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A tout ce que les faux doivent donner d'horreur1.
Celui-ci n'étoit pas pour2 le pouvoir surprendre,
Et de piéges plus fins on le voit se défendre.
D'abord il a percé, par ses vives clartés,
Des replis de son cœur toutes les lâchetés.
Venant vous accuser, il s'est trahi lui-même,
Et par un juste trait de l'équité suprême,
S'est découvert au Prince un fourbe renommé,
Dont sous un autre nom il étoit informé;
Et c'est un long détail d'actions toutes noires
Dont on pourroit former des volumes d'histoires.
Ce monarque, en un mot, a vers vous détesté
Sa làche ingratitude et sa déloyauté *;

6

A ses autres horreurs il a joint cette suite",
Et ne m'a jusqu'ici soumis à sa conduite
Que pour voir l'impudence aller jusques au bout,
Et vous faire par lui faire raison de tout.

1920

1925

1930

Oui, de tous vos papiers, dont il se dit le maître,

Il veut qu'entre vos mains je dépouille le traître.
D'un souverain pouvoir, il brise les liens

1935

Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens",
Et vous pardonne enfin cette offense secrète

Où vous a d'un ami fait tomber la retraite;

1. Il y avait peut-être ici, en 1667, un passage sur le grand crédit des faux dévots, que Molière supprima en 1669: voyez, ci-après, la Lettre sur la comédie de l'Imposteur, p. 553 et note 2, et à la Notice, p. 330.

2. Celui-ci n'était pas fait pour....

3. C'est-à-dire, par un effet de la justice divine. (Note d'Auger.)

4. A détesté l'ingratitude et la déloyauté dont il s'est rendu coupable envers vous. Molière a nombre de fois employé vers comme envers. Génin rappelle que dans Bajazet encore (acte III, fin de la scène ) on lit : « Trop heureux d'avoir pu.... m'acquitter vers vous de mes respects profonds. »

5. Le monarque a voulu qu'une dernière horreur s'ajoutât aux autres,
6. Mis à ses ordres.

7. Auger le dit avec raison, quelque absolu que fût le pouvoir de Louis XIV, il est bien certain qu'on ne l'eût pas vu anéantir d'autorité un contrat. Dans la réalité, des magistrats seuls auraient eu à examiner si l'acte de donation

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Pour montrer que son cœur sait, quand moins on y pense, D'une bonne action verser la récompense,

Que jamais le mérite avec lui ne perd rien,

Et que mieux que du mal il se souvient du bien'.

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Qui l'auroit osé dire?

ORGON, à Tartuffe.

Hé bien! te voilà, traître....

était valable ou non; en attendant, sur un ordre du Roi, le scélérat eût été jeté en prison, et bien averti qu'il y resterait jusqu'à ce que, à défaut d'une annulation judiciaire, son désistement eût délié Orgon. Mais, à la fin de sa comédie, Molière a voulu donner aux spectateurs une satisfaction immédiate et complète, et leur faisant accepter, à Louis XIV tout le premier, l'intervention du Roi, il leur fit admettre sans difficulté la fiction qui pour eux avançait seulement l'effet certain d'une toute-puissante volonté.

1. Ses droits menacés au temps des troubles de la Fronde : voyez ci-dessus, p. 409, les vers 181 et 182, et la note 3.

2. Nous avons dit, dans l'Avertissement de ce volume, que M. Despois n'a malheureusement pu rédiger que le commentaire du premier acte du Tartuffe, mais qu'un certain nombre de notes se rapportant à la suite se sont trouvées dans ses papiers. En voici une qu'il avait destinée à cette place, et que nous y conservons, tout en renvoyant et à la note 7, presque immédiatement précédente, de la page 525, et à la Notice (p. 275, 276 et 344-347), où la question du dénouement a été exposée plus en détail : « Si le goût de Louis XIV pour les ballets a trop souvent contribué à détourner Molière de ses grandes œuvres, pour occuper à des divertissements de cour un temps qu'il eût pu mieux employer pour sa gloire, son influence sur le poëte n'a pas eu d'ailleurs quelquesuns des inconvénients qu'on a signalés. Par exemple, on a déclaré postiche le dénouement du Tartuffe; l'éloge du Roi au cinquième acte a semblé amené d'une façon peu naturelle; on ne l'a excusé que par la nécessité d'intéresser aussi l'amour-propre du Roi à la représentation de la pièce. Cette critique n'est a Voyez à la Notice, p. 346, second alinéa.

CLÉANTE.

Ah! mon frère, arrêtez,

Et ne descendez point à des indignités;

A son mauvais destin laissez un misérable,

Et ne vous joignez point au remords qui l'accable: 1950
Souhaitez bien plutôt que son cœur en ce jour

Au sein de la vertu fasse un heureux retour,
Qu'il corrige sa vie en détestant son vice
Et puisse du grand Prince adoucir la justice,
Tandis qu'à sa bonté vous irez à genoux
Rendre ce que demande un traitement si doux.

ORGON.

1955

Oui, c'est bien dit: allons à ses pieds avec joie
Nous louer des bontés que son cœur nous déploie.
Puis, acquittés un peu de ce premier devoir,
Aux justes soins d'un autre il nous faudra pourvoir, 1960
Et par un doux hymen couronner en Valère
La flamme d'un amant généreux et sincère.

pas, je crois, bien fondée, et, avec plusieurs bons juges, parmi lesquels j'aime à nommer mon ami Étienne Arago, si entendu aux choses du théâtre, je pense qu'il n'était guère possible d'en trouver un autre, et que, la situation étant donnée, c'était même le seul qui fût vraisemblable historiquement. La donation faite par Orgon à Tartuffe étant régulière, on ne voit pas trop comment Orgon s'en tirerait devant les tribunaux; et pour sauver son bien, celui de sa famille, comme pour punir Tartuffe, il ne faut pas moins que l'intervention de celui-là seul qui est au-dessus des lois, de Louis XIV. Légalement Tartuffe restait impuni; une lettre de cachet seule en pouvait faire jus

tice. D

I.

ORGON, à Tartuffe, que l'Exempt emmène.

Hé bien, etc.

SCÈNE DERNIÈRE.

MADAME PERNELLE, ORGON, ELMIRE, MARIANE, CLÉANTE, VALÈRE,

DAMIS, DOrine.

CLÉANTE.

Ah! (1734.)

FIN.

APPENDICE AU TARTUFFE.

LETTRE

SUR LA COMÉDIE

DX

L'IMPOSTEUR.

M DC LXVII'.

AVIS.

Cette lettre est composée de deux parties: la première est une relation de la représentation de l'Imposteur, et la dernière consiste en deux réflexions sur cette comédie. Pour ce qui est de la relation, on a cru qu'il étoit à propos d'avertir ici que l'auteur n'a vu la pièce qu'il rapporte que la seule fois qu'elle a été représentée en public, et sans aucun dessein d'en rien retenir, ne prévoyant pas l'occasion qui l'a engagé à faire ce petit ouvrage : ce qu'on ne dit point pour le louer de bonne mémoire, qui est une qualité pour qui il a tout le mépris imaginable, mais bien pour aller au-devant de ceux qui ne seront pas contents de ce qui est inséré des paroles de la comédie dans cette relation, parce qu'ils voudroient voir la pièce entière, et qui ne seront pas assez raisonnables pour considérer la difficulté qu'il y a eu à en retenir seulement ce qu'on en donne ici. L'auteur s'est contenté, la plupart du temps, de rapporter à peu

1. C'est là tout le titre de cet opuscule; il est, à la fin, daté du 20° août 1667; il n'a pas d'achevé d'imprimer. Dans l'intervalle des dix-huit mois où il dut suffire à la curiosité du public, pendant l'attente du 5 août 1667 au 5 février 1669, ce ne fut pas assez d'une édition; il en parut une seconde en 1668; nous en avons relevé les quelques variantes. M. Taschereau (p. 292 de sa 3 édition) mentionne une dernière réimpression de 1670, portant le titre d'Observations sur la comédie de l'Imposteur. L'édition de 1668 a, comme l'originale, pour titre : Lettre sur la comédie de l'Imposteur. Voyez à la Notice, p. 328-331.

2. De la première représentation donnée en public, le 5 août 1667.

MOLIÈRE. IV

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