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CHEZ FIRMIN DIDOT FRERES, FILS ET C, LIBRAIRES

IMPRIMEURS DE L'INSTITUT DE FRANCE

RUE JACOB, 56

M DCCC LXX

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PAR GRIMAREST*.

Jean-Baptiste Poquelin de Molière était fils et petit-fils de tapissiers, valets de chambre du roi Louis XIII. Son père avait sa boutique sous les piliers des Halles, dans une maison qui lui appartenait en propre. Sa mère s'appelait Boudet; elle était aussi fille d'un tapissier, établi sous les mêmes piliers des Halles.

Les parents de Molière l'élevèrent pour être tapissier, et ils le firent recevoir en survivance de la charge du père, dans un âge peu avancé; ils n'épargnèrent aucun soin pour le mettre en état de la bien exercer, ces bonnes gens n'ayant pas de sentiments qui dussent les engager à destiner leur enfant à des occupations plus élevées: de sorte qu'il resta dans la boutique jusqu'à l'âge de quatorze ans ; et ils se contentèrent de lui faire apprendre à lire et à écrire pour les besoins de sa profession.

Molière avait un grand-père qui l'aimait éperdument; et comme ce bon homme avait de la passion pour la comédie, il y menait souvent le petit Poquelin, à l'hôtel de Bourgogne. Le père, qui appréhendait que ce plaisir ne dissipât

* Les notes sur cette vie de Molière sont de M. Aimé-Martin; celles ajoutées au texte sont de divers commentateurs, désignés ainsi qu'il suit :

BRET (B.).
LA HARPE (L.).
PETITOT (P.).

AUGER (A.).

DESPRÉS (D.).

NICOT (NIC.).

Le Duchat (LE DUCH.).

MÉNAGE (MÉN.).

Celles non signées sont de M. AIMÉ-MARTIN.

Les recherches précieuses de M. Beffara nous ont appris que Molière est né, non sous les piliers des Halles, mais dans la rue Saint-Honoré, près de la rue de l'Arbre-Sec; non en 1620, mais le 15 janvier 1622; et que sa mère s'appelait, non Boudet, mais Marie Cressé, fille d'un marchand tapissier des Halles. (DESP.) (Voyez la Dissertation sur Molière, par M. Beffara.)

M. Delort, auteur d'un ouvrage fort curieux sur Paris, a découvert que cinq des parents de Molière avaient été juges et consuls de la ville de Paris (depuis 1647 jusqu'en 1685), fonctions considérables qui donnaient quelquefois la noblesse. (Voyez le Voyage aux environs de Paris, page 199.)

2 Nous avons essayé de découvrir le nom des comédiens qui durent frapper les premiers regards de Molière. Parmi eux se trouvaient trois farceurs célèbres: Gauthier - Garguille, Turlupin et Gros-Guillaume. Une tendre amitié et le goût de la comédie les ayant réunis, ils élevèrent leurs tréteaux à l'Estrapade, et ils obtinrent une si grande vogue que le bruit en parvint jusqu'à Richelieu. Ce ministre voulut les voir; et charmé de leurs bouffonneries, il fit venir les comédiens de l'hôtel de Bourgogne, et leur dit qu'on sortait toujours triste de la représenMOLIÈRE.

son fils, et ne lui ôtât toute l'attention qu'il devait à son métier, demanda un jour à ce bon homme pourquoi il menait si souvent son petit-fils au spectacle. « Avez-vous, lui dit« il avec un peu d'indignation, envie d'en faire un comédien ? << Plût à Dieu, lui répondit le grand-père, qu'il fût aussi bon « comédien que Bellerose1» (c'était un fameux acteur de ce temps-là)! Cette réponse frappa le jeune homme; et sans pourtant qu'il eût d'inclination déterminée, elle lui fit naître du dégoût pour la profession de tapissier, s'imaginant que, puisque son grand-père souhaitait qu'il pût être comédien, il pouvait aspirer à quelque chose de plus qu'au métier de son père.

Cette prévention s'imprima tellement dans son esprit, qu'il ne restait dans la boutique qu'avec chagrin. De manière que, revenant un jour de la comédie, son père lui demanda pourquoi il était si mélancolique depuis quelque temps. Le petit Poquelin ne put tenir contre l'envie qu'il avait de déclarer ses sentiments à son père; il lui avoua franchement qu'il ne

tation de leurs pièces, et qu'il leur ordonnait de s'associer ces trois acteurs comiques. Cet ordre fut exécuté; et c'est à l'hôtel de Bourgogne, au bout de deux ou trois ans, en 1634, que se termina leur histoire par la plus touchante catastrophe : « Gros<< Guillaume, disent les frères Parfait, ayant eu la hardiesse << de contrefaire un magistrat à qui une certaine grimace était << familière, il le contrefit trop bien, car il fut décrété, ainsi que << ses deux compagnons. Ceux-ci prirent la fuite: mais Gros« Guillaume fut arrété, et mis dans un cachot. Le saisissement « qu'il en eut lui causa la mort, et la douleur que Gauthier« Garguille et Turlupin en ressentirent, les emporta aussi dans << la même semaine. Ces trois acteurs avaient toujours joué sans « femmes. Ils n'en voulaient pas, disaient-ils, parce qu'elles les « désuniraient. » On ne peut s'empêcher de plaindre et d'admirer ces pauvres gens; et l'on dirait volontiers de leur amitié ce que Molière a dit de la vertu : Où diable va-t-elle se nicher! Ces acteurs ne furent remplacés que plusieurs années après par le fameux Scaramouche, qui devint le maître de Molière, et que Mazarin fit venir d'Italie. Ainsi deux cardinaux protégèrent notre théâtre naissant.

Molière avait environ douze ans à l'époque de cette catastrophe. Elle dut le frapper, car il est à remarquer que dans aucune de ses pièces il n'a introduit de rôle de magistrat.

1 Pierre le Meslier, dit Bellerose, était un des plus excellents acteurs qui eussent paru dans le genre tragique sous le règne de Louis XIII. L'auteur d'une lettre sur la vie et les ouvrages de Molière et les comédiens de son temps dit, en parlant de Bellerose, «< que l'on croit que c'est lui qui a joué d'original le rôle « de Cinna. Il était, ajoute-t-on, en grande réputation sous le «< cardinal de Richelieu. Il annonçait de bonne grace, parlait << facilement, et ses petits discours faisaient toujours plaisir à « entendre. (Il était orateur de la troupe. Il a joué le rôle du « Menteur d'original.) Le cardinal de Richelieu lui avait fait << présent d'un habit magnifique pour jouer ce rôle. » ( Mercur.

pouvait s'accommoder de sa profession; mais qu'il lui ferait un plaisir sensible de le faire étudier. Le grand-père, qui était présent à cet éclaircissement, appuya par de bonnes raisons l'inclination de son petit-fils; le père s'y rendit, et se détermina à l'envoyer au collége des jésuites'.

Le jeune Poquelin était né avec de si heureuses disposi tions pour les études, qu'en cinq années de temps il fit nonseulement ses humanités, mais encore sa philosophie.

Ce fut au collége qu'il fit connaissance avec deux hommes illustres de notre temps, M. Chapelle et M. Bernier 3.

Chapelle était fils de M. Luillier, sans pouvoir être son héritier de droit; mais celui-ci aurait pu lui laisser les grands biens qu'il possédait, si, par la suite, il ne l'avait reconnu incapable de les gouverner. Il se contenta de lui laisser seulement huit mille livres de rente entre les mains de personnes qui les lui payaient régulièrement.

M. Luillier n'épargna rien pour donner une belle éducation à Chapelle, jusqu'à lui choisir pour précepteur le célèbre M. de Gassendi, qui ayant remarqué dans Molière toute la docilité et toute la pénétration nécessaires pour prendre les connaissances de la philosophie, se fit un plaisir de la lui enseigner en même temps qu'à MM. Chapelle et Bernier 4.

Cyrano de Bergerac 5, que son père avait envoyé à Paris, sur sa propre conduite, pour achever ses études, qu'il avait assez mal commencées en Gascogne, se glissa dans la société des disciples de Gassendi, ayant remarqué l'avantage considérable qu'il en tirerait. Il y fut admis cependant avec répugnance: l'esprit turbulent de Cyrano ne convenait point à des jeunes gens qui avaient déjà toute la justesse d'esprit que l'on peut souhaiter dans des personnes toutes formées. Mais le moyen de se débarrasser d'un jeune homme aussi insinuant, aussi vif, aussi gascon que Cyrano? Il fut donc reçu aux études et aux conversations que Gassendi conduisait, avec les personnes que je viens de nommer. Et comme ce même Cyrano était très-avide de savoir, et qu'il avait une mémoire fort heureuse, il profitait de tout; et il se fit un fonds de bonnes choses, dont il tira avantage dans la suite. Molière aussi ne s'est pas fait un scrupule de placer dans ses ouvrages plusieurs pensées que Cyrano avait employées

de France, mai 1740.) Ses talents supérieurs n'empêchèrent pas de remarquer ses défauts. Scarron, Jans son Roman comique, fait dire à la Rancune que ce comédien était trop affecté; et on lit dans les Mémoires du cardinal de Retz, que madame de Montbazon ne pouvait se résoudre à aimer M. de la Rochefouchauld, parce qu'il ressemblait à Bellerose, qui avait l'air trop fade. Cet acteur mourut en 1670 (Frères Parfait, tome V).

'C'est-à-dire au collège de Clermont, depuis Louis-le-Grand, dirigé par les jésuites. Molière avait alors quatorze ans (en 1636); il resta au collége jusqu'à la fin de 1641. Le prince de Conti, frère du grand Condé, âgé de sept ans, fut un de ses condisciples. (Vie de Molière, par la Grange, préface de l'édition de 1682.)

2 Chapelle, célèbre par sa gaieté, sa vie insouciante, et par le Voyage qu'il composa avec Bachaumont.

3 Les Voyages de Bernier sont encore ce que nous avons de mieux sur le Mogol, l'Indoustan et le royaume de Cachemire, pays qu'il parcourut avec l'empereur Aureng-Zeb, auprès duquel il resta douze ans.

4 Grimarest oublie le célèbre Hesnault, qui fut aussi condisciple de Molière sous Gassendi. Ces premières études de philosophie inspirèrent sans doute à Hesnault et à Molière l'idée de traduire Lucrèce. La traduction de Molière est perdue: on ne connait de celle d'Hesnault que l'invocation à Vénus.

5 Cyrano de Bergerac, né en 1620. Son caractère était bouillant; sa bravoure le rendit célèbre : il n'y avait pas de jour qu'il ne se battit en duel, et l'auteur de sa vie a remarqué que ce fut presque toujours en qualité de second. Cet auteur, dit Sabat

auparavant dans les siens. Il n'est permis, disait Molière, de reprendre mon bien où je le trouve 1.

Quand Molière eut achevé ses études, il fut obligé, à cause du grand âge de son père 2, d'exercer sa charge pendant quelque temps; et même il fit le voyage de Narbonne à la suite de Louis XIII 3. La cour ne lui fit pas perdre le goût qu'il avait pris dès sa jeunesse pour la comédie; ses études n'avaient même servi qu'à l'y entretenir 4. C'était assez la coutume dans ce temps-là de représenter des pièces entre amis. Quelques bourgeois de Paris formèrent une troupe dont Molière était; ils jouèrent plusieurs fois pour se divertir. Mais ces bourgeois ayant suffisamment rempli leur plaisir, et s'imaginant être de bons acteurs, s'avisèrent de tirer du profit de leurs représentations. Ils pensèrent bien sérieusement aux moyens d'exécuter leur dessein; et après avoir pris toutes leurs mesures, ils s'établirent dans le jeu de paume de la Croix-Blanche, au faubourg Saint-Germain 5. Ce fut alors que Molière prit le nom qu'il a toujours porté depuis. Mais lorsqu'on lui a demandé ce qui l'avait engagé à prendre celuilà plutôt qu'un autre, jamais il n'en a voulu dire la raison, même à ses meilleurs amis 6.

tier de Castres, était capable de devenir grand physicien, habile critique, et profond moraliste, si la mort ne l'eût enlevé presque aussitôt qu'il se fut consacré aux lettres.

Le Pédant joué de Cyrano a fourni à Molière deux scènes des Fourberies de Scapin. Cyrano composa cette pièce étant encore au collége, pour se venger d'un de ses professeurs.

2 Non pas à cause du grand áge de son père, puisque celui-ci n'avait que quarante-six ans; Molière en avait dix-neuf. (BEFFARA.)

3 Ce voyage fut marqué par des événements mémorables : Louis XIII reprit Perpignan sur les Espagnols. Molière put voir Richelieu, sur son lit de mort, déjouant la conspiration de Cinq-Mars et de de Thou, ressaisissant d'une main ferme le pouvoir qu'on tentait de lui arracher, et au moment de descendre le Rhône, faisant attacher à la queue de sa barque celle qui renfermait les deux victimes qu'il conduisait à l'échafaud. Toujours auprès du roi, Molière fut témoin de l'imprudence du favori, du despotisme du ministre, et de la faiblesse du maître. Ce furent là ses premières études du cœur humain.

4 Il y a ici une lacune de plusieurs années sur lesquelles les Mémoires jettent peu de lumière. On peut présumer cependant, d'après l'aveu de Grimarest, à la fin de la l ́ie, et surtout d'après la comédie satirique d'Élomire, qu'en 1642 le père de Molière se décida à envoyer son fils à Orléans pour y faire son droit, et que le jeune Poquelin ne revint à Paris qu'au mois d'août 1645, époque à laquelle il fut reçu avocat. Il suivit alors le barreau; ou plutôt, entraîné par son goût pour le théâtre, il devint un des plus assidus spectateurs de l'Orviétan et de Bary, successeurs de Mondor et de Tabarin, dont les tréteaux s'élevaient sur le Pont-Neuf, et qui partageaient l'admiration avec le fameux Scaramouche. Quelques Mémoires assurent même que Molière prenait dès lors des leçons particulières de ce dernier. (Ménagiana, page 9; et Vie de Scaramouche, par Mezzetin.) Tallemant, dans des Mémoires manuscrits cités par M. Walckenaer (Histoire de la Fontaine, pag. 73), dit que Molière avait d'abord étudié la théologie, et que ses parents le destinaient à l'état ecclésiastique. Cette anecdote est invraisemblable, puisque Molière était appelé à succéder à la charge de valet de chambre exercée par son père. L'assertion vague de Tallemant ne mérite donc aucune confiance.

5 Cette troupe, connue sous le nom d'illustre théâtre, était dirigée par les Béjart (1645). Elle débuta sur les fossés de la porte de Nesle, aujourd'hui la rue Mazarine. N'ayant obtenu aucun succès, elle traversa la Seine, et ouvrit un théâtre au port Saint-Paul. De là elle revint au faubourg Saint-Germain, et c'est alors seulement qu'elle s'établit au jeu de paume de la CroixBlanche.

6 Ce silence n'a rien de fort merveilleux : peut-être que le souvenir de la Polyxène, roman qui avait alors quelque réputa

L'établissement de cette nouvelle troupe de comédiens n'eut point de succès, parce qu'ils ne voulurent pas suivre les avis de Molière, qui avait le discernement et les vues beaucoup plus justes que des gens qui n'avaient pas été cultivés avec autant de soins que lui.

I

Un auteur grave nous fait un conte au sujet du parti que Molière avait pris de jouer la comédie. Il avance que sa famille, alarmée de ce dangereux dessein, lui envoya un ecclésiastique pour lui représenter qu'il perdait entièrement l'honneur de sa famille; qu'il plongeait ses parents dans de douloureux déplaisirs, et qu'enfin il risquait son salut d'embrasser une profession contre les bonnes mœurs, et condamnée par l'Église; mais qu'après avoir écouté tranquillement l'ecclésiastique, Molière parla à son tour avec tant de force en faveur du théâtre, qu'il séduisit l'esprit de celui qui le voulait convertir, et l'emmena avec lui pour jouer la comédie. Ce fait est absolument inventé par les personnes de qui M. Perrault peut l'avoir pris pour nous le donner; et quand je n'en aurais pas de certitude, le lecteur, à la première réflexion, présumera avec moi que ce fait n'a aucune vraisemblance. Il est vrai que les parents de Molière essayé rent, par toutes sortes de voies, de le détourner de sa résolution; mais ce fut inutilement : sa passion pour la comédie l'emportait sur toutes leurs raisons 2.

Quoique la troupe de Molière n'eût point réussi, cependant, pour peu qu'elle avait paru, elle lui avait donné occasion suffisamment de faire valoir dans le monde les dispositions extraordinaires qu'il avait pour le théâtre; et M. le prince de Conti, qui l'avait fait venir plusieurs fois jouer dans son hôtel, l'encouragea; et voulant bien l'honorer de sa protection, il lui ordonna de le venir trouver en Languedoc avec sa troupe, pour y jouer la comédie 3.

Cette troupe était composée de la Béjart, de ses deux frères; de Duparc, dit Gros-René; de sa femme; d'un påtissier de la rue Saint-Honoré, père de la demoiselle de la Grange, femme de chambre de la de Brie 4; celle-ci était

aussi de la troupe avec son mari, et quelques autres'. Molière, en formant sa troupe, lia une forte amitié avec la Béjart, qui, avant qu'elle le connût, avait eu une petite fille de M. de Modène, gentilhomme d'Avignon, avec qui j'ai su, par des témoignages très-assurés, que la mère avait contracté un mariage caché. Cette petite fille, accoutumée avec Molière, qu'elle voyait continuellement, l'appela son mari dès qu'elle sut parler 2; et à mesure qu'elle croissait, ce nom déplaisait moins à Molière; mais cela ne paraissait à personne tirer à aucune conséquence. La mère 3 ne pensait à rien moins qu'à ce qui arriva dans la suite; et occupée seu. lement de l'amitié qu'elle avait pour son prétendu gendre, elle ne voyait rien qui dût lui faire faire des réflexions.

3

Molière partit avec sa troupe, qui eut bien de l'applaudissement en passant à Lyon en 1653, où il donna au public

force de faire crédit à ses confrères du Parnasse, il se ruina, et qu'un beau matin, sans aucun respect pour les muses, des huissiers le jetèrent dans une prison. en sortit après un an de captivité, et voulut donner au monde les vers qu'il avait com

posés; mais, dit plaisamment d'Assoucy, «il ne trouva dans Paris

« aucun poëte qui le voulût nourrir à son tour, et aucun pâtis « sier qui, sur un de ses sonnets, lui voulût faire crédit seule « ment d'un pâté. Il sortit donc de Paris avec sa femme et ses << enfants, lui cinquième, en comptant un petit åne tout chargé « de ses œuvres, pour aller chercher fortune en Languedoc, ou << il fut reçu dans une troupe de comédiens qui avait besoin d'un << homme pour faire un personnage de Suisse, où, quoique son « rôle fût tout au plus de quatre vers, il s'en acquitta si bien, «< qu'en moins d'un an il acquit la réputation du plus méchant «< comédien du monde; de sorte que les comédiens ne sachant

« à quoi l'employer, le voulurent faire moucheur de chandelles; «< mais il ne voulut point accepter cette condition, comme ré<< pugnante à l'honneur et à la qualité de poëte: depuis, ne pou<< vant résister à la force de ses destins, je l'ai vu avec une autre troupe, mouchant les chandelles fort proprement. Voilà le << destin des fous quand ils se font poëtes, et le destin des poètes << quand ils deviennent fous. » (D'Assoucy, Aventures d'Italie, pag. 284.)

"

Ces acteurs ne faisaient pas partie de la troupe au moment de son départ de Paris; mais Molière s'étant arrêté à Lyon où il donna l'Étourdi, y obtint un tel succès, qu'il fit tomber deux autres troupes dont les premiers acteurs s'empressèrent de se

tion, et dont l'auteur, qui se nommait Molière, avait longtemps joué la comédie, eut quelque part à ce choix. (Ce passage est extrait d'une Vie de Molière, peu connue, écrite en 1724. Nous aurons plusieurs fois occasion de citer cet ouvrage, dont le ré-joindre à lui. De ce nombre étaient la Grange, du Croisy, Dudacteur avait recueilli de la bouche des contemporains plusieurs anecdotes fort piquantes. )

1 Perrault, qui raconte cette anecdote, parle d'un maître de pension, et non d'un ecclésiastique. Le fait ainsi rétabli n'a rien d'invraisemblable. On peut croire au contraire que Molière composa le Mattre d'école, le Docteur amoureux, les Trois Docteurs rivaux, et le rôle de Métaphraste, pour son maître de pension on sait avec quel soin il appropriait ses rôles au caractère de ses acteurs.

* A cette époque, c'est-à-dire en 1645, Molière quitta Paris, et parcourut la province avec sa troupe. Il y resta quatre ou cinq ans pour se perfectionner dans son art. Dans ce long intervalle, on le retrouve une seule fois à Bordeaux, favorablement accueilli par le duc d'Épernon, si fameux sous les règnes de Henri III et de Henri IV. En 1650, il revint à Paris; et c'est seulement alors que le prince de Conti, son ancien condisciple, le fit jouer à son hôtel (aujourd'hui la Monnaie).

3 Nouvelle confusion dans les époques. Ce ne fut qu'en 1653 ou 1654, un peu avant la convocation des états du Languedoc, que le prince de Conti ordonna à Molière d'aller le rejoindre Béziers. Ainsi voilà huit années de la vie de Molière dont tous les détails nous sont inconnus. Molière passa à Lyon toute l'année de 1653.

4 Ce pâtissier se nommait Ragueneau; il fut longtemps aimé des comédiens et chéri des poëtes, qui se régalaient à ses dépens. L'un de ces derniers, nommé Beys, lui ayant inspiré l'idée de faire des vers, le pauvre Ragueneau négligea son four, et de bon pâtissier, il devint d'abord méchant poëte, puis méchant comédien. D'Assoucy, qui nous a conservé son histoire, dit qu'à

parc, et les demoiselles de Brie et Duparc. C'est pour Duparc que Molière fit le rôle de Gros-René du Dépit amoureux.

2 Molière ne se lia avec les Béjart qu'en 1645. La jeune Armande était peut-être alors auprès de sa sœur. Elle avait quatorze ou quinze ans en 1653, au moment de son départ pour Lyon. Molière l'ayant épousée dans la suite, on osa répandre le bruit qu'il s'était uni à la fille de sa maitresse, et même à sa propro fille, imputations infâmes auxquelles Molière ne daigna jamais répondre. Cependant on avait ignoré jusqu'à ce jour qu'Armande Béjart (femme de Molière) était la sœur et non la fille de cette Madeleine Béjart que Raymond, seigneur de Modène, épousa secrètement. Cette découverte précieuse est due à M. Beffara, qui a publié l'acte de mariage de Molière, acte qu'il ne sera point inutile de rapporter ici :

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<< Jean-Baptiste Poquelin, fils de sieur Jean Poquelin et de << feue Marie Cressé, d'une part; et Armande Gresinde Béjart, « fille de feu Joseph Béjart et de Marie Hervé, d'autre part; << tous deux de cette paroisse vis-à-vis le Palais-Royal, fiancés << et mariés, tout ensemble, par permission de M. Comtes, doyen de Notre-Dame, et grand-vicaire de monseigneur le «< cardinal de Retz, archevêque de Paris, en présence dudit Jean « Poquelin, père du marié, et de André Boudet, beau-frère du << marié, de ladite Marie Hervé, mère de la mariée, Louis Bé« jart et Madeleine Béjart, frère et sœur de ladite mariée. » Cet acte est signé J. B. Poquelin (c'est Molière), J. Poquelin (c'est son père), Boudet (c'est son beau-frère), Marie Hervé (c'est la mère d'Armande Béjart), Armande Gresinde Béjart, Louis Béjart, et Béjart (Madeleine, sœur d'Armande Béjart). 3 Lisez, la sœur.

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