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Sacrement de pénitence. Cherchez le plus digne confesseur que vous pourrez, prenez en main quelqu'un des petits livres qui ont été faits pour aider les consciences à se bien confesser, comme Grenade, Bruno, Arias, Auger; lisez-les bien, et remarquez de point en point en quoi vous aurez offensé, à prendre depuis que vous eûtes l'usage de raison, jusqu'à l'heure présente. Et, si vous vous défiez de votre mémoire, mettez en écrit ce que vous aurez remarqué. Et, ayant ainsi préparé et ramassé les humeurs peccantes de votre conscience, détestez-les et les rejetez par une contrition et déplaisir aussi grand que votre cœur pourra souffrir, considérant ces quatre choses : que, par le péché, vous avez perdu la grâce de Dieu, quitté votre part de paradis, accepté les peines éternelles de l'enfer, et renoncé à l'amour éternel de Dieu. Vous voyez bien, Philothée, que je parle d'une confession générale de toute la vie, laquelle, certes, je confesse bien n'être pas toujours absolument nécessaire; mais je considère bien aussi qu'elle vous sera extrêmement utile en ce commencement; c'est pourquoi je vous la conseille grandement. Il arrive souvent que les confessions ordinaires de ceux qui vivent d'une vie commune et vulgaire sont pleines de grands défauts. Car, souvent, on ne se prépare point, ou fort peu; on

n'a point la contrition requise, et il advient, maintes fois, que l'on se va confesser avec une volonté tacite de retourner au péché, d'autant qu'on ne veut pas éviter l'occasion du péché, ni prendre les expédients nécessaires à l'amendement de la vie ; et, en tous ces cas ici, la confession générale est requise pour assurer l'âme. Mais, outre cela, la confession générale nous appelle à la connaissance de nous-mêmes, nous provoque à une salutaire confusion pour notre vie passée, nous fait admirer la miséricorde de Dieu, qui nous a attendus en patience; elle apaise nos cœurs, délasse nos esprits, excite en nous de bons propos, donne sujet à notre père spirituel de nous faire des avis plus convenables à notre condition, et nous ouvre le cœur, pour, avec confiance, nous bien déclarer aux confessions suivantes.

Parlant donc d'un renouvellement général de notre cœur et d'une conversion universelle de notre âme à Dieu, par l'entreprise de la vie dévote, j'ai bien raison, ce me semble, Philothée, de vous conseiller cette confession générale.

CHAPITRE VII.

De la seconde purification, qui est celle des affections du péché.

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Ous les Israélites sortirent en effet de la terre d'Egypte; mais ils n'en sortirent pas tous d'affection. C'est pourquoi, dans le désert, plusieurs d'entre eux regrettaient de n'avoir pas les oignons et les chairs d'Egypte. Ainsi, il y a des pénitents qui sortent en effet du péché, et n'en quittent pourtant pas l'affection; c'est-à-dire, ils se proposent de ne plus pécher; mais c'est avec un certain contre-cœur qu'ils ont de se priver et abstenir des malheureuses délectations du péché. Leur cœur renonce au péché et s'en éloigne ; mais il ne laisse pas pour cela de se retourner souventes fois de ce côté-là, comme fit la femme de Loth du côté de Sodôme. Ils s'abstiennent du péché, comme les malades des melons, lesquels ils ne mangent pas, parce que le médecin les menace de mort s'ils en mangent; mais ils s'inquiètent de s'en abstenir, ils en parlent et marchandent s'il se pourrait faire; ils les veulent au moins sentir, et estiment bienheureux ceux qui en peuvent manger. Car, ainsi, ces faibles et lâches pénitents s'abstiennent

pour quelque temps du péché; mais c'est à regret ils voudraient bien pouvoir pécher sans être damnés. Ils parlent avec ressentiment et goût du péché, et estiment contents ceux qui le font. Un homme, résolu de se venger, changera de volonté en la confession; mais, tôt après, on le trouvera parmi ses amis qui prend plaisir à parler de sa querelle, disant que, si ce n'eût été la crainte de Dieu, il eût fait ceci et cela; et que la loi divine, et cet article de pardonner, est difficile; que plût à Dieu qu'il fût permis de se venger. Ah! qui ne voit qu'encore que ce pauvre homme soit hors du péché, il est néanmoins tout embarrassé de l'affection du péché; et qu'étant hors d'Egypte en effet, il y est encore en appétit, désirant les aulx et les oignons qu'il y voulait manger; comme fait cette femme qui, ayant détesté ses mauvaises amours, se plaît néanmoins d'être muguetée et environnée. Hélas! que telles gens sont en grand péril!

O Philothée, puisque vous voulez entreprendre la vie dévote, il ne vous faut pas seulement quitter le péché; mais il faut tout à fait émonder votre cœur de toutes les affections qui dépendent du péché; car, outre le danger qu'il y aurait de faire rechute, ces misérables affections allanguiraient perpétuellement votre esprit, et l'appesantiraient en

telle sorte qu'il ne pourrait pas faire les bonnes œuvres promptement, diligemment et fréquemment, en quoi gît néanmoins la vraie essence de la dévotion. Les âmes, lesquelles sorties de l'état du péché ont encore ces affections et allanguissements, ressemblent, à mon avis, aux filles qui ont les pâles couleurs, lesquelles ne sont pas malades; mais toutes leurs actions sont malades; elles mangent sans goût, dorment sans repos, rient sans joie, et se traînent plutôt que de cheminer. Car, de même, ces âmes font le bien avec des lassitudes spirituelles si grandes, qu'elles ótent toute la grâce à leurs bons exercices, qui sont peu en nombre et petits en effet.

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CHAPITRE VIII.

Du moyen de faire cette seconde purgation.

R, le premier moyen et fondement de cette se

conde purgation, c'est la vive et forte appréhension du grand mal que le péché nous apporte, par le moyen de laquelle nous entrons en une profonde et véhémente contrition. Car, tout ainsi que

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