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considérables par suite de l'attitude diverse des grandes puissances européennes. Ainsi la Russie, la Prusse, l'Autriche même, bien que la première femme de dom Pedro, la mère de dona Maria, fùt une archiduchesse d'Autriche, auraient été disposées à soutenir la cause de dom Miguel, car ils voyaient surtout en lui le représentant du droit monarchique, tandis que la France et l'Angleterre encourageaient dom Pedro, personnification du système constitutionnel. L'année suivante devait voir le triomphe définitif de dom Pedro et des puissances libérales.

Cependant une question extérieure bien plus importante, bien plus grave au point de vue français, commençait déjà à se produire. Encore dans l'œuf, elle devait nécessairement, pour les hommes d'État doués de quelque prévision, prendre rapidement des proportions considérables et menacer le repos du monde. C'était la question d'Orient. Nous la traiterons dans son ensemble et avec tous ses développements, lorsque le moment en sera venu.

II

La mort de Casimir Périer, les graves événements qui l'avaient suivie, n'impliquaient pas un changement dans la politique du gouvernement

français, ou, pour parler plus exactement, l'inauguration d'une politique nouvelle; mais ils nécessitaient le concours d'hommes nouveaux au système gouvernemental que le roi allait pratiquer avec une liberté d'allures d'autant plus grande que l'impérieux ministre, dont il ne déplorait peut-être pas assez la perte, ne serait plus là pour combattre sa volonté personnelle.

Il fallut donc songer à constituer un nouveau cabinet, car celui qui avait survécu à la mort de son illustre chef n'offrait plus les conditions de force, de talent, d'influence parlementaire indispensables à son existence sérieuse. L'enfantement fut long, et le prince de Talleyrand, présent à Paris, y prit une certaine part. Il était d'une absolue nécessité de s'adresser aux fractions de la chambre qui, réunies, avaient formé la majorité sous le ministère de Casimir Périer et de leur emprunter leurs chefs ou tout au moins leurs hommes importants. Les trois nuances parlementaires qui avaient soutenu le cabinet du 13 mars étaient représentées par MM. Guizot, Dupin et Thiers. M. Dupin voulait être président du conseil, et cette prétention devenait inadmissible en présence des personnalités considérables que le roi désirait conserver ou introduire dans sa combinaison. Des hommes tels que le duc de Broglie ou le maréchal Soult, ne pouvaient évidemment point se trouver placés en sous-ordre dans le

futur ministère; on dut renoncer à M. Dupin. Mais M. Guizot et M. Thiers restaient au roi avec leurs talents diversement éminents; leur ambition ne s'élevait pas encore jusqu'à ce fauteuil de la présidence, objet de la convoitise, justifiée jusqu'à un certain point, de leur collègue le jurisconsulte. Les négociations furent longues pour arriver à un résultat d'ensemble, et les conférences que le roi tenait aux Tuileries, quoiqu'il occupât alors la résidence de Saint-Cloud, se terminèrent souvent à une heure avancée de la nuit. Il fallait, en effet, non-seulement grouper les hommes dans une combinaison ministérielle, mais aussi leur faire accepter un même programme politique. Il s'agissait également d'opérer un classement nouveau dans les attributions de certains ministères, afin de donner à ces départements une ampleur plus en rapport avec l'importance des personnages auxquels on les destinait. Ainsi le Moniteur publiait la note suivante : « Une nouvelle répartition des attributions des ministères de la justice, de l'intérieur, du commerce et de l'instruction publique a été arrêtée en conseil. Les cultes deviennent une division du ministère de la justice; le ministère de l'instruction publique reçoit dans ses attributions le collége de France, l'Institut, le jardin des Plantes et les biblio-. thèques publiques... » Enfin, le 11 octobre parut une ordonnance royale donnant au maréchal duc

de Dalmatie la présidence du conseil avec le ministère de la guerre; au duc de Broglie, les affaires étrangères; à M. Humann, les finances. M. Thiers recevait le portefeuille de l'intérieur; M. Guizot celui de l'instruction publique; M. Barthe, garde des sceaux, l'administration des cultes avec la présidence du conseil d'État. Dans cette combinaison, M. d'Argout conservait le ministère du commerce grossi par l'adjonction des travaux publics; et M. de Montalivet devenait intendant général de la liste civile, fonctions qu'il a conservées jusqu'à la chute de la monarchie de 1830.

Ce cabinet nouveau, qui prit le nom de cabinet du 11 octobre, allait se trouver en présence de deux graves questions l'une, de politique intérieure, l'autre de politique extérieure. Cette dernière, dont le prince de Talleyrand venait à Paris préparer et håter la solution, c'était la question hollando-belge. Il fallait, à tout prix, vaincre la longue résistance du roi Guillaume, et rendre Anvers à la Belgique. Le gouvernement anglais en comprenait si bien lui-même l'impérieuse nécessité, qu'il se montrait tout disposé à coopérer, dans la sphère de son action maritime, aux mesures coercitives qu'il s'agissait de prendre pour réaliser les intentions de la conférence de Londres. La question intérieure, c'était la pacification de la Vendée par l'arrestation ou plutôt par l'éloignement de

la duchesse de Berri, que l'on savait n'avoir pas quitté les provinces de l'Ouest, où sa présence ne produisait plus, du reste, la moindre fermentation. Ce double programme, tous les ministres l'acceptaient, le roi ayant déclaré, à plusieurs reprises, en ce qui touchait Marie-Caroline, qu'il ne consentirait jamais à traduire cette princesse devant un tribunal quelconque, déclaration sollicitée de nouveau et avec une certaine insistance par M. le duc de Broglie.

Mais alors, puisque Louis-Philippe éprouvait cette grande et naturelle répugnance à traîner la duchesse de Berri devant un tribunal français, puisque son désir, fréquemment exprimé, était de la rendre purement et simplement à sa famille, pourquoi, entre les deux mesures que nous venons d'indiquer, opter pour l'arrestation qui mettrait forcément le gouvernement dans la situation d'affranchir du droit commun cette princesse captive, prise, pour ainsi dire, en flagrant délit de guerre civile? Pourquoi cet éclat, cette solennité d'une expédition personnellement dirigée contre elle? Que n'adoptait-on un moyen moins compromettant et plus efficace peut-être : expédier un agent secret vers sa retraite, que l'on était déjà certain de découvrir; lui faire savoir qu'un navire l'attendait sur quelque point des côtes de France, et la contraindre à partir en la menaçant de l'arrestation et de la

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