que ce vœu sacré mettra une forte barrière entre son âme et toutes sortes de projets contraires à sa résolution. Certes, saint Augustin conseille extrêmement ce vœu à la veuve chrétienne; et l'ancien et docte Origène passe bien plus avant, car il conseille aux femmes mariées de se vouer et destiner à la chasteté viduale, en cas que leurs maris viennent à trépasser devant elles, afin qu'entre les plaisirs sensuels qu'elles pourront avoir en leur mariage, elles puissent néanmoins jouir du mérite d'une chaste viduité, par le moyen de cette promesse anticipée. Le vœu rend les œuvres faites ensuite de celui-ci plus agréables à Dieu, fortifie le courage pour les faire, et ne donne pas seulement à Dieu les œuvres qui sont comme les fruits de notre bonne volonté, mais lui dédie encore la volonté même, qui est comme l'arbre de nos actions. Par la simple chasteté nous prêtons notre corps à Dieu, retenant pourtant la liberté de le soumettre d'autres fois aux plaisirs sensuels; mais par le vœu de chasteté nous lui en faisons un don absolu et irrévocable, sans nous réserver aucun pouvoir de nous en dédire, nous rendant ainsi heureusement esclaves de celui-ci, la servitude duquel est meilleure que toute royauté. Or, comme j'approuve infiniment les avis de ces deux grands personnages, aussi désirerais-je que les âmes qui seront si heureuses que de les vouloir employer le fissent prudemment, saintement et solidement, ayant bien examiné leurs courages, invoqué l'inspiration céleste et pris le conseil de quelque sage et dévot directeur; car ainsi tout se fera plus fructueusement. II. Outre cela, il faut que ce renoncement de secondes noces se fasse purement et simplement, pour avec plus de pureté contourner toutes ses affections en Dieu et joindre de toutes parts son cœur avec celui de sa divine Majesté; car si le désir de laisser les enfants riches, ou quelque autre sorte de prétention mondaine arrête la veuve en viduité, elle en aura peut-être de la louange, mais non pas certes devant Dieu, puisque devant Dieu rien ne peut avoir une véritable louange, que ce qui est fait pour Dieu. III. Il faut de plus que la veuve, pour être vraiment veuve, soit séparée et volontairement destituée des contentements profanes. « La veuve << qui vit en délices, dit saint Paul, est morte en << vivant » Vouloir être veuve, et se plaire néanmoins d'être muguettée, caressée, cajolée; se vouloir trouver aux bals, aux danses et aux festins ; vouloir être parfumée, attifée et mignardée, c'est être une veuve vivante quant au corps, mais morte quant à l'âme. Qu'importe-t-il, je vous prie, que l'enseigne du logis d'Adonis et de l'amour profane soit fait d'aigrettes blanches perchées en guise de panache, ou d'un crêpe étendu en guise de rets tout autour du visage? Souvent même le noir est mis avec avantage de vanité sur le blanc, pour en rehausser la couleur ; et la veuve, ayant fait essai de la façon avec laquelle les femmes peuvent plaire aux hommes, jette de plus dangereuses amorces dedans leurs esprits. La veuve donc qui vit en ces folles délices, vivante est morte, et n'est, à proprement parler, qu'une idole de viduité. « Le temps de retrancher est venu, la voix de la « tourterelle a été ouïe en notre terre, » dit le Cantique; le retranchement des superfluités mondaines est requis à quiconque veut vivre pieusement, mais il est surtout nécessaire à la vraie veuve, qui, comme une chaste tourterelle, vient tout fraîchement déplorer, gémir et lamenter la perte de son mari. Quand Noémi revint de Moab en Bethléem, les femmes de la ville qui l'avaient connue au commencement de son mariage s'entredisaient l'une à l'autre : N'est-ce point ici Noémi? Mais elle répondit: Ne m'appelez point, je vous prie, Noémi (car Noémi veut dire gracieuse et belle); mais appelez-moi Mara, car le Seigneur a rempli mon âme d'amertume. Ce qu'elle disait, d'autant que son mari lui était mort; ainsi la veuve dévote ne veut jamais être appelée et estimée ni belle, ni gracieuse, se contentant d'être ce que Dieu veut qu'elle soit, c'est-à-dire humble et abjecte à ses yeux. Les lampes desquelles l'huile est aromatique jettent une plus suave odeur quand on éteint leurs flammes; ainsi les veuves desquelles l'amour a été pur en leur mariage répandent un plus grand parfum de vertu et de chasteté, quand leur lumière, c'est-à-dire leur mari est éteint par la mort. D'aimer le mari tandis qu'il est en vie, c'est chose assez triviale entre les femmes; mais l'aimer tant qu'après la mort de celui-ci on n'en veuille point d'autre, c'est un rang d'amour qui n'appartient qu'aux vraies veuves. Espérer en Dieu tandis que le mari sert de support, ce n'est pas chose si rare; mais d'espérer en Dieu quand on est destituée de cet appui, c'est chose digne de grande louange. C'est pourquoi on connaît plus aisément en la viduité la perfection des vertus que l'on a eues en mariage. La veuve laquelle a des enfants qui ont besoin de son adresse et conduite, et principalement en ce qui regarde leur âme et l'établissement de leur vie, ne peut ni doit en aucune façon les abandonner; car l'apôtre saint Paul dit clairement qu'elles sont obligées à ce soin-là, pour rendre la pareille à leurs pères et mères, et d'autant encore, que si quelqu'un n'a soin des siens, et principalement de ceux de sa famille, il est pire qu'un infidèle. Mais si les enfants sont en état de n'avoir pas besoin d'être conduits, la veuve alors doit ramasser toutes ses affections et cogitations, pour les appliquer plus purement à son avancement en l'amour de Dieu. Si quelque force forcée n'oblige la conscience de la vraie veuve aux embarrassements extérieurs, tels que sont les procès, je lui conseille de s'en abstenir du tout et suivre la méthode de conduire ses affaires qui sera plus paisible et tranquille, quoiqu'il ne semblât pas que ce fût la plus fructueuse. Car il faut que les fruits du tracas soient bien grands, pour être comparables au bien d'une sainte tranquillité, laissant à part que les procès et telles brouilleries dissipent le cœur et ouvrent souventes fois la porte aux ennemis de la chasteté, tandis que pour complaire à ceux de la faveur desquels on a besoin, on se met en des contenances indévotes et désagréables à Dieu. L'oraison soit le continuel exercice de la veuve; car ne devant plus avoir d'amour que pour Dieu, elle ne doit non plus presque avoir de paroles que pour Dieu; et comme le fer, qui étant empêché de suivre l'attraction de l'aimant à cause de la pré |