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dévotion: les unes mourant plutôt que de quitter la virginité, les autres plutôt que de cesser de servir les affligés et consoler les tourmentés et ensevelir les trépassés. O Dieu! quelle constance a montrée ce sexe fragile en semblables occurrences!

Regardez tant de saints Confesseurs. Avec quelle force ont-ils méprisé le monde! Comme se sont-ils rendus invincibles en leurs résolutions! Rien ne les en a pu faire déprendre; ils les ont embrassées sans réserve, et les ont maintenues sans exception. Mon Dieu, qu'est-ce que dit saint Augustin de sa mère Monique? Avec quelle fermeté a-t-elle poursuivi son entreprise de servir Dieu en son mariage et en son veuvage! Et saint Jérôme, de sa chère. fille Paula, parmi combien de traverses, parmi combien de variétés d'accidents! Mais qu'est-ce que nous ne ferons pas sur de si excellents patrons? Ils étaient ce que nous sommes; ils le faisaient pour le même Dieu, pour les mêmes vertus ; pourquoi n'en ferons-nous autant en notre condition, et selon notre vocation, pour notre chère résolution et sainte protestation?

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CHAPITRE XIII.

Quatrième considération, de l'amour que Jésus-Christ nous porte.

ONSIDÉREZ l'amour avec lequel Jésus-Christ Notre-Seigneur a tant souffert en ce monde, et particulièrement au jardin des Olives, et sur le mont de Calvaire. Cet amour vous regardait, et par toutes ces peines et travaux obtenait de Dieu le Père de bonnes résolutions et protestations pour votre cœur, et par même moyen obtenait encore tout ce qui vous est nécessaire pour maintenir, nourrir, fortifier et consommer ces résolutions. O résolution! que vous êtes précieuse! Étant fille

d'une telle mère comme est la Passion de mon Sauveur, ô combien mon âme vous doit chérir, puisque vous avez été si chère à mon Jésus! Hélas! ô Sauveur de mon âme, vous mourûtes pour m'acquérir mes résolutions, eh! faites-moi la grâce que je meure plutôt que de les perdre.

Voyez-vous, ma Philothée, il est certain que le cœur de notre cher Jésus voyait le vôtre dès l'arbre de la Croix et l'aimait, et par cet amour lui obtenait tous les biens que vous aurez jamais, et entre autres vos résolutions. Oui, chère Philothée, nous

pouvons tous dire comme Jérémie : O Seigneur, avant que je fusse, vous me regardiez et m'appeliez par mon nom; d'autant que vraiment sa divine bonté prépara en son amour et miséricorde tous les moyens généraux et particuliers de notre salut, et par conséquent nos résolutions. Oui, sans doute, comme une femme enceinte prépare le berceau, les langes et bandelettes, et même une nourrice, pour l'enfant qu'elle espère faire, encore qu'il ne soit pas au monde ainsi Notre-Seigneur, ayant sa bonté grosse et enceinte de vous, prétendant de vous enfanter au salut et vous rendre sa fille, prépara sur l'arbre de la Croix tout ce qu'il fallait pour vous; votre berceau spirituel, vos langes et bandelettes, votre nourrice et tout ce qu'il fallait pour votre bonheur. Ce sont tous les moyens, tous les attraits, toutes les grâces avec lesquelles il conduit votre âme et la veut tirer à sa perfection.

Ah! mon Dieu, que nous devrions profondément mettre ceci en notre mémoire : est-il possible que j'aie été aimé, et si doucement aimé de mon Sauveur, qu'il allât penser à moi en particulier, et en toutes ces petites occurrences par lesquelles il m'a tiré à lui! et combien donc devons-nous aimer, chérir et bien employer tout cela à notre utilité ! Ceci est bien doux ; ce cœur aimable de mon Dieu pensait à Philothée, l'aimait et lui procurait mille

moyens de salut, autant comme s'il n'eût point eu d'autre âme au monde en quoi il eût pensé; ainsi que le soleil, éclairant en un endroit de la terre, ne l'éclaire pas moins que s'il n'éclairait point ailleurs, et qu'il éclairât cela seul; car tout de même Notre-Seigneur pensait et soignait pour tous ses chers enfants; en sorte qu'il pensait à un chacun de nous, comme s'il n'eût point pensé à tout le reste. « Il m'a aimé, dit saint Paul, et s'est donné pour « moi; » comme s'il disait : pour moi seul, tout autant comme s'il n'eût rien fait pour le reste. Ceci, Philothée, doit être gravé en votre âme, pour bien chérir et nourrir votre résolution, qui a été si précieuse au cœur du Sauveur.

CHAPITRE XIV.

Cinquième considération, de l'amour éternel de Dieu

envers nous.

C

ONSIDÉREZ l'amour éternel que Dieu vous a porté; car déjà avant que Notre-Seigneur Jésus-Christ, en tant qu'homme, souffrît en Croix

pour vous, sa divine Majesté vous projetait en sa souveraine bonté, et vous aimait extrêmement. Mais quand commença-t-il à vous aimer? Quand il commença à être Dieu. Et quand commença-til à être Dieu? Jamais; car il a toujours été, sans commencement et sans fin, et aussi il vous a toujours aimée dès l'éternité; c'est pourquoi il vous préparait les grâces et faveurs qu'il vous a faites. Il le dit par le Prophète : « Je t'ai aimé (il parle à <«< vous aussi bien qu'à nul autre) d'une charité «< perpétuelle, et partant je t'ai attiré, ayant pitié << de toi. » Il a donc pensé, entre autres choses, à vous faire faire vos résolutions de le servir.

O Dieu! quelles résolutions sont ceci, que Dieu a pensées, méditées, projetées dès son éternité? combien nous doivent-elles être chères et précieuses? que devrions-nous souffrir plutôt que d'en quitter un seul brin? Non pas, certes, si tout le monde devait périr; car aussi tout le monde ensemble ne vaut pas une âme, et une âme ne vaut rien sans nos résolutions.

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