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nous l'avons dit, avait dans sa séance du 28 septembre, traduit les ex-ministres présents ou contumaces devant la Chambre des pairs, procédait à la nomination des commissaires chargés par elle de soutenir l'accusation, et son choix tombait sur MM. Bérenger, Persil et Madier de Montjau, le premier ayant réuni 226 voix, le second 201, et le troisième 256 sur 260 votants.

La Chambre des pairs avait, de son côté, pris le 1er octobre un arrêté ainsi conçu : « La Chambre, vu le message à elle adressé sous la date du 30 septembre dernier, portant communication de la résolution prise par la Chambre des députés dans la séance du 28 du même mois, et de la nomination des commissaires chargés de suivre et soutenir l'accusation portée par ladite résolution :

« Arrête qu'à l'effet de procéder ainsi qu'il appartiendra sur ladite résolution, elle se réunira en cour de justice lundi prochain, 4 du présent mois, à midi. »

Les débats publics du procès des ministres ne commencèrent que le 15 décembre suivant.

1. Les ministres contumaces étaient, on le sait, MM. d'Haussez, de Montbel et Capelle.

II

Après la fatale issue de son entreprise militaire sur Bruxelles, le prince Frédéric s'était retiré à Anvers, où le prince d'Orange, son frère, reçut aussitôt la mission de se rendre, accompagné du duc d'Ursel, du comte d'Aerschot et de plusieurs autres membres belges des États-Généraux. A la suite de longues délibérations avec le corps diplomatique, le cabinet de La Haye s'était décidé à accorder au prince des pouvoirs suffisants pour établir une administration nouvelle en Belgique, en attendant l'exécution complète de la séparation demandée Trois ministres et sept conseillers furent nommés pour assister le prince dans cette mission difficile. Une proclamation fut publiée, mais elle ne produisit aucun effet.

Les Belges s'étaient empressés de constituer le gouvernement provisoire qui devait présider aux destinées de leur pays. Ils choisirent pour le composer MM. Emmanuel d'Hoogvorst, Félix de Mérode, de Potter, Alexandre Gendebien, Sylvain Van de Weyer, Charles Rogier, Coppyn et Nicolay. De Potter, qui avait été poursuivi pour délit de presse sous l'ancien gouvernement et s'était rendu

à Paris, où il avait eu de fréquents rapports avec M. de Lafayette, fit dans les Flandres une entrée triomphale. Bruxelles l'accueillit avec un inexprimable enthousiasme. On le proclamait le libérateur du peuple, l'auteur de la révolution. Qui eût dit alors que, peu de jours après, son nom serait complétement oublié en Belgique? Mais, du reste, le républicain de Potter ne devait-il pas se souvenir que la roche Tarpéienne est près du Capitole, et que la popularité des tribuns se perd aussi vite que celle des rois?

De très-grands obstacles entouraient le prince d'Orange dans sa mission conciliatrice, car les généraux hollandais, désireux de venger les outrages qui leur avaient été prodigués, se montraient peu disposés à seconder une politique favorable aux intérêts belges. Juan Van Halen, réfugié espagnol, devenu général dans l'armée bruxelloise, avait écrit au prince « qu'un libéralisme sans bornes pouvait seul désormais l'empêcher de porter la peine des fautes de sa famille, et qu'il était de la plus haute importance que l'intervention du roi ne parût dans aucune des mesures qu'il allait prendre. »

Depuis le 5 jusqu'au 16 octobre, le prince hésita entre l'intérêt politique et le devoir filial. Enfin, après avoir fait inutilement de nouvelles démarches auprès de la commission chargée par le gouverne

ment provisoire de rédiger un projet de constitution; après avoir vu ses intentions conciliatrices entièrement paralysées par une violente proclamation de son père, qui appelait les Hollandais, au nom de leur roi, de leur patrie et de leur Dieu, prendre les armes contre les rebelles, il adopta tout à coup la résolution d'interrompre toutes relations avec le gouvernement hollandais et de se mettre à la tête du mouvement. Un manifeste fut la conséquence de l'adoption de cette nouvelle ligne politique; mais il ne produisit pas l'effet qu'on en avait attendu : il offensa les susceptibilités du gouvernement provisoire, qui, dans une proclamation, déclara que l'indépendance nationale n'avait pas besoin de ratification, et d'un autre côté, le roi, irrité des tendances libérales et indépendantes que son fils avait hautement manifestées, révoqua les pouvoirs qu'il lui avait accordés. Se voyant isolé de la sorte, le prince d'Orange éprouva bientôt le désir de revenir sur ses pas, comme tout homme qui, s'étant trop avancé dans le combat, ne se voit soutenu par aucun parti. Il s'efforça de conclure un armistice, mais cette tentative fut encore repoussée. Le 24 octobre, le général Chassé, suivant les instructions qu'il avait reçues, mit en état de siége la ville d'Anvers que l'esprit révolutionnaire commençait à envahir, et le prince, après avoir délié de leur serment de fidélité les officiers

belges qui avaient offert leur démission pour ne pas marcher contre leurs compatriotes, s'embarqua pour Rotterdam dans la nuit du 25, et adressa un noble adieu à cette terre dont il s'éloignait le cœur navré.

Un événement d'une importance relativement considérable allait, du reste, briser les derniers liens qui attachaient la Belgique à la dynastie des Nassau :

Peu de jours après l'entrevue qu'il avait eue avec son frère, entrevue si pénible pour tous les deux, le prince Frédéric avait quitté Anvers profondément affecté des calomnieuses imputations dont les journalistes belges l'assaillaient dans l'ivresse de leur victoire. Les souffrances morales qu'il avait si vivement ressenties avaient porté à son comble l'irritation des généraux hollandais placés sous ses ordres, et le général Chassé, gouverneur d'Anvers, l'avait partagée à un haut degré. De graves événements ne tardèrent pas à l'accroître encore, tout en conseillant à ce vieux soldat une résolution terrible dont Anvers devait être victime.

Les Hollandais, abandonnés par un grand nombre d'officiers de leur armée, qui se soumettaient aux ordres du gouvernement provisoire, s'étaient repliés sur le Ruppel et les Deux-Nèthes. Toutes les forces belges s'étant réunies sous le commandement du général Nypels, qui avait remplacé Van

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