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le général Chassé, après avoir pris l'avis de son conseil de défense, fit partir deux officiers supérieurs. MM. Zelig et Delprat, porteurs de la lettre suivante adressée au maréchal Gérard:

Croyant avoir satisfait à l'honneur militaire dans la défense de la place qui m'était confiée, je désire faire cesser l'effusion du sang; en conséquence, monsieur le maréchal, j'ai l'honneur de vous prévenir que je suis disposé à évacuer la citadelle avec les forces sous mes ordres, et à traiter avec vous de la remise de cette place ainsi que de la position de la Tête de Flandre, et des forts qui en dépendent. Pour parvenir à ce but, je vous propose, monsieur le maréchal, de faire cesser le feu de part et d'autre, pendant le cours de cette négociation. J'ai chargé deux officiers supérieurs de remettre cette lettre à Votre Excellence; ils sont munis des instructions nécessaires pour traiter de l'évacuation susdite. >>

Vers dix heures et demie, le feu cessa des deux côtés, et à trois heures la négociation était assez avancée pour que le colonel Auvray pût se rendre à la citadelle avec les deux parlementaires hollandais, afin de remettre au général Chassé les conditions de la capitulation. Datée du même jour, cette capitulation portait en substance que le général Chassé livrerait au maréchal Gérard la citadelle d'Anvers, la position de la Tête de Flandre, les

forts de Burcht, Zwyndrecht et Austerweel, dans leur état actuel, avec les bouches à feu et les munitions, à la réserve des bagages appartenant soit au corps, soit à des individus de la garnison. Que la garnison elle-même se retirerait avec les honneurs de la guerre, déposerait ses armes sur le glacis et demeurerait prisonnière, le maréchal Gérard s'engageant à la faire conduire à la frontière de Hollande, où ses armes lui seraient rendues dès que le roi des Pays-Bas aurait ordonné la remise des forts de Liefkenshoek et de Lillo. Par un article additionnel, et à la demande instante du colonel Koopman, qui commandait les douze canonnières de la station d'Anvers, celles-ci ne furent pas comprises dans la capitulation.

Le général Chassé expédia aussitôt en courrier le lieutenant Heshusius, qui dut porter à La Haye une lettre adressée à M. de Eerens, directeur général de la guerre, lettre où se trouvaient développées toutes les raisons qui avaient contraint l'énergique défenseur d'Anvers à conclure la capitulation dont il envoyait une copie.

I

Obligé de s'arrêter au village de Groot-Zundert, c'est-à-dire aux avant-postes hollandais, le lieutenant Heshusius y attendit la réponse adressée par M. de Eerens au modeste et courageux général Chassé. Elle était ainsi conçue : « Hier matin, j'ai reçu la dépêche par laquelle Votre Excellence

m'informe des négociations entamées par elle avec l'ennemi, et des raisons qui l'ont déterminée à m'envoyer la capitulation conclue avec le maréchal français Gérard. J'ai soumis ces pièces à Sa Majesté, qui m'a chargé de vous faire la communication suivante :

« Le roi n'entre pas dans la capitulation comme telle; mais Sa Majesté m'a chargé de vous donner l'assurance que votre conduite et celle de la brave garnison de la citadelle, pendant toute la défense de cette forteresse, loin de lui laisser rien à désirer, lui ont causé une satisfaction inexprimable; qu'elle a répondu à la juste attente de Sa Majesté; que le roi n'a pas cessé, pendant toute la durée du siége, de prendre part au sort de tant de braves qui ont versé leur sang pour la patrie, et que Sa Majesté a appris avec peine, par votre dernier rapport, combien avaient été grandes les fatigues de la brave garnison.

« Voulant donner une marque de sa satisfaction à vous ainsi qu'à toute la garnison de la citadelle, le roi vous a nommé, général, grand'croix de son ordre militaire. La valeur de cette haute distinction sera d'autant plus appréciée de Votre Excellence, que Sa Majesté a, en ma présence, ôté sa propre décoration et le ruban qu'elle portait encore dans la dernière occasion solennelle, afin de vous envoyer ces insignes qui deviendront les vôtres et que vous recevrez avec cette lettre. »

Le 24 décembre, à quatre heures du soir, le maréchal Gérard, accompagné des ducs d'Orléans et de Nemours, s'était rendu à la citadelle pour visiter le général Chassé. Les princes y entrèrent par la porte de l'Esplanade, et il leur fut difficile de se frayer un chemin au milieu des décombres, terrible résultat de la chute de plus de quatre-vingt mille projectiles. Ce n'était partout que canons brisés, ruines fumantes, éclats de bombes et cadavres. Ils arrivèrent enfin à la casemate au fond de laquelle le vieux gouverneur s'était retiré comme un lion traqué au fond de son antre. Plusieurs bombes avaient frappé l'appui de la fenêtre et lézardé le mur de cette casemate. Aujourd'hui elle est transformée en cachot; peut-être espère-t-on que ces murailles parleront au soldat de sa glorieuse mission et de ses devoirs?

L'entrevue fut pleine de courtoisie; il y avait quelque chose de touchant dans les regrets noblement exprimés par le général, qui craignait de n'avoir pas fait une assez honorable défense. Les princes français s'empressèrent de le rassurer sur ce point. Quelques moments plus tard, en visitant la citadelle, le maréchal Gérard s'arrêtant en face de l'escarpe à moitié tombée dans le fossé du bastion de Tolède, dit même à haute voix, en présence d'un grand nombre d'officiers hollandais : « Il était temps; le général Chassé s'est conduit en homme

d'honneur; il ne pouvait tenir un jour de plus. »

Les princes et le maréchal se rendirent ensuite sur les glacis de la lunette de Kiel; là se trouvait rangé en bataille la division française Favre, ainsi qu'un détachement de l'artillerie et du génie. Ces troupes devaient assister à la remise des armes de la garnison. On ne tarda pas en effet à voir sortir de la citadelle, s'avançant en colonnes serrées par divisions, cette garnison réduite à trois mille quatre cent soixante sept hommes. Elle déboucha par la Porte de Secours, puis déposa ses armes et les mit en faisceaux. Le maréchal Gérard, honorant son ennemi vaincu, avait voulu éloigner de l'exécution du traité tout ce qui aurait pu en augmenter l'amertume; ainsi, cette remise des armes se fit sans le moindre apparat; et, pendant que le défilé avait lieu, on ne se doutait pas même de ce fait au quartier général français.

On a vu que les canonnières hollandaises n'avaient pas été comprises dans la capitulation. Le lendemain de la reddition de la citadelle, c'est-à-dire le 25 décembre 1832, celle qui portait le n° 8, commandée par le lieutenant Meesman, essaya de descendre l'Escaut. Elle était déjà parvenue au milieu d'une grêle de projectiles à dépasser le fort du Nord, lorsqu'elle se vit forcée, pour n'être pas coulée, de se rendre à la garnison française du fort Philippe. Le lieutenant Meesman et les vingt-huit

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