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nication, parce que le gouvernement du roi n'a pas adhéré à ses dispositions en ce qui a rapport à la dette, de même qu'en ce qui a rapport à la fixation des limites des territoires belge et hollandais; nous regardons toujours comme nécessaire le libre concours des deux États. La conférence de Londres est une médiation, et l'intention du gouvernement du roi est qu'elle ne perde jamais ce caractère. »

Le congrès reçut cette communication avec la satisfaction la plus vive. C'était un nouveau témoignage des intentions généreuses de la France, et vainement M. Lebeau, s'emparant du contenu de la dépêche, pour argumenter en faveur de son candidat, déclara « que la France, soutenant ainsi le principe de non-intervention, ne pouvait pas refuser de reconnaître le duc de Leuchtenberg sans être prise en flagrant délit de contradiction, et sans détruire ainsi toute confiance dans sa sincérité. »

L'impression était produite sur l'opinion publique, et l'adroite conduite du gouvernement français était bien capable d'attirer sur le duc de Nemours les votes du congrès reconnaissant. Pendant les dernières séances qui précédèrent l'élection, le peuple témoigna une vive impatience; un public nombreux garnissait les tribunes de la Chambre; les rues voisines étaient encombrées d'une foule inquiète. L'indécision de beaucoup de

députés était si grande, même au dernier moment, qu'il devenait en quelque sorte impossible de prévoir le résultat de l'élection. Enfin l'heure sonna; les secrétaires de la Chambre tirèrent les bulletins de l'urne et les lurent au milieu d'un profond silence.

Au premier tour du scrutin, le nombre des votants se trouvant être de 191, 96 suffrages devaient former la majorité absolue. Le duc de Nemours en réunit 89; le duc de Leuchtenberg 67, et l'archiduc Charles 35. Il fallut donc procéder à un second tour de scrutin.

Le nombre des votants étant alors de 192, le duc de Nemours obtint 97 voix (ce qui formait précisément le chiffre de la majorite absolue); le duc de Leuchtenberg 74; et l'archiduc Charles 24.

En conséquence, M. Surlet de Chokier déclara Louis-Charles-Philippe d'Orléans, duc de Nemours, roi des Belges, et le peuple salua cette élection par les acclamations les plus vives, pendant que le son des cloches et les salves d'artillerie l'annonçaient aux populations environnantes. Mais la Belgique avait compté sans la prudente habileté du roi des Français.

Dès que le congrès eut terminé cette élection, il vota l'envoi à Paris d'une députation de dix de ses membres pour faire connaître à Louis-Philippe le choix qu'il avait fait, tout en sollicitant son

acceptation. La députation partit le 5 février 1831. Elle arriva le 6 à Paris, où elle fut reçue avec beaucoup d'empressement, et logée au Palais-Royal, que le roi habitait encore.

Plusieurs entrevues particulières eurent lieu entre Louis-Philippe et les membres de la députation; ce prince cherchait évidemment à adoucir le refus qu'il avait arrêté dans sa sagesse. Enfin les députés furent reçus le 17 en audience solennelle, et le roi, assis sur son trône, entouré de sa famille, complète alors, de ses ministres et des grands dignitaires, entendit avec émotion la harangue du baron Surlet de Chokier, à laquelle il répondit par le discours suivant :

« Messieurs, si je n'écoutais que le penchant de mon cœur et ma disposition bien sincère à déférer au vœu d'un peuple dont la paix et la prospérité sont également chères et importantes à la France, je m'y rendrais avec empressement; mais quels que soient mes regrets, quelle que soit l'amertume que j'éprouve à vous refuser mon fils, la rigidité des devoirs que j'ai à remplir m'en impose la pénible obligation, et je dois déclarer que je n'accepte pas pour lui la couronne que vous êtes chargés de lui offrir.

« Mon premier devoir est de consulter avant tout les intérêts de la France, et, par conséquent, de ne point compromettre cette paix que j'espère

conserver pour son bonheur, pour celui de la Belgique, pour celui de tous les États de l'Europe, auxquels elle est si précieuse et si nécessaire. Exempt moi-même de toute ambition, mes vœux personnels s'accordent avec mes devoirs. Ce ne sera jamais la soif des conquêtes ou l'honneur de voir une couronne placée sur la tête de mon fils, qui m'entraîneront à exposer mon pays au renouvellement des maux que la guerre amène à sa suite, et les avantages que nous pourrions en retirer ne sauraient les compenser, quelque grands qu'ils fussent d'ailleurs. Les exemples de Louis XIV et de Napoléon suffiraient pour me préserver de la funeste tentation d'ériger des trônes pour mes fils, et pour me faire préférer le bonheur d'avoir maintenu la paix à tout l'éclat des victoires, que, dans la guerre, la valeur française ne manquerait pas d'assurer de nouveau à nos glorieux drapeaux. »

Puis le roi descendit du trône, et prenant la main du baron Surlet de Chokier, il lui dit avec expansion : « Monsieur, en vous donnant la main, c'est à la nation belge que je la donne; dites à vos concitoyens qu'ils peuvent avoir confiance en moi, et que je les supplie surtout de rester unis entre

eux. >>

Ce fut ainsi que Louis - Philippe donna une leçon et fournit un exemple à l'Europe attentive, exemple d'habileté politique, leçon de désintéressement cal

culé ; il devait lui en donner bien d'autres encore durant les dix-huit années de son règne. Mais de quel poids sont la prévoyance et l'habileté humaines dans cette balance suprême qui renferme la destinée des rois?

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