tourmenté desir,

Et nostre foy esprouvée en absence

Lors recevra le fruict de récompense.

(*) despoillé

(*) celle (*) cognuz

(*) coulleur

Pierre Fabry, poëte de l'époque, avait composé l'Art de pleine rhétorique, ouvrage nécessaire à toutes gens qui desirent à bien élégantement parler et écrire tant en prose qu'en rime. Il est remarquable qu'il réclamoit alors en faveur de certains mots que le temps avoit modifiés. Si je rapporte quelque chose de ce poëte, c'est pour donner une idée des vers qu'on appeloit équivoqués. Les exemples suivans feront mieux connoître ce genre bizarre que la définition que je pourrois en faire:

Ceste rime vers vous maintien,

Estre équivoque par exemple.

Je te donne ce qu'en MAIN TIEN.
Autre exemple par excellence,

Dans clercs, nobles, et le commun,

L'estat de noblesse EXCELLE EN CE

Qu'elle deffend chascun COMME UN, &c. &c.

Parmi plusieurs auteurs qu'il me faut passer sous silence, j'indiquerai deux ballades d'Eustorge de Beaulieu, qui sont dans le goût malin et piquant des vaudevilles des bons maîtres.

Le refrain de la première est: Chacun porte honneur aux habits.
Si Dieu ressuscitoit saint Paul

Qui n'avoit onc robe honorable,
On le chasseroit comme un fol
Et ne seroit point agreable.
Aujourd'hui pour estre acceptable,
Faut porter saphyrs et rubis,

Et braguer comme un connétable.
Chacun porte honneur aux habits.

Voici le premier couplet de la seconde :
On ne voit plus un tas de saintes gens
Par les déserts, comme au temps ancien,
Ni départir les biens aux indigens,
Comme jadis faisoient les gens de bien.
Aucun pasteur, si non courtisien,

On ne voit plus, ni qui presche en la chaire;

Ains presche au peuple, un moine, ou gardien,
Qui vit du pain de ceux qui iui font bien.

Et les prélats, que font-ils! Grosse chère.

Ce dernier vers est le refrain de la ballade.

Une épigramme de Bérenger de la Tour sur les cheveux de Louise, a été imitée sans doute de Martial, comme celle qui fut faite plus tard contre l'abbé de Roquette au sujet de ses sermons :

Le poil doré, cler et luisant,

Qui fait un front beau et plaisant
A Louise, est sien comme on dit;
Ce qu'est vrai, car j'estois présent
Quand le marchant les lui vendit.

François Habert, auteur de divers ouvrages en vers publiés au milieu du XVI. siècle, a laissé un recueil de fables. L'éditeur en a admis trois, dont les sujets ont été traités aussi par la Fontaine. Celle du Coq et du Renard, une de l'Araignée, de la Guespe et de la Mouche, que je me borne à indiquer, et celle du Lion, du Loup et de l'Asne, intitulée dans la Fontaine, les Animaux malades de la peste.

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