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sur les tendances républicaines de cette émeute de Grenoble; l'attitude de conciliation, mais aussi d'autorité, que cherchait à y prendre un républicain bien connu, M. Jules Bastide, eut parfaitement suffi pour éclairer le gouvernement à cet égard.

Casimir Périer et le maréchal Soult furent vivement, quoique diversement émus, en recevant ces nouvelles, le premier comme défenseur de l'ordre, le second comme champion de la dignité militaire. Le conseil tout entier se montrait disposé à les suivre sur le terrain d'une ferme et immédiate répression. Le maréchal, au nom de la discipline et dans le but de rendre de la confiance à l'armée, déclara qu'il fallait que le 35 rentrât dans la ville, et il fit connaître en ces termes, la résolution du gouvernement:

« L'ordre public a été troublé à Grenoble. Le 35 régiment de ligne, chargé de le rétablir, a parfaitement rempli son devoir. Sa conduite a été telle qu'on pouvait l'attendre du bon esprit et de l'excellente discipline qui distinguent tous les régiments de l'armée. Le roi a ordonné que des témoignages de sa satisfaction fussent adressés au 35°. Sa Majesté n'a point approuvé que ce régiment se fût retiré de Grenoble. Le lieutenant-général Delort, commandant supérieur de la septième division militaire, a reçu l'ordre de le faire rentrer dans la ville avec les autres troupes qui y sont dirigées.

Aucune sorte de transaction relative au 35° régiment n'avait été et n'avait pu être faite entre de prétendus députés de Grenoble et l'autorité supérieure militaire; elle la désavoue formellement. Digne de la confiance du roi, l'armée a prouvé qu'elle ne cessera jamais de la mériter par sa discipline et son exactitude à remplir tous les devoirs. qui lui sont imposés. Elle sera toujours prête à combattre les ennemis qui menaceraient l'indépendance de la patrie et les factieux qui tenteraient de renverser les lois ou de troubler la tranquillité publique. Soldats! depuis le jour où le drapeau national vous a été rendu, vous n'avez cessé de l'honorer par votre dévouement, votre courage et votre discipline. Vous avez entouré le trône et les institutions de Juillet d'un rempart au pied duquel les partis sont venus expirer. Soldats! le roi et la France vous remercient. >>

La force est, dans certains cas donnés, l'habileté suprême, et ces énergiques paroles produisirent un grand et salutaire effet. Elles attestaient, et c'est pour cela que nous les avons textuellement reproduites, quel abîme séparait le ministère Périer des cabinets impuissants ou révolutionnaires qui l'avaient précédé. Au spectacle de toutes ces crises intérieures, de ces tentatives plus ou moins audacieuses des divers partis, l'impatience, une impatience maladive s'emparait de Casimir Périer et le

dominait tout entier. Des incidents extérieurs vinrent accroître encore ces dispositions irritables en conseillant au ministre une mesure non moins énergique que toutes celles qui l'avaient précédée, mais d'une portée infiniment plus grande : la dissidence la plus complète existait, au commencement de 1832, entre le gouvernement pontifical et les légations. Celles-ci prétendaient que les réformes promises par le saint-père n'avaient pas été réellement accordées, et refusaient d'obéir à l'injonction de désarmer leurs gardes civiques. En présence de ces dispositions insurrectionnelles, Grégoire XVI avait transmis aux chefs de ses forces militaires qui se trouvaient alors à Rimini et à Ferrare, l'ordre de se porter avec les corps placés sous leur commandement sur Bologne, Forli, Ravenne, et dans une partie de la légation de Ferrare, qui jusqu'alors n'avait point été occupée. Le cardinal Albani était investi des pouvoirs de commissaire extraordinaire et chargé de faire exécuter ces mouvements sous sa direction suprême. Le pape faisait en même temps (à la date du 10 janvier 1832) dresser par le cardinal Bernetti une note circulaire aux ambassadeurs de France, d'Autriche, de Prusse et de Russie, qui, dans leurs réponses à cette notification, et tout en s'accordant à blâmer la conduite des insurgés, ajoutaient qu'ils ne doutaient pas que l'exécution des ordres pontificaux ne rencontrât une soumis

sion immédiate. Voici quelles étaient à cet égard les paroles de M. de Saint-Aulaire, représentant de la France auprès du saint-siége apostolique :

« S'il arrivait cependant que, dans leur mission toute pacifique, les troupes exécutant les ordres de leur souverain, rencontrassent une résistance coupable, et que quelques factieux osassent commencer une guerre civile aussi insensée dans son but que fatale dans ses résultats, le soussigné ne fait nulle difficulté de déclarer que ces hommes seraient considérés comme les plus dangereux ennemis de la paix générale par le gouvernement français qui, toujours fidèle à sa politique tant de fois proclamée sur l'indépendance et l'intégrité des états du saintsiége, emploierait au besoin tous ses moyens pour les assurer. La bonne intelligence qui existe entre le gouvernement du roi et ceux de ses augustes alliés, assure l'accomplissement des vœux que le soussigné prie S. E. de porter aux pieds de Sa Sainteté. >>

Toutefois, la résistance s'organisait dans la Romagne. Le général Baluzzi, commandant en chef des gardes civiques de Bologne, avait répondu par une proclamation énergique à la note du cardinal Bernetti, et les habitants semblaient disposés à refuser l'entrée de leur territoire aux troupes pontificales, qui n'étaient composées, disaient-ils, que d'aventuriers et de malfaiteurs. Bien qu'il ne fût

:

plus permis de douter d'une nouvelle intervention des Autrichiens, les gardes civiques de Bologne n'hésitèrent pas à engager la lutte avec les soldats de Grégoire XVI; et prenant position, au nombre de dix-huit cents hommes avec trois pièces de canon, dans la plaine de Césène, elles attendirent de pied ferme l'armée papale, forte de quatre mille hommes d'infanterie, de six cents dragons et de deux obusiers. L'engagement dura plusieurs heures les dragons pontificaux, accueillis par une fusillade meurtrière, furent repoussés à diverses reprises; cependant le chef des gardes civiques étant tombé sur le champ de bataille, ses troupes battirent aussitôt en retraite, laissant sur le terrain deux cents morts ou blessés. Elles se dirigèrent sur Forli, qui, ainsi que Césène et Ravenne, fut bientôt occupée par les soldats romains. Des scènes de sauvage destruction, des actes de cruauté que rien ne justifiait, marquèrent la prise de Césène et de Forli. Des citoyens de tout rang, des ecclésiastiques, des enfants, des femmes, furent impitoyablement passés par les armes, et la soldatesque furieuse se livra à un pillage effréné. L'exaspération des Romagnols s'accrut naturellement à la nouvelle de ces excès; mais les forces autrichiennes se présentèrent le 28 janvier devant Bologne, qui ne put leur résister, et, quelques heures après, elles y faisaient leur entrée, suivies de trois mille

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