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mort, combien elles sont indignes d'un cœur généreux, que ce ne sont que badineries et amusements de petits enfants, et semblables choses. Parlez souvent contre la vanité; et encore qu'il vous semble que ce soit à contre-cœur, ne laissez pas de la bien mépriser, car, par ce moyen, vous vous engagerez même de réputation au parti contraire. Et à force de dire contre quelque chose, nous nous émouvons à la haïr, bien qu'au commencement nous lui eussions de l'affection. Faites des œuvres d'abjection et d'humilité le plus que vous pourrez, encore qu'il vous semble que ce soit à regret; car, par ce moyen, vous vous habituez à l'humilité et affaiblissez votre vanité, en sorte que, quand la tentation viendra, votre inclination ne pourra pas tant la favoriser, et vous aurez plus de force pour la combattre. Si vous êtes inclinée à l'avarice, pensez souvent à la folie de ce péché, qui nous rend esclave de ce qui n'est créé que pour nous servir; qu'à la mort aussi bien nous faudra-t-il tout quitter, et le laisser entre les mains de tel qui le dissipera, ou auquel cela servira de ruine et de damnation; et semblables pensées. Parlez fort contre l'avarice, louez fort le mépris du monde, violentez-vous à faire souvent des aumônes et des charités, et à laisser écouler quelques occasions d'assembler.

Si vous êtes sujette à vouloir donner ou recevoir de l'amour, pensez souvent combien cet amusement est dangereux, tant pour vous que pour les autres; combien c'est une chose indigne de profaner et employer à passe-temps la plus noble affection qui soit en notre âme; combien cela est sujet au blâme d'une extrême légèreté d'esprit; parlez souvent en faveur de la pureté et simplicité de cœur, et faites aussi, le plus qu'il vous sera possible, des actions conformes à cela, évitant toutes affèteries et muguetteries.

En somme, en temps de paix, c'est-à-dire lorsque les tentations du péché auquel vous êtes sujette ne vous presseront pas, faites force actions de la vertu contraire, et si les occasions ne se présentent, allez au devant d'elles pour les rencontrer; car par ce moyen, vous renforcerez votre cœur contre la tentation future.

CHAPITRE XI.

De l'inquiétude.

'INQUIÉTUDE n'est pas une simple tentation, mais

Lune source de laquelle et par laquelle plusieurs

tentations arrivent ; j'en dirai donc quelque chose. La tristesse n'est autre chose que la douleur d'esprit que nous avons du mal qui est en nous contre notre gré, soit que le mal soit extérieur, comme pauvreté, maladie et mépris; soit qu'il soit intérieur, comme ignorance, sécheresse, répugnance, tentation. Quand donc l'âme sent qu'elle a quelque mal, elle se déplaît de l'avoir, et voilà la tristesse ; et tout incontinent elle désire d'en être quitte et d'avoir les moyens de s'en défaire. Jusqu'ici elle a raison, car naturellement chacun désire le bien et fuit ce qu'il penise être mal.

Si l'âme cherche les moyens d'être délivrée de son mal pour l'amour de Dieu, elle les cherchera avec patience, douceur, humilité et tranquillité, attendant sa délivrance plus de la bonté et providence de Dieu que de sa peine, industrie ou diligence. Si elle cherche sa délivrance pour l'amourpropre, elle s'empressera et s'échauffera à la quête des moyens, comme si ce bien dépendait plus d'elle que de Dieu. Je ne dis pas qu'elle pense cela, mais je dis qu'elle s'empresse comme si elle le pensait. Que si elle ne rencontre pas soudain ce qu'elle désire, elle entre en de grandes inquiétudes et impatiences, lesquelles n'ôtant pas le mal précédent, mais au contraire l'empirant, l'âme entre en une angoisse et détresse démesurée, avec une défaillance

de courage et de force, telle qu'il lui semble que son mal n'ait plus de remède. Vous voyez donc que la tristesse, laquelle au commencement est juste, engendre l'inquiétude, et l'inquiétude engendre après un surcroît de tristesse, qui est extrêmement dangereux.

L'inquiétude est le plus grand mal qui arrive en l'âme, excepté le péché. Car, comme les séditions et troubles intérieurs d'une république la ruinent entièrement et l'empêchent qu'elle ne puisse résister à l'étranger, ainsi notre cœur, étant troublé et inquiété en soi-même, perd la force de maintenir les vertus qu'il avait acquises, et le moyen de résister aux tentations de l'ennemi, lequel fait alors toutes sortes d'efforts pour pêcher, comme l'on dit, en eau trouble.

L'inquiétude provient d'un désir déréglé d'être délivré du mal que l'on sent, ou d'acquérir le bien que l'on espère. Et néanmoins, il n'y a rien qui empire plus le mal et qui éloigne plus le bien, que l'inquiétude et empressement. Les oiseaux demeurent pris dedans les filets et lacs, parce que, s'y trouvant engagés, ils se débattent et remuent déréglément pour en sortir, ce que faisant, ils s'enveloppent toujours tant plus. Quand donc vous serez pressée du désir d'être délivrée de quelque mal, ou de parvenir à quelque bien, avant toute

chose, mettez votre esprit en repos et tranquillité; faites rasseoir votre jugement et volonté, et puis, tout bellement et doucement, pourchassez l'issue de votre désir, prenant par ordre les moyens qui seront convenables; et quand je dis tout bellement, je ne veux pas dire négligemment, mais sans empressement, trouble et inquiétude; autrement, au lieu d'avoir l'effet de votre désir, vous gâterez tout et vous vous embarrasserez plus fort.

«Mon âme est toujours en mes mains, ô Sei«gneur, et je n'ai point oublié votre loi, » disait David. Examinez plus d'une fois le jour, mais au moins le soir et le matin, si vous avez votre âme en vos mains, ou si quelque passion ou inquiétude ne vous l'a point ravie. Considérez si vous avez votre cœur à votre commandement, ou bien s'il ne s'est point échappé de vos mains pour s'engager à quelque affection déréglée d'amour, de haine, d'envie, de convoitise, de crainte, d'ennui et de joie. Que s'il est égaré, avant toutes choses, cherchez-le et le ramenez tout bellement en la présence de Dieu, remettant vos affections et désirs sous l'obéissance et conduite de sa divine volonté. Car comme ceux qui craignent de perdre quelque chose qui leur est précieuse, la tiennent bien serrée en leur main; ainsi, à l'imitation de ce grand roi, nous

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