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>> vrera à ses enfants mâles une attestation authentique des services » de leur père. Chaque année, le troisième dimanche du grand » carême, on célébrera une cérémonie funèbre en l'honneur de ceux » qui auront sacrifié leur vie pour nos saintes lois. Les belles actions >> seront inscrites aux archives de l'Etat, afin que chacun puisse un >> jour recevoir de notre roi orthodoxe honneur et gloire ! Et comme >> chez les anciens, où les traîtres à la patrie, les sacriléges et les » tyrans étaient privés de sépulture dans la terre natale 1, on dé>> clarera les transfuges maudits de la patrie et excommuniés de » l'Église. »

Tel fut le premier décret rendu par les Grecs, qualifiés de barbares de la part de quelques étrangers, auxquels on pourrait dire ce qu'un ancien répondait à un ambassadeur qui s'exhalait en injures contre les Spartiates Votre haine ne viendrait-elle point de ce que leur monnaie de fer est trop lourde? vous n'avez pu emporter de ce pays-là que vos ressentiments.

Une insurrection commencée sous de pareils auspices aurait dû avertir ses détracteurs qu'elle avait quelque chose de si extraordinaire, qu'on ne pouvait encore la qualifier. Loin de là, on essaya d'en calomnier les motifs, et on ne craignit pas d'annoncer, en voyant les Grecs rentrés dans leurs ports, qu'ils fuyaient consternés devant l'apparition prochaine de la flotte ottomane, qui allait châtier leur audace. La voix de la religion avait parlé au cœur de ses enfants.

Tandis qu'on publiait leur dispersion, les Hydriotes réunis aux députés des îles de la mer Égée s'occupaient à armer une flotte, qui devait confondre l'orgueil des infidèles. Ils n'ignoraient pas que c'était sous la protection de leurs voiles, que les insulaires devaient trouver un abri sauveur, et que la liberté de la Grèce antique était due aux journées de Salamine et de Mycale.

Hydra, presque aussi riche en vaisseaux que Marseille, ordonna d'armer trente-six bâtiments du port de douze à vingt canons, montés par deux mille quatre cent quarante-six matelots. On s'occupa en même temps de fortifier Hydra, on pourvut à plusieurs autres moyens de sûreté ; et ceux qui avaient montré le moins d'ardeur pour la cause de l'indépendance devinrent ses zélateurs les plus ardents. Les matelots quittèrent le costume des raïas; les chefs ornèrent leur tête af

Diodor., lib. xvi, ch. 6. Plutarch. in Dione. Diogen. Laert. in Periandro.

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franchie du signe auguste de la croix et de la légende la mort ou la liberté. Le pavillon à l'effigie du Christ eut pour devise l'adage spartiate H TAN H EHI TAΣ, que les Hydriotes interprétaient à leur manière en disant avec, ou à fond; devant vaincre ou couler bas.

Chacun rivalisant de zèle, l'ancienne Tiparénus, vulgairement appelée Spetzia, ou Petza, résolut d'unir à la Béotie sacrée dix båtiments montés par six cent quarante matelots, endurcis aux fatigues de la mer et non moins habiles que les Hydriotes. Ils brûlaient de se mesurer avec les Turcs, de qui ils avaient reçu de tout temps des injures d'autant plus graves, qu'ils n'avaient pas d'aussi puissants moyens de se faire respecter, que les riches armateurs d'Hydra. Le sang d'un de leurs capitaines demandait vengeance; et son épouse Bobolina, qui était veuve depuis sept ans, obtint la faculté d'armer à ses frais trois vaisseaux, pour mériter une satisfaction dont elle ne voulait laisser l'honneur à aucun de ses compatriotes. Nouvelle Artémise, on la vit, telle que cette reine d'Orient, mais pour une plus noble cause, arborer son pavillon sur un brick, et, donnant deux des vaisseaux qu'elle possédait à des officiers habiles, devenir leur amiral, tandis qu'elle envoyait deux de ses fils à l'armée des Hellènes qui combattaient en terre ferme. Elle les avait depuis longtemps entretenus de la mort de leur père, assassiné à Constantinople, en 1812, par ordre du sultan, et elle ne tarda pas à leur montrer comment on apaise les månes des braves.

Mycone, qui n'était autrefois renommée que par ses figuiers, riche maintenant de vingt-deux vaisseaux armés de cent trente-deux canons, dut également au patriotisme d'une femme, la belle Modéna Mavrogénie, l'honneur de s'unir à la confédération. Issue d'une de ces familles princières qui conservèrent, après la prise de Constantinople, quelques lambeaux de leur illustration, les aïeux de cette héroïne avaient, dit-on, possédé pendant longtemps des fiefs dans l'île d'Eubée. Un de ses ancêtres, après avoir perdu la ville de Carystos, était passé au service de la Porte, où ses descendants étaient devenus drogmans, jusqu'au temps où Mavrogénie, dernier rejeton de cette famille, vit égorger Étienne, son père, par ordre du sultan. Réfugiée depuis cette époque dans l'île de Mycone, elle y serait morte oubliée sans la secousse qui venait de ranimer la Grèce toujours hé

1 Ce pavillon du Christ est celui du Sauveur bénissant des enfants.

roïque ! Elle avait mis en mer deux armements; et l'antique Eubée s'était réveillée à la voix d'Azorbas et de Nicokès, auxquels elle avait confié le soin de remuer les populations barbares de l'Euripe, en déclarant que sa main, destinée à un homme libre, serait le prix du vainqueur des Turcs. Les soixante et douze villages de l'Eubée étaient en pleine insurrection, et les infidèles avaient été contraints de se renfermer dans les deux places fortes, qui sont Négrepont et Carystos. Mavrogénie, que les habitudes de son sexe empêchaient de tenir la mer, ne cessant d'enflammer par ses discours les Myconiens, ils s'engagèrent à joindre quatre chebecs de premier échantillon à l'armée navale grecque.

Calaurie, témoin de la fin tragique de Démosthènes, fournit un vaisseau équipé de cent dix hommes et de seize canons. Bathinos arma quatre corsaires et donna deux tartanes condamnées, qu'on répara pour en faire des brûlots. Psara prépara vingt polacres aussi rapides que les alcyons qui se jouent sur la crête des vagues, et huit navires incendiaires appelés par les Grecs, brûlots. Cymé, renommée par l'habileté de ses plongeurs, aussi robustes qu'ils l'étaient au temps d'Homère, sans être intimidée par le voisinage des Turcs de Rhodes, fit sortir douze chebecs et autant de barques à neuf bancs de rameurs, que les Cymiotes emploient à la pêche des éponges. Ces armements, redoutables aux vaisseaux de haut bord lorsque ceux-ci sont enchaînés, par les calmes, à la surface des mers, se répandirent dans les canaux des îles, qui s'élèvent du sein d'Amphitrite, pareilles à des autels consacrés à Neptune. La mer Icarienne, les Sporades, jusqu'à Casos, qui possède une multitude de Leuces montés par des hommes bercés, dès l'enfance, à travers les flots carpathiens, formèrent une chaîne de croiseurs redoutables au croissant. Les Turcs furent ainsi forcés de renoncer à la navigation de ces parages, où aucun de leurs bâtiments ne se montra plus que pour être la proie des Grecs d'Anaphe, d'Amorgos, de Polégandros et d'Ascania, empressés de se joindre à toutes les barques accourues dans leurs ports, pour les inviter à combattre sous l'étendard de la croix.

Le plaisir de se venger des infidèles, l'amour du pillage, la férocité trop naturelle aux insulaires, avaient transformé les timides taouchans en matelots audacieux, car la valeur exista toujours au fond 'Taouchans, lièvres; épithète que les Turcs donnaient aux Grecs insulaires de la mer Égée.

de leurs cœurs ulcérés par des siècles d'humiliations. La voile latine devint la terreur des infidèles jusqu'au fond des golfes de l'Asie mineure. Trikéri fit sortir du sein pagasétique ses pinques, dont les équipages font tour à tour le métier de pirates, à l'abri des écueil de la mer de Myrtos, et celui de klephtes dans les gorges du mont Pélion; armés pour la défense de la patrie, ils aspiraient à mériter d'être avoués pour enfants d'un pays où ils n'étaient encore connus que par leurs brigandages. Ténos fournit quelques barques pontées employées au cabotage, pour être converties en brûlots. Andros, Santorin, Céos et Paros, rivalisant de dévouement, chaque île devenue un foyer d'enthousiasme se préparait au combat sacré, tandis que des explorateurs stationnés devant Ténédos, et des vigies montées sur tous les promontoires des Cyclades attendaient l'apparition de l'ennemi pour donner le signal des jours de gloire qui devaient replacer le peuple grec au rang des nations de l'ancien continent.

CHAPITRE IV.

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Martyre de Cyrille, archevêque du mont Hémus, de Dorothée, ancien élève de l'Ecole polytechnique de Paris, archevêque d'Andrinople, de l'archiprêtre Eutrope, d'Eugène, archevêque d'Ephèse, de Joseph, archevêque de Thessalonique, de cent quatre-vingt-cinq exarques hégoumènes; d'une foule de banquiers et de négociants grecs. — Insurrection de l'Attique. — Athènes occupée par les Grecs. Cruautés des Turcs dans le Péloponèse.

broche.

de Janina.

Chrétiens mis à la

Le consul français de Patras sauve les réfugiés. — Prise de l'île du lac - Habitants livrés à la luxure des Turcs.

-

passe les Thermopyles;

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Khourchid fait pendre Irrésolution des Étoliens;

l'évêque de Hiéro-Méri et plusieurs ecclésiastiques. découvrent le plan d'extermination formé contre eux;-s'insurgent; - battent les Turcs. Entrée en campagne d'Omer Brionès; bat et fait empaler le capitaine Diacos; est vaincu par Odyssée. Prise d'Arachôva. — Turcs passés au fil de l'épée. — Insurrection de la Phocide et de la Locride. · Mort de Chaïnitza, sœur d'Ali Tébélen. vlachie. Perte et reprise de villes du Pinde par les Turcs. lovlachites.

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La raison humaine perfectionnée par la civilisation offre rarement des modèles éclatants de vertu. C'est, dit l'abbé Fleuri, parmi des peuples tels que les Troyens, les Grecs et les Hébreux, auxquels on nous permettra d'ajouter les modernes Hellènes, placés sous l'influence continuelle de la Divinité, qu'on trouve ces prodiges de valeur qui occupent de si belles pages dans les annales du monde. Ils marchent entourés de miracles, et les prestiges qu'ils éprouvent opèrent en eux l'espèce de transmigration des âmes qui reproduit les Phinée, les Léonidas et les héros de l'antiquité. La mort d'un homme, le martyre du patriarche Grégoire, avait changé la question de l'indépendance imprudemment proclamée par Hypsilantis; c'était le ciel qui parlait maintenant aux Grecs par l'organe de ses ministres. << Vainqueurs,» s'écriait un de leurs orateurs, « l'Europe applau» dira à nos succès; vaincus, la tombe nous séparera à jamais de nos » tyrans dans l'une ou l'autre hypothèse, nous ne laisserons pas une » postérité flétrie par l'esclavage. »>

Cette résolution ne pouvait venir que d'une inspiration surnatu

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