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la moitié du chiffre total proposé, et elle n'hésita point à exprimer, dans l'amendement suivant de sir Henry Parnel, son improbation et ses défiances:

« Je demande qu'il soit nommé un comité spécial afin de prendre en considération les propositions faites par ordre de Sa Majesté pour l'établissement de sa liste civile. >>

En vain M. Peel protesta-t-il avec une grande vivacité contre cette rédaction injurieuse, vingtneuf voix de majorité adoptèrent l'amendement; puis, comme pour rendre la blessure plus profonde et la manifestation plus décisive, les Communes désignèrent, séance tenante, les membres du comité spécial.

Les ministres présentèrent alors au roi leurs démissions, qui furent acceptées, et le comte Grey fut invité à réunir les éléments d'une administration nouvelle. Il s'acquitta du reste de cette tâche avec une extrême facilité; car, prévoyant son entrée aux affaires, il s'était à l'avance assuré du concours de ceux de ses amis qu'il voulait associer à sa fortune. Le roi ratifia les choix du premier ministre; ce ne fut cependant que sur l'insistance obstinée du comte Grey qu'il se décida à faire entrer dans le ministère M. Brougham, qui s'était attiré son inimitié par les formes quelquefois acerbes de son caractère et la spirituelle ironie de sa parole.

Le 22 novembre, le comte Grey apporta aux

Chambres son manifeste ministériel, et le termina en exposant qu'il n'avait accepté le pouvoir qu'après avoir obtenu de la couronne l'autorisation de présenter un bill pour la réforme parlementaire, bill dont il prétendait faire une question de cabinet.

Les Chambres votèrent, peu de jours après, la liste civile du roi ainsi que le bill de régence, auquel il fut ajouté que la princesse Victoria ne pourrait, sans le consentement du Parlement, contracter mariage avant sa majorité. Il y était également stipulé que si la duchesse de Kent venait à former une seconde union sans l'assentiment royal, elle se trouverait déchue de ses droits à la régence. Ces dispositions réglées, le Parlement, à l'occasion des fêtes de Noël, s'ajourna au 3 février 1831, donnant ainsi au cabinet le répit nécessaire à l'élaboration des diverses mesures qui devaient servir à inaugurer son avénement.

La Prusse offrait alors un spectacle non moins intéressant que l'aspect politique de l'Angleterre.

Il semble, quand on étudie avec soin la pensée du gouvernement prussien pendant la période historique qui commence en 1820 et finit en 1830, que toute la politique du cabinet de Berlin ait consisté, durant cette époque, en un combat intime mais incessant entre le souvenir des promesses passées, des promesses de 1813, et la persuasion d'une nécessité présente, entre certaines velléités

libérales, dans le sens germanique du mot, et la terreur du radicalisme professé par les sociétés secrètes; enfin entre l'instinct de fierté nationale et le sentiment des devoirs imposés par la SainteAlliance.

Lorsque la révolution française de 1830 fut soudainement annoncée à Berlin, cet événement si étrangement rapide parut devoir rendre difficile la situation de Frédéric-Guillaume III. Possesseur des provinces rhénanes dont la France avait été dépouillée, entouré d'ardents conseillers qui dédaignaient ou ne voulaient pas reconnaître tous les avantages de la prudence, il lui fallut la sagacité profonde dont la nature l'avait doué pour lui faire comprendre sur-le-champ le caractère véritable de cette révolution bourgeoise que l'on présentait comme la conséquenee et la solution de celle de 1789. Son attitude vis-à-vis de la France devint aussitôt froide, mais expectante et calme, et sa politique intérieure subit d'intelligentes modifications. C'est ainsi qu'abandonnant momentanément son système d'union religieuse, il s'occupa davantage de resserrer les liens politiques et industriels qui devaient assembler un jour dans un même intérêt matériel et moral toutes les populations allemandes.

1. Né le 3 août 1770; mort le 7 juin 1840.

Plus que jamais aussi le gouvernement prussien établit alors dans ses journaux la comparaison des garanties réelles offertes par les institutions prussiennes avec les théories écrites des Chartes constitutionnelles, et la Gazette d'État, de Berlin, alla même jusqu'à insérer dans ses colonnes cette phrase au moins singulière : « La Prusse est une monarchie absolue entourée d'institutions républicaines. » Une plus grande liberté était en même temps accordée à la presse, et les rigueurs de la censure furent momentanément adoucies.

Mais un coup plus rude que celui de la révolution de Juillet 1830 ne devait pas tarder à être porté au système de modération adopté par Frédéric-Guillaume nous voulons parler de cette révolution belge que nous avons précédemment racontée avec tous ses détails. L'insurrection de Bruxelles, sœur jumelle, du moins quant à la forme, de la révolution de Paris, venait en effet de renverser une des barrières élevées par les traités entre la Prusse et la France, mettant ainsi à découvert toute la ligne de frontières de ces provinces rhénanes qu'un parti français avouait hautement vouloir reconquérir à tout prix. De plus, la révolution belge s'attaquait directement à la puissance des Nassau, famille à laquelle Frédéric-Guillaume se trouvait attaché par les liens du sang et de la sympathie. Enfin la maison d'Orange

réclamait, en invoquant les traités de 1815, un concours que les stipulations de la Sainte-Alliance devaient nécessairement lui faire espérer.

La situation du roi de Prusse devint donc singulièrement pénible: inquiet de l'avenir, poussé à la guerre par la Russie et par le parti militaire, à la tête duquel se trouvait le prince royal, il lui fallut encore résister énergiquement à des sollicitations d'autant plus difficiles à repousser qu'on invoquait tout à la fois et la raison d'État, et les liens de famille, et la foi jurée. Un seul instant, la sagesse de Frédéric-Guillaume pensa faiblir, ce fut lorsque le bruit de la canonnade d'Anvers alla réveiller les échos du Rhin et faire tressaillir les mânes de Blücher. Une armée d'observation de vingt mille Prussiens était alors concentrée entre la Meuse et le Rhin.

Ajoutons, sans vouloir anticiper sur les événements, que ce fut un des plus grands faits du règne de Frédéric-Guillaume III que la réalisation de l'union politico-commerciale de l'Allemagne, expression fidèle de la pensée du grand Frédéric; à la Prusse en revient la gloire tout entière. Comme le vieillard de la fable, elle a su réunir en un seul faisceau les javelots désunis de la vieille terre germanique.

Quant à la Russie, on conçoit que tout en surprenant le cabinet de Saint-Pétersbourg, la révo

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