et que néanmoins chacun ne l'a pas; si que cette Introduction ne servira pas pour tous. Il est vrai, sans doute, j'ai présupposé cela; et il est vrai encore que chacun n'a pas le don de l'oraison mentale. Mais il est vrai aussi que presque chacun le peut avoir, même les plus grossiers, pourvu qu'ils aient de bons conducteurs et qu'ils veuillent travailler pour l'acquérir, autant que la chose le mérite. Et s'il s'en trouve qui n'aient pas ce don en aucune sorte de degré, ce que je ne pense pas pou voir arriver que fort rarement, le sage père spirituel leur fera aisément suppléer ce défaut, par l'attention qu'il leur enseignera d'avoir ou à lire ou à ouïr lire les mêmes considérations qui sont mises dans les méditations. CHAPITRE XVIII. Trois derniers et principaux avis pour cette Introduction. EFAITES, tous les premiers jours du mois, la protestation qui est en la première partie, après la méditation; et à tous moments protestez de la vouloir observer, disant avec David : « Non, << jamais éternellement je n'oublierai vos justifica« tions, ô mon Dieu; car en celles-ci vous m'avez « vivifiée; » et quand vous sentirez quelque détraquement en votre âme, prenez votre protestation en main, et, prosternée en esprit d'humilité, proférez-la de tout votre cœur ; et vous trouverez un grand allègement. Faites profession ouverte de vouloir être dévote; je ne dis pas d'être dévote, mais je dis de le vouloir être, et n'ayez point de honte des actions communes et requises qui nous conduisent à l'amour de Dieu. Avouez hardiment que vous vous essayez de méditer; que vous aimeriez mieux mourir que de pécher mortellement; que vous voulez fréquenter les Sacrements et suivre les conseils de votre directeur, bien que souvent il ne soit pas nécessaire de le nommer, pour plusieurs raisons. Car cette franchise de confesser qu'on veut servir Dieu et qu'on s'est consacré à son amour d'une spéciale affection est fort agréable à sa divine Majesté, qui ne veut point que l'on ait honte de lui ni de sa Croix. Et puis elle coupe chemin à beaucoup de semonces que le monde voudrait faire au contraire, et nous oblige de réputation à la poursuite. Les Philosophes se publiaient pour Philosophes, afin qu'on les laissât vivre philosophiquement; et nous devons nous faire con naître pour désireux de la dévotion, afin qu'on nous laisse vivre dévotement. Que si quelqu'un vous dit que l'on peut vivre dévotement sans la pratique de ces avis et exercices, ne le niez pas; mais répondez amiablement que votre infirmité est si grande, qu'elle requiert plus d'aide et de secours qu'il n'en faut pour les autres. Enfin, très-chère Philothée, je vous conjure par tout ce qui est de sacré au ciel et en la terre, par le Baptême que vous avez reçu, par les mamelles que Jésus-Christ suça, par le cœur charitable duquel il vous aima, et par les entrailles de la miséricorde en laquelle vous espérez, continuez et persévérez en cette bienheureuse entreprise de la vie dévote. Nos jours s'écoulent; la mort est à la porte: « La trompette, dit saint Grégoire de « Nazianze, sonne la retraite; qu'un chacun se « prépare, car le jugement est proche. » La mère de saint Symphorien, voyant qu'on le conduisait au martyre, criait après lui: Mon fils, mon fils, souvienne-toi de la vie éternelle; regarde le ciel, et considère celui lequel y règne; la fin prochaine terminera bientôt la briève course de cette vie. Ma Philothée, vous dirai-je de même: Regardez le ciel et ne le quittez pas pour la terre; regardez l'enfer, ne vous y jetez pas pour les moments; regardez Jésus-Christ, ne le reniez pas pour le monde; et quand la peine de la vie dévote vous semblera dure, chantez avec saint François : A cause des biens que j'attends, Les travaux me sont passe-temps. Vive Jésus, auquel avec le PÈRE et avec le SAINTESPRIT, soit honneur et gloire, maintenant et toujours, et ès siècles des siècles. Ainsi soit-il, FIN MANIÈRE DE DIRE DÉVOTEMENT LE CHAPELET ET DE BIEN SERVIR LA VIERGE MARIE. Vous prendrez votre Chapelet par la croix, que vous baiserez, après vous en être signé, et vous vous mettrez en présence de Dieu, disant le Credo tout entier. Sur le premier gros grain, vous invoquerez Dieu, le priant d'agréer le service que vous lui voulez rendre, et de vous assister de sa grâce pour le bien dire. Sur les trois premiers petits grains, vous demanderez l'intercession de la sacrée Vierge, la saluant au premier comme la plus chère Fille de Dieu le Père ; au second, comme Mère de Dieu le Fils; et au troisième comme Épouse bien-aimée de Dieu le Saint-Esprit. |