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que faire se peut les individus soupçonnés; charger une personne de confiance de préparer, d'administrér ellemême les médicaments, les aliments; recommander au malade de ne pas les prendre s'il leur trouve une saveur insolite.

IV. RAPPORTS JUDICIAIRES. Les seuls qui doivent nous occuper, en particulier ceux qui concernent la toxicólogie: ils connaissent des faits relatifs à la juridiction criminelle, ont pour but d'éclairer le jury, les juges, sur l'existence ou la non-existence d'un crime, d'un délit. Les autorités requérantes sont les procureurs, juges d'instruction, et, à leur défaut, dans les cas de flagrant délit, les officiers de police judiciaire ou auxiliaire, tels que juges de paix, maires, adjoints, commissaires de police, officiers de gendarmerie, les présidents des cours royale et de première instance; les premiers en matière criminelle, les seconds en matière civile.

Les rapports judiciaires toxicologiques, comme du reste tous les autres, se composent de trois parties: 1° le préambule; 2° l'exposé des faits; 3° les conclusions.

A.-Préambule, protocole, formule d'usage. C'est la partie du rapport où sont indiqués : 1o les noms, prénoms, qualités et domicile des experts; 2° les nom, siége et qualité du magistrat requérant, de celui qui assisté à l'expertise; 3o l'heure à laquelle on a été requis, on s'est rendu chez le magistrat, sur le lieu et procédé à l'expertise; 4o la nature de la mission, qu'il faut souligner; 5° la prestation du serment. La formule, quoique au fond la même, peut varier dans la forme.

B Exposition des faits, narration, description. Un paragraphe est d'abord consacré à la description des lieux, des objets, du sujet de l'expertise, aux renseignements fournis sur le corps du délit, sur les circonstances qui l'ont précédé, en tant qu'elles se rattachent à la cause, etc. On

procède ensuite à l'exposition des faits, dans autant de paragraphes distincts qu'il doit y avoir d'expériences, d'analyses, de recherches distinctes. Comme les cas où l'expert est appelé à faire des rapports toxicologiques sont très-variés, il est impossible d'indiquer l'ordre dans lesquels on doit exposer les faits. On suit en général celui qui est tracé dans la nature de la mission. Ces cas cependant peuvent se réduire aux suivants : 1. relation des effets; 2. levée de corps; 3. autopsie; 4. exhumation; 5 contreexpertise; 6. falsification des aliments, des médicaments; 7. taches de sang, de sperme, etc, coloration des cheveux; 8. altération des actes, des monnaies, etc.— L'exposition étant la partie la plus importante du rapport, les faits doivent y être classés, décrits avec soin, clarté, précision. S'il est nécessaire d'instituer quelques expériences pour corroborer les résultats obtenus, élucider les faits qui paraissent douteux, il faut, autant que possible, se placer dans des conditions analogues.

C. Conclusions. Elles sont la conséquence rigoureuse des résultats de l'exposition. On peut tirer une conclusion générale, déduite de l'ensemble des faits, ou bien, et c'est ce qui a lieu habituellement, consacrer une conclusion à chaque fait important, et terminer par une conclusion générale, qui les résume en quelque sorte.

Comme nous consacrons à chacun des cas énoncés un article dans lequel nous indiquons la manière de procéder, les difficultés qui peuvent se présenter, avec un rapport spécial à l'appui, cela nous dispense d'entrer dans plus de détails sur la rédaction des rapports.

Le plus ordinairement, l'expert est mandé auprès du magistrat, par lettre, qu'il faut conserver, joindre au rapport, et sur laquelle sont fixés les honoraires. S'il doit procéder à l'expertise en l'absence du magistrat, il prête şerment entre ses mains. S'il en est accompagné, ou de son

subdélégué, c'est sur le lieu même et en présence du corps du délit, et, dans l'un et l'autre cas, après avoir pris connaissance de l'ordonnance dans laquelle est exposée la nature de la mission. L'expert doit se renfermer dans les questions qui lui sont posées; toutefois il peut s'en écarter, si, pendant les recherches, s'offraient des faits imprévus, qui puissent éclairer l'instruction. S'il y a eu déjà une ou plusieurs expertises, on lui en communique les pièces. D'ailleurs il peut les réclamer à titre de renseignement. Il peut aussi, pour éclaircir certains faits, demander l'exhumation du restant du cadavre, de la terre du cimetière. Les dit-on, les renseignements indirects, les preuves morales, ne doivent avoir aucune influence sur les recherches, les conclusions Il serait même à désirer que l'expert ne connût de la cause que ce qui est nécessaire pour la direction à donner à l'analyse, et qu'il établit seulement ses convictions d'après le résultat de l'expertise.

I.-Relation des effets.

L'expert est bien rarement appelé à constater les effets toxiques, à suivre la maladie, à en diriger le traitement, parce que, dans la plupart des cas, lorsque l'instruction commence, le crime est consommé. Cependant nous en citons des exemples dans les empoisonnements multiples, à la suite d'un repas, par l'usage de boissons plombiques, le séjour dans un milieu où plusieurs personnes se trouvent incommodées, éprouvent des accidents insolites. MM.Chevallier, Ollivier d'Angers, Roger, ont eu à constater si les accidents éprouvés par trois enfants, habitant le troisième étage, n'étaient pas dus aux vapeurs du mercure, en distillation dans la cour. Darcet a été appelé à faire des rapports sur la nature des accidents produits par les vapeurs mercurielles, le gaz de la combustion.

M. Andral, dans l'affaire Praslin, commis le troisième

jour, à l'effet de constater la nature des symptômes, de suivre la maladie, s'exprime à peu près ainsi : « Le malade, couché dans son lit, dit qu'il se trouve mieux; sa parole est ferme, l'intelligence nette; pas de douleur à la région épigastrique, même à la pression; langue naturelle; respiration normale; toutefois avec cet ensemble rassurant, deux symptômes fixent surtout notre attention, la petitesse extrême et l'irrégularité du pouls et des battements du cœur, qui sont à peine appréciables, le froid glacial des extrémités. Ces symptômes, qui ne sont pas sans inquiétude, peuvent bien provenir d'une forte affection morale, mais dépendre aussi de l'ingestion d'un poison. Je pense qu'il est nécessaire, à l'avenir, de conserver toutes les matières des évacuations, afin qu'elles soient soumises à l'analyse. Ces matières donnèrent en effet de l'arsenic.

Dans tous les cas où des symptômes graves, insolites, ne peuvent recevoir d'autre interprétation, même dans ceux où il s'élève des soupçons, on doit, à l'exemple de M. Andral, recueillir les matières des déjections, les urines, la présence du poison dans ces matières étant un des signes le plus certain de l'empoisonnement. Voici un rapport où les experts ont été requis à l'effet de suivre la maladie, de diriger le traitement dans un empoisonnement multiple par des petits gâteaux feuilletés, au centre desquels se trouvait de la confiture saupoudrée d'acide arsénieux, et envoyés par le sieur Aimé à ses deux maîtresses, dans le but de se venger de leur dédain. Par des circonstances particulières, plusieurs autres personnes en ont été victimes.

RAPPORT (Relation des Effets).

Le 3 janvier 1848, en suite d'une ordonnance de M. le procureur de la république, qui nous invite, non-seulement à visiter diverses personnes qui auraient été empoisonnées par l'arsenic, mais encore à leur donner des soins avec le médecin trai

tant, nous nous sommes rendus rue de la Victoire, no 33, chez le concierge de ladite maison, où nous avons trouvé trois personnes malades, père, mère et un enfant de dix ans, nommés Legorjeu,

Renseignements. La demoiselle Emma, logée au quatrième étage, avait l'habitude d'envoyer des gâteaux à la famille Legorjeu, quand elle en recevait ou en achetait. En ayant reçu plusieurs, à six heures de l'après-midi, elle en fit descendre quelques-uns par sa bonne, demi-heure après. A peine chacun d'eux avait-il mangé environ la moitié d'un gâteau, que la fille Emma leur fit dire de s'en abstenir, attendu qu'elle se trouvait incommodée depuis qu'elle en avait mangé.

Demi-heure après le repas, la femme Legorjeu est prise de vomissements, et le mari de malaise. Cependant il peut aller chercher un médecin pour secourir son enfant, chez lequel les vomissements étaient incessants. Le père en eut bientôt après. Tous éprouvèrent, en outre des évacuations alvines, les symptô mes suivants : prostration, abattement, erampes, coliques, engourdissement des membres, altération profonde des traits, à un point tel qu'on eût dit la femme atteinte du choléra le plus violent; oppression très-grande, difficulté extrême de respirer, battements tumultueux du cœur, petitesse extrême du pouls, refroidissement des extrémités.

Chez l'enfant, les vomissements et les évacuations alvines ont été nombreux et ont persisté pendant trente-six heures, mais le calme est survenu. Les autres symptômes ont peu à peu perdu de leur intensité, et aujourd'hui, 3 janvier, le malade est levé, se trouve bien, a commencé à prendre des aliments.

Les vomissements et les évacuations alvines ont été moins nombreux chez le père, mais il a perdu la sensibilité de la moitié du corps. Aujourd'hui il est levé, assis, dans un état de faiblesse très-marqué: il sent son bras et sa jambe, mais le bras est encore lourd, sans force. Le malade a pris un peu de bouillon.

Chez la femme, les accidents ont été plus intenses : elle a, dit-on, vomi plus de cent fois, a eu des crampes, des convulsions continuelles, ce n'est qu'aujourd'hui qu'elle se trouve un peu mieux; cependant elle est au lit, très-prostrée, abattue, ke pouls petit et faible, sans chaleur notable à la peau.

La demoiselle Emma, qui a mangé deux gâteaux et demi, a

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