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tion auprès du sultan, en déclarant qu'il était prêt à tous les sacrifices pécuniaires, si on parvenait à lui obtenir un pardon qu'il implorait à merci et miséricorde.

On ignore quelle impression cette lettre fit sur l'esprit de Khourchid, qui n'avait jamais parlé qu'en termes mesurés d'Ali Tébélen; mais ce qu'on resta quelque temps sans comprendre, c'est l'accueil que le proscrit fit à Alexis Noutza. A peine celui-ci eut-il mis le pied dans le château du lac, qu'Ali, quittant son souterrain, courut à sa rencontre, et se précipita entre ses bras. En présence de ses officiers et de sa garnison, il le nomma son fils, son cher Alexis, son sang légitime ainsi que Salik-pacha. Il fondait en larmes, et l'impie osa attester le ciel que Mouctar et Véli, qu'il avait pu désavouer à cause de leur lâcheté, étaient les fruits adultérins des amours d'Éminé. Il ne craignit pas de lever la main contre son tombeau; lui, qu'elle avait cessé de poursuivre depuis qu'il était malheureux. Vainement on voulut le calmer, en le suppliant de respecter la mémoire de son épouse; endurci dans le crime, il persista dans le mensonge qu'il appuyait par des serments redoutables; et il entraîna Noutza, étonné d'un pareil délire, au fond de sa casemate. Puis, ayant fait appeler Vasiliki, il le lui présenta comme un fils toujours cher à ses entrailles paternelles, que de fausses considérations humaines l'avaient trop longtemps obligé d'éloigner de son sein, parce qu'étant né d'une mère chrétienne il avait été élevé dans la religion d'Issa.

Le prétendu fils d'Ali était digne d'un pareil père. Mais il fut bientôt démontré que ce qui venait de se passer était une comédie jouée par Ali, dans le but de se réhabiliter du crime d'inceste au premier chef, dont il s'était rendu coupable avec sa belle-fille Zobéide. Ne pouvant plus répondre aux accusations d'Ismaël-pacha par des dénégations vagues, depuis que son fils Véli avait révélé lui-même la honte de sa couche et le déshonneur de ses propres filles; forcé de donner une satisfaction apparente à l'opinion publique, il avait imaginé, en désavouant ses fils nés d'Éminé, d'atténuer ses forfaits incestueux, en les faisant rentrer dans la classe des désordres tolérés par les lois du prophète. Il réussit ainsi à en imposer à ses soldats, sans s'inquiéter du suffrage des capitaines qui l'entouraient, car la plupart ne tenaient à sa cause que par la crainte des supplices auxquels ils étaient réservés dans des temps de justice ordinaire.

Renfermé dans le repaire du tigre, Alexis, après l'avoir entretenu

des forces de l'armée impériale, qui ne se montaient qu'à treize mille hommes effectifs, lui apprit que les Souliotes avaient reçu depuis deux jours des propositions d'accommodement de la part du capitanbey; il n'en savait pas davantage.

En effet, Khourchid, qui avait parfaitement compris ce que voulait Ali, s'était empressé de mander au vice-amiral stationné à Prévésa, qu'il était urgent d'entamer des pourparlers avec les Souliotes, afin de les rendre neutres, si on ne pouvait pas les ramener sous les drapeaux du sultan. Il lui prescrivait de leur représenter l'anéantissement d'Ali comme inévitable, les difficultés présentes et celles plus grandes encore de leur position isolée au milieu des peuplades chamides mahométanes dont ils étaient entourés, quand celui qui les avait égarés viendrait à succomber. Sans prendre d'engagement spécial, il l'autorisait à leur faire des offres pécuniaires, en leur laissant entrevoir la possibilité d'être réintégrés dans les montagnes de la Selléide, comme une récompense éventuelle de leurs services et de leur fidélité. C'était sur ces bases que le négociateur était autorisé à traiter, Khourchid s'imaginant que des hommes trompés par Ali s'estimeraient trop heureux d'obtenir des sûretés momentanées, en se contentant d'espérances sans garantie pour l'avenir. Quant au messager qui lui avait apporté la lettre du proscrit, il le chargea, après l'avoir honorablement traité, d'assurer son maître qu'il trouverait dans Khourchid un frère toujours prêt à l'entendre et à intercéder en sa faveur auprès du sultan.

L'émissaire, s'étant retiré avec ces paroles qu'il fit connaître à Ali, se rendit par des voies détournées à Cenchrée. Un bâtiment hydriote l'attendait dans ce port où il s'embarqua, pour se rendre à Smyrne, ville que le satrape avait choisie pour y établir le centre de ses correspondances avec Constantinople, Méhémet-Ali, pacha d'Égypte, et les régences barbaresques.

Ismaël les portait à quinze, mais ce terme était exagéré, comme on peut le voir par le relevé ci-joint.

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Alarmé sur les conséquences du coup détourné qu'on lui portait, Ali, qui s'était flatté d'opérer une diversion politique en s'adressant à Khourchid-pacha, se trouvait pris au dépourvu par celle du capitanbey. Ne sachant comment demander des éclaircissements aux Souliotes, qu'il avait cruellement compromis en se réservant la forteresse de Kiapha, il roulait divers projets dans sa tête, lorsqu'une lettre qu'il reçut d'eux, dans la nuit du 19 au 20 janvier, le mit au courant de l'état des négociations. Nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en donnant cette pièce qui prouve que les ruses diplomatiques n'étaient pas étrangères aux montagnards de la Selléide.

Très-vénéré seigneur, salut1!

«Dans la convention arrêtée entre nous à la fin de l'automne dernier, tu t'engageas à nous rétablir dans l'intégrité de notre territoire, dont la forteresse de Kiapha fait partie. De notre part, nous » avons rempli nos engagements et même au delà, sans que la forte»resse nous ait été livrée.

» Maintenant nous t'informons que le sultan nous fait proposer » cinquante piastres de solde par mois à chaque soldat, et une pen>>sion de huit cents à chaque femme, enfant ou proche parent de >> ceux qui mourraient en combattant sous ses drapeaux. Il nous >> offre encore de nous reconnaître autonomes de Souli et de nous » accorder Kiapha, aux conditions de servir sa cause.

» Déjà nos palicares ont recouru à toi pour demander Kiapha, et » ils le réclament avec de nouvelles instances. Depuis qu'ils ont en » connaissance des propositions de la Porte, nous ne pouvons plus » les contenir ; ils crient, ils veulent Kiapha, en menacant, si on ne » le leur donne, de se joindre aux Turcs. Malgré tout, nous sommes

Γράμμα τῶν Σουλιωτῶν πρὸς τὸν ̓Αλή πασᾶν.

Πολυχρονεμένε αὐθέντη σὲ χαιρετοῦμεν.

̓Απὸ τὰ τέλη τοῦ περασμένου φθινοπώρου μᾶς ὑποσχέθης εἰς τὴν ἀναμεταξύ μας συνθή κην νὰ μᾶς ἐπιστρέψῃς μαζὶ μὲ ὅλον τὸν τόπον τῆς πατρίδος μας καὶ τὸ κάστρον τῆς Κιάφας. Ἡμεῖς ἐκάμαμεν ὅλα ὅσα ἐσυμφωνήσαμεν, καὶ περισσότερα ἀπ ̓ όσα ὑποσχέθημεν· ὅμως τὸ κάστρον ἀκόμη δὲν μᾶς ἐδόθη.

Τώρα ἡ βασιλεία μᾶς προβάλλει νὰ πληρώσῃ πενήντα γρόσια τον μῆνα τὸν στρατιώτην, ὀκτακόσια τὴν γυναῖκα ἢ τοὺς γονεῖς τοῦ παιδίου ὁποῦ σκοτωθῇ εἰς τὸν πόλεμον, νὰ μᾶς γνωρίσῃ αὐθέντας τοῦ τόπου μας καὶ νὰ μᾶς ἐπιστρέψῃ καὶ τὴν Κιάφαν, ἄν θέλωμεν νὰ πολεμήσωμεν μαζὶ μὲ αὐτήν.

Τὰ παλληκάρια καὶ προτήτερα ἀκόμη ἐζητοῦσαν τοῦτο τὸ κάστρον· ὅμως ἀφ' οὗ ἄκουσαν τἀζητήματα τῆς βασιλείας, δὲν ἠμποροῦμεν πλέον νὰ τὰ βαστάξωμεν. θέλουν, φωνάζουν, τὴν Κιάφαν, ἤ σηκώνουν τὰ ἄρματα μὲ τὴν Πόρταν. Τέλος πάντων τὰ ἡσυχάσαμεν ὀλίγον,

» parvenus à les calmer, en leur promettant de te demander avec > instance le château objet de leurs vœux, comme prix de leur va>> leur; ne le refuse donc pas plus longtemps.

» Nous nous croyons autorisés d'autant plus légitimement à nous >> plaindre, que nous n'avons jamais manqué à notre parole, ni à >> aucun de nos engagements avec personne. Nous restons plus que » jamais fidèles à la convention que nous t'avons jurée sur notre re» doutable évangile; nous voulons être tes alliés, tes amis, et con>> courir avec toi à expulser les Turcs, que nous détestons à l'égal de » nos péchés. Mais nos palicares déclarent que, n'ayant pas de patrie >> aussi longtemps qu'on leur refusera Kiapha, ils attendent ta réponse » pour décider de quel côté ils tourneront leurs armes. >>

Si une pareille déclaration était de nature à inquiéter Ali, la défection d'Alexis n'était pas moins propre à redoubler les anxiétés d'Ismaëlpacha. Convaincu qu'il n'était entouré que d'ennemis, accablé du poids d'une disgrâce qui ne devait pas s'arrêter au point où elle le frappait, il dévorait plus de chagrins qu'il n'osait en confier à Dramali. Retiré sous sa tente dès la fin du jour, il passait souvent les nuits à prier, à pleurer, lorsque le hasard fit tomber entre ses mains la réponse du proscrit aux Souliotes. Il les prévenait que son intention étant d'attaquer, le 26 janvier au matin, le camp de Pachô-bey, il les invitait à prendre part au combat. Afin d'opérer une diversion, ils devaient descendre de nuit dans le vallon de Janina, occuper une position qu'il leur indiquait, et il leur donnait pour signe de reconnaissance le mot d'ordre flouri, ou sequin. Cette affaire qui devait porter le dernier coup à l'armée ottomane réussissant, il leur promettait de remplir leurs vœux, auxquels il ne mettait plus pour condition préalable que ce dernier service.

La lettre d'Ali portait la date du 21 janvier; c'était dans cinq jours que l'Épire allait être délivrée de ses dévastateurs; le tyran souriait à

ὑποσχόμενοι, ὅτι ἂν σέ ζητήσωμεν ἐπιμόνως τὸ κάστρον, ὡς μισθὸν τῆς παλληκαριᾶς των, δὲν θὰ μᾶς τὸ ἀρνηθῇς.

Ἡμεῖς νομίζομεν, ὅτι ἠμποροῦμεν νὰ καυχώμεθα δικαίως, ὅτι ποτὲ δὲν ἐπατήσαμεν τὸν λόγον μας οὐδὲ τὰς συνθήκας μας, ὅσας ποτὲ ἐκάμανεν μὲ ὁποιουσδήποτε ἀνθρώπους - στε κόμεθα καὶ τώρα πιστοὶ εἰς τὰς συμφωνίας μας, ἐνθυμούμεθα τὸν φοβερὸν εἰς τὸ Εὐαγγέλιον ὅρκον μας, καὶ ἀγαποῦμεν νὰ ἤμεθα πάντοτε σύμμαχοι καὶ φίλοι μὲ σὲ τὸν γείτονά μας, καὶ νὰ ἀποδιώξωμεν τοὺς Τούρκους, τους ὁποίους μισοῦμεν, ὅσον τὰς ἁμαρτίας μας. Ὅμως τὰ παλληκάρια φωνάζουν, ὅτι ἂν δὲν λάβουν τὴν Κιάφαν, δὲν ἔχουν πατρίδα, καὶ ὅτι ἡ ἀπόκρι σίς σου θὰ τὰ ἀποφασίσῃ, μὲ ποῖον ἔχουν νὰ βαστάξουν τ' ἄρματα.

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cette idée. Déjà il voyait les Osmanlis rejetés dans les défilés du Pinde, poursuivis par les armatolis et les Souliotes, périssant au milieu des neiges et des glaciers du Polyanos et du mont Lingon. Débarrassés du blocus, les Toxides, accourant à Janina, amenaient à leur suite les nombreux partisans qu'il avait dans la Guégaria; et une vaste insurrection s'amoncelant autour de Janina, il reconquérait tout ce qu'une lâche défection lui avait fait perdre. Alors, ébranlant l'empire, il dictait des lois à son maître, et se trouvait plus que jamais riche et puissant. Il écrivit dans ce sens à son agent Constantin Ducas, établi en Valachie, en lui donnant comme positif un succès qui n'existait que dans son imagination; et cette déception, répandue parmi les Hétéristes, hâta les événements mémorables dont nous ne tarderons pas à parler.

Que le lecteur veuille bien faire attention aux dates, et il verra que nous n'avançons rien de hasardé, s'il se rappelle que depuis le mois d'août il y avait une correspondance suivie entre Jassi, Bukarest et Mezzovo, d'où les émissaires des Hétéristes se glissaient dans la forteresse occupée par Ali, qui était toujours maître de la navigation du lac.

Ismaël-pacha, devenu prudent à ses dépens, jugea à propos de ne communiquer la lettre du proscrit qu'au seul Dramali, en qui il avait une confiance méritée. Après avoir médité sur son contenu, on convint qu'avec plus de forces disponibles on aurait pu faire parvenir cette dépêche aux Souliotes, et leur dresser une embuscade dans les montagnes où le détachement qu'ils auraient envoyé au secours d'Ali eûtété facilement exterminé. Mais en calculant les chances, on trouva plus convenable de réunir toutes les troupes, afin d'envelopper le satrape dans ses propres filets. On décida en conséquence d'embusquer, dans la position qu'il avait assignée aux Souliotes, un corps d'Albanais auxquels on donnerait le mot de ralliement qu'on avait trouvé dans la lettre interceptée. Cependant plusieurs doutes fondés s'étant élevés sur la fidélité des Schypetars, cette considération détermina Ismaël à faire usage du firman par lequel Omer Brionès était nommé pacha de Bérat et d'Avlone.

Les instructions qui accompagnaient ce diplôme impérial, portant qu'on laissait le choix à Ismaël, ou de conférer ce titre à Omer, afin de s'assurer de sa fidélité, ou pour le récompenser de quelque service éclatant, il fut jugé convenable de ne pas différer d'en faire usage. On pensa ensuite à éloigner Tahir, Hago Muhardar, Hassan et le

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