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dansla fauffeté des actions qu'ils racontent, qu'on peut aifément s'y tromper, & prendre l'un pour l'autre fans beaucoup de peine. Ce font deux Ecrivains également mauvais, & deux Hiftoriens également faux,chacun d'eux attribuant à fon Heros des chofes qu'Arlequin & Scaramouche n'ont jamais ni faites ni penfées. J'excuse cependant l'Auteur de la Vie de Scaramouche,fur ce qu'il convient que fon Livreeft deteftable,mais qu'il a été obligé de le faire tel pour fe conformer à la capacité de celui qui vouloit y mettre fon nom. J'excuferois de même l'Auteur de l'Arliquiniana, fi je fçavois les raifons qu'il a euës de mettre tant de pauvretez dans le fien.

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Quoy qu'il en foit,cette multiplicité de fades Volumes qui paroiffoient de tems en tems,& qui ne faifoient point d'honneur à nôtre Theatre, m'a déterminé à faire1eimprimer le mien. Je l'ay augmenté de tout ce qui me reftoit de Scenes jolies, &. d toutes celles qu'on a reprefentées fur le Theatre depuis. Tant de matiere m'a fourni de quoi en faire fix Volumes, que jay enrichis d'Estampes en Taille-douce à la tefte de chaque Comedie, à la fin de laquelle on trouvera les Airs qu'on y a chantez,gravez notez,avec leur Baffecon

tinue chiffrée.En un mot, je n'ay rien negligé de tout ce que j'ay cru capable d'embellir mon ouvrage, & de donner du plaifir au Lecteur, qui paffera, s'il lui plaît, fur les Scenes qu'il ne trouvera pas de fon goût, & qui peut-être fe trouveront être celles que j'ay déja condamné le premier, & que je n'ay imprimées, que parce que tous les goûts ne fe reffemblent pas, & que ce qui ne plaît pas aux uns plaît souvent aux autres: Je n'ay connu que les Gradelins & les Polichinelles qui n'ont jamais plu à perfonne; auffi ne les trouverat'on pas dans aucune des Scenes de mon Recueil;& fi je les ai mis dans ma Preface, c'eft qu'ils ont toûjours étéà la Porte du Theâtre Italien.

Les Curieux de la Langue Italienue y trouveront par-cy par-là des Scenes purement en Italien, & d'autres mêlées de François & d Italien,ainfi qu'on les jouoit fur notre Theatre; avec cette difference pourtant que le Docteur & Arlequin n'y parlent pas le langage ferré de Boulogne & de Bergame, parce qu'on ne les enten

droit

pas.

Les Amateurs des Sujets fuivis y trouveront environ quarante Comedies entieres que j'ay fait imprimer comme on les jouoit é iiij

fur nôtre Theâtre,à la referve du langage de Pafquariel que j'ay corrigé, & de la plupart des Scenes qu'il jouoit, dont je n'ai mis que la teneur, parce qu'elles étoit ou toutes poftiches,ou tout à fait Italiennes, c'est à dire toutes grimaces & toutes postures.

Ces Comedies ne font pas de ces Piéces Italiennes dont j'ai prétendu parler au commencement de mon Avertiffement quand j'ay dit, Qu'on ne les fçauroit imprimer, à cause qu'elles font infeparables des L'action, que les Italiens jouent fans rien aprendre par cœur : Mais ce font de celles où la Troupe étoit obligée (pour fe conformer au goût & à l'intelligence de la plûpart de fes Auditeurs) de faire inferer beaucoup plus de François qu'elle n'i mettoit d'italien,& que Meffieurs les Auteurs appelloient,Comedies Françoises accommodées au Theâtre Italien.

Pour ce qui regarde certains mots ufitez parmi les Comediens Italiens, j'ay jugé à propos de ne le point alterer mais afin qu'ils n'arreftent pas en les lifant, je les explique. Lazzi, par exemple, en eft un; il veut dire, Tour Jeu Italien. Aprés avoir repeté deux ou trois fois le même Lazzi, c'eft à dire, aprés avoir fait deux ou trois

fois le même Tour,aprés avoir repeté deux ou trois fois le même Feu Italien.

Cantonade en eft un autre. 11 fignifie aîle,coin, côté du Theatre. Arlequin parlant à la Cantonade, c'eft à dire, Arlequin parlant vers l'aîle,le coin, le côté du Theâtre.

Je paffe fous filence la Satyre fine & délicate,la connoiffance parfaite des mœurs du fiécle,les expreffions neuves & détournées, l'enjoûment, l'efprit; en un mot, tout le fel & toute la vivacité dont tous les Dialogues de ce Recueil font remplis, & je me contente de dire que file premier Volume que j'en donnai en 1694. & dont j'ay parlé cy-deffus, a merité le nom de Grenier à Sel:nom glorieux qui lui a été donné par cet Homme divin, ce Genie fuperieur, à qui le Ciel a donné des connoiffances & des lumieres qu'il a refufées à tous les autres hommes,afin que tous les autres hommes devinffent les fujets de fes fatyres;j'efpere que celui-cy pourra meriter le nom de Saline, étant & beaucoup plus ample & beaucoup plus correct que le premier.

A l'égard de mes Frontifpices, le premier donne une idée de la Comedie Italienne, Ce font plufieurs petits Genies,

qui aprés la retraite des Italiens, fe font emparez de leur Theâtre,& y reprefentent les actions principales de la plufpart de

ces Acteurs.

Le fecond eft une peinture de mon Recueil.Ce font plufieursGenies qui forment un Concert ; avec ces mots :: E PLURIBUS ja

UNUM.

Et le troifiéme exprime le chagrin dur Public,qui en perdant les Italiens a perdu les plus beaux ornemens du Theâtre Co-mique,& à qui il ne refte rien,pour se confoler d'une fi grande perte,que le Recueil que je lui prefente. Cela fe figure par la Mufe de la Comedie, dépouillée de tous fes ornemens,& affife fur un Theâtre, jettant les yeux fur un Volume que le Genie: d'Arlequin lui prefente, fur lequel font écrits ces mots : ExuviÆ TRISTES ; & aux pieds du Genie: DuM: LE GO,COL

LIGO..

Si aprés tous ces foins l'on trouve que j'aye bien reüffi,qu'on applaudiffe, fi non,. qu'on excufe. Quand mon Recueil n'auroit aucun merite,le feul plaifir que je ref fens de le prefenter au Public, vaut bien la peine qu'on ne le reçoive pas en rechig

nant..

On trouvera cy-aprés quantité de Vers Latins que plufieurs perfonnes de merite

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