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par toute l'armée, et je pense que nous devons combattre sans l'assistance des étrangers; je juge aussi que pour le maintien du bon accord entre les puissances, il est absolument désirable que le maréchal ne s'avance que lorsque les circonstances l'exigeront impérieusement. »

Mais le prestige de toutes les illusions qui jusqu'alors avaient entretenu la confiance de Léopold allait promptement s'évanouir. Daine n'arrivait pas, et après l'avoir attendu longtemps, le roi, se plaçant à la tête des quinze mille hommes de Tieken, marchait sur Montaigu, pour en chasser les Hollandais, lorsque arriva la nouvelle de la déroute d'Hasselt. Ce désastre imprévu devait changer complétement le système de défense que l'on avait adopté; car désormais il était évident que les Hollandais allaient marcher rapidement sur Bruxelles. Il fallait donc, et c'était la seule chance de garantir la capitale, opérer promptement un mouvement rétrograde sur Louvain, et arrêter l'ennemi sous les murs de cette place. Le roi se replia immédiatement, et dans la soirée du 10 août le corps d'armée de Tieken bivouaquait à Beautersem, en avant de Louvain.

Il est certain, en effet, que si le prince d'Orange, au lieu de perdre un temps précieux en mouvements stratégiques, fort savants d'ailleurs, s'était, après la bataille d'Hasselt, avancé hardiment sur

Louvain, à la tête de sa cavalerie et des 2° et 3° divisions néerlandaises, il eût aisément culbuté le corps commandé par le général Clump et atteint Bruxelles avant que l'armée de l'Escaut (c'est ainsi que l'on désignait le corps d'armée du général Tieken) eût eu le temps de couvrir la capitale.

Ce ne fut que dans la soirée du 11 que les colonnes hollandaises atteignirent Beautersem; les avant-postes belges, excités par la présence du roi, les repoussèrent jusqu'à Roosbeek; mais c'était une dernière lueur d'énergie qui ne devait pas avoir une longue durée.

Louvain présentait alors le plus étrange spectacle encombrée de volontaires indisciplinés et démoralisés, de pièces de canon qui ne devaient plus servir, de bagages qui allaient être enlevés par l'ennemi, la ville semblait d'avance être au pillage, et l'on eût dit que cette armée, chargée de la défendre, avait déjà la conscience de sa défaite future.

Le lendemain, l'affaire s'engagea sur toute la ligne; mais dès les premiers coups de canon les gardes civiques lâchèrent pied, jetant leurs armes, et se dispersant dans toutes les directions. Vainement le roi et son état-major se portèrent en avant pour arrêter cette déplorable désertion, Léopold eut la douleur de voir inutiles les efforts qu'il multipliait avec un courage vraiment digne d'une

circonstance plus favorable. Bientôt les troupes régulières, découragées par l'isolement dans lequel les avait laissées la fuite des gardes civiques, abandonnèrent à leur tour les positions qu'elles occupaient, et, craignant d'être environnées par la nombreuse cavalerie des Hollandais, se retirèrent en désordre sous les murs de Louvain, où le prince d'Orange allait les poursuivre, lorsque parut sur la grande route lord William Russell, accourant en parlementaire et chargé d'une lettre de l'ambassadeur anglais sir Robert Adair. Ce dernier demandait au prince une suspension d'armes, tout en l'informant de l'approche de l'armée française, dont le général Belliard avait requis le concours dès qu'il avait appris la défaite des Belges à Hasselt. Le prince, qui d'abord ne voulait pas croire à la réalité de cette rapide intervention française, ordonna au comte Van Limburg Stirum, son aide de camp, d'accompagner lord William Russell et de s'assurer de l'approche du maréchal Gérard; mais ses troupes n'en continuèrent pas moins leur mouvement en avant.

Sir Robert Adair s'était rendu au quartier général du roi Léopold; voyant que le message de lord William Fussell n'arrêtait pas immédiatement la marche des Hollandais, il prit un cheval, traversa l'espace qui séparait les deux armées, et rejoignit le prince d'Orange, dont il obtint, après une

discussion assez longue, la suspension d'armes qu'il désirait, sous la condition que les troupes belges évacueraient Louvain et que la ville serait occupée par les Hollandais. Après l'acceptation de ces préliminaires, une convention fut rédigée et signée au nom des Belges par le général Goblet. Le prince d'Orange envoyant aussitôt au duc de Saxe-Weimar l'ordre de s'arrêter dans sa marche sur Bruxelles, les hostilités cessèrent. Le 13 août, le prince et le maréchal Gérard avaient une entrevue, dans laquelle il fut convenu que l'armée hollandaise commencerait aussitôt son mouvement de retraite, et que les Français la reconduiraient en quelque sorte jusqu'à la frontière.

Voici, du reste, comment Guillaume d'Orange annonçait à son père cette issue de la campagne des dix jours: «Vers les neuf heures, dit le onzième bulletin du prince, en date du 46 août 1831, arriva le maréchal lui-même, accompagné de son étatmajor et d'une petite escorte composée de dragons; il m'assura aussitôt que suivant mes désirs il avait donné tous les ordres nécessaires, et que la division du général Hulot était en marche pour remplacer les troupes de Votre Majesté, ces dernières devant maintenir l'ordre dans la ville, jusqu'à ce qu'elles fussent relevées par les Français. Je trouvai le maréchal disposé à remplir mes intentions, et j'ai l'espoir que, par cette entrevue, toutes les diffi

cultés que la proximité et les mouvements des deux armées auraient pu faire surgir seront entièrement levées. Je n'ai quitté Tirlemont que lorsque la ville fut occupée par la division du général Hulot; par là je voulus rendre au maréchal les procédés qu'il avait eus à mon égard; il était arrivé à Tirlemont, lorsque, par la présence des troupes de Votre Majesté, cette ville se trouvait être encore mon quartier général; quand je la quittai, le maréchal eut l'attention de m'accompagner jusque en dehors de la porte, où nous avons pris congé l'un de l'autre. >>

Au moment de cette séparation, le prince pensa être assassiné par un partisan belge qui courut sur lui, le sabre levé; quatre dragons français s'emparèrent de ce misérable, et le maréchal Gérard le fit fusiller le lendemain.

La retraite de l'armée hollandaise s'exécuta dans le meilleur ordre; l'armée rentra dans ses cantonnements, et y demeura prête à marcher si des événements ultérieurs rendaient son intervention nécessaire. La Hollande avait réfuté, l'épée à la main, les calomnies des journaux belges. Elle avait vengé sa défaite de septembre.

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