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travaux sur Molière sont examinés avec goût et savoir1 : « Il ne sera pas facile de remplacer dans sa tâche délicate l'un des hommes de France qui savait le mieux son dix-septième siècle. Il y avait surtout dans l'érudition d'Eugène Despois, en même temps qu'une abondance et une précision de détails singulière, cette discrétion dans le choix, si rare, et cette liberté, si difficile, dans l'emploi des matériaux, qui dénoncent l'écrivain de race. »

Il n'y a rien dans ces paroles qui ne soit vrai; et mieux que personne nous sentons combien il est difficile de prendre la place d'un éditeur si bien préparé à son travail. Cette place cependant ne pouvait rester vide, et cédant aux plus honorables instances, il a fallu nous dévouer, avec la bonne volonté tout au moins de chercher à suivre les traces de celui qui nous a précédé. M. Regnier, qui nous avait déjà fait l'honneur, il y a quelques années, de nous confier la préparation de l'édition de Racine, et qui savait qu'au pôle opposé du théâtre français dans le grand siècle, nous n'avions pas une admiration moins vive pour le génie de Molière que pour celui de l'auteur d'Andromaque et d'Athalie, nous a demandé d'écrire les notices qui doivent, à commencer par celle du Tartuffe, continuer le travail de M. Despois. M. Desfeuilles, l'auxiliaire habile et laborieux du premier éditeur, comme il était son fidèle ami, est désormais chargé du commentaire. Pour le Tartuffe, il a trouvé dans les papiers de

1. Revue des Deux Mondes du 1 août 1877, p. 588.

M. Despois l'annotation à peu près complète du Ier acte, et, pour la suite de la pièce, et même tout le reste du théâtre, çà et là quelques notes et indications dont il a été et sera heureux de profiter. M. Desfeuilles nous prête, en même temps, pour les notices, avec un zèle aussi infatigable qu'éclairé, le plus utile concours, par la recherche des documents, dans laquelle il nous seconde, par la vérification la plus attentive des sources où ils sont puisés, enfin par toute sorte de bons avis. Pour le texte et pour les variantes, M. Henri Regnier remplace son frère regretté; il travaille, à son exemple, sous les yeux de son père, le plus sûr des guides, et non-seulement le sien, mais le nôtre; nous nous défierions bien autrement de nos forces, si notre cher directeur ne les soutenait.

PAUL MESNARD.

LE MARIAGE FORCÉ

COMÉDIE

REPRÉSENTÉE POUR LA PREMIÈRE FOIS

AU LOUVRE, PAR ORDRE DE SA MAJESTÉ,

LE 29 DU MOIS DE JANVIER 1664,

ET DONNÉE DEPUIS AU PUBLIC

SUR LE THÉÂTRE DU PALAIS-ROYAL

LE 156 DU MOIS de février de LA MÊME ANNÉE 1664'

PAR LA

TROUPE DE MONSIEUR, FRÈRE UNIQUE DU ROI

1. Voyez la Notice, p. 3 et 5, et ci-après, p. 20, note 2. — · Ces indications se rapportent à la comédie-ballet primitive. La pièce réduite ne fut jouée qu'en 1668 (pour la première fois le 24 février), année où elle fut aussi imprimée pour la première fois. L'édition de 1682, d'où ce titre est tiré, porte 15 novembre », au lieu de « 15 février ».

MOLIÈRE. IV

NOTICE.

Le Mariage forcé est la seconde de ces pièces intitulées comédies-ballets, qui ont tant servi à rapprocher Molière du Roi et contribué à sa faveur peut-être plus que ses autres pièces. Il fut représenté pour la première fois le mardi 29 janvier 1664, « devant le Roi, dans l'appartement bas de la Reine mère (au Louvre)2; » on pourrait dire : devant le Roi et par le Roi; car le Roi y figurait sous le costume d'un Égyptien.

Cette combinaison bizarre, où le Roi était spectateur de la comédie, et danseur dans le ballet, se retrouve souvent alors; quelques jours plus tard, le 13 février, Louis XIV dansait encore, chez son frère, au Palais-Royal, dans un autre ballet, précédé d'un prologue récité par trois comédiens de l'Hôtel de Bourgogne. Voici l'analyse que le P. Ménestrier nous donne de ce prologue; rien n'est plus propre à faire ressortir tout ce que Molière tentait d'introduire de vérité dans ce genre de fiction absolument conventionnel, presque toujours

1. Voyez au tome III la Notice des Fácheux, p. 3. 2. Registre de la Grange, p. 62.

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3. Floridor (Mercure), Mlle des OEillets (Pallas), Mlle Montfleury (Vénus): voyez la Muse historique de Loret, lettre du 16 février.

4. Des Ballets anciens et modernes selon les règles du théâtre, 1682, in-12, p. 260 et 261. Ce qui est remarquable, c'est que le P. Ménestrier choisit ailleurs (p. 265 et 266) comme exemple le ballet du Mariage forcé, et en fait une analyse assez longue, sans paraître soupçonner que d'autres de sa profession sont beaucoup moins indulgents pour la comédie en général et pour Molière en particulier. Il a, au reste, gardé l'anonyme sur le titre du livre; mais une note de l'éditeur (à la suite du privilége) le lui attribue en termes exprès.

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